Un amour de librairie
Quand
les libraires se nomment Manuella et Marius, qu’ils sont nés à Papeete, la
petite boutique se pare de pétulance,
de sourires, de cordialité. Aux visiteurs que nous sommes, tout est grâce,
légèreté… le sérieux devient plaisant. La librairie Klima dégage une âme.
Entrer dans une librairie de ce type, je veux dire
pas un super-marché du livre mais un lieu habité, c’est suivre le papillon
flegmatique Absolem et
passer De
l’autre côté du miroir.
C’est pénétrer dans un univers où tout s’explique autrement : là où les
lignes qui se suivent vous entraînent à les visualiser, à entrer en contact
avec un auteur… C’est abolir le Temps, comme Alice, et retourner au Pays des
Merveilles. Là où l’écriture « hurle
sans bruit… L’écrit
ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit, et ça passe
comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la
vie. »
C’est suivre le Lapin Blanc au gilet bleu… et là, assis
parmi les livres, sous l’affectueux et rassurant regard du couple des
libraires, votre solitude se transforme au gré d’une compagnie qui vous livre
le monde fantastique de son imaginaire.
Une librairie, c’est une invitation, ça parle...
Enfin, les mots se croisent et t’interpellent. Là, dans leur cadre bien rangé,
ils se déploient. Sous leur titre, un portrait s’ouvre comme un visage, un
paysage. Les livres ne s’ennuient pas sur les étagères… Ils t’appellent en une
lettre, un nom, un bout de phrase. Ils te font discuter. Ils sont portés par
une voix : écoute-les parler entre eux, ils s’envolent en duo, se glissent
dans la conversation des amateurs.
Ils vivent sous les mains de ceux qui les
feuillettent. Regardez comme Marius et Manuella les caressent du bout des doigts. Une longue
fréquentation qui commence à l’âge de la lecture. Quelques six ans après la naissance de la
librairie Klima. 1936… « ça commence comme un rêve d’enfant, on
croit que c’est dimanche… »
Une librairie, ça vous
dévisage... de ses grands yeux ovales qui s’écarquillent avec les lettres
rondes des titres et des auteurs... ça
remanie son look quand ça déménage. Le Quai des Bonitiers, le port, la mairie,
Vaima, la cathédrale : la librairie Klima a quitté le front de mer pour le
Centre ville. C’est une porte ouverte sur la vie alentour. La place du village
où chacun vient partager ses découvertes et ses vœux, les senteurs du quartier,
un climat vivifiant.
Un rythme qui a vogué des
années-bateaux, quand la presse n’était livrée que périodiquement… à l’ère des
rentrées littéraires. Quarante ans de gérance, pour Manuella et Marius, c’est
imprimer une atmosphère-boutique. Chaleureuse, bien vivante, enjouée.
Klima c'est....
L’odeur du papier, son grain, l’effluve des encres
chatouillant les papilles des connaisseurs : une relation sentimentale qui
allie exhalaisons d’histoires enfouies dans le secret des pages aux souvenirs
d’enfance. Une belle histoire d’amour qui traverse le temps et se transmet dans
le sourire du couple : Manuella, Marius.
Des rencontres où venus d’autres continents, la
même addiction se dispense. Certains y revivent l’atmosphère de leurs jeunes
années. Quand la librairie familiale était une aire de jeux, un lieu consacré,
le temple du silence…
Invitation à la plume
Klima, malgré la réalité virtuelle, poursuit son
long cheminement à travers les écrits d’ici et d’ailleurs. La foule des grands
jours pour les dédicaces des écrivaines d’ici : Chantal Spitz ou Nathalie
Heirani Salmon-Hudry. Et bien d’autres encore… Ceux qui pimentent du sel de l’humour, la vie
cachée des insulaires aux allures de polars : Patrice Guirao… et puis les
universitaires, chercheurs… Les rayons dissimulent des trésors.
Et encore ceux qui modestement ne prétendent à rien
d’autre que de poser des points sur les « îles » (pour ne pas
préciser les « i ») que les guides touristiques parent de mythes et
de mystères… Un certain 25 janvier 2020, jour de l’an chinois du rat de métal,
Julien Gué, reçu avec beaucoup de délicatesse et de prévenance, y signait De la mer
aux hommes : manifeste pour Tahiti et ses îles…
Invitation au voyage...
Alors, puisqu’il vous reste encore un peu de temps…
avant que la date fatidique ne vienne clore la Librairie Klima… invitez-vous au voyage… prenez
la peine de vous y arrêter. Une librairie est un port. Elle n’appartient pas
qu’aux seuls habitués…
Laissez-vous porter par l’aventure des mots… ceux
que vous connaissez, ceux que vous entendez dans le calme d’une librairie où
les patrons vous convient à la découverte… de ces cultures multiples qui se
mélangent au gré des ouvrages, au gré des familiers qui s’acclimatent…
Un article
de Monak et Julien Gué
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