Au-dessus de tout soupçon
Notre monde marche
sur la tête. À l’intérieur d’un même pays, brusquement, s’élèvent des propos
discriminatoires menant jusqu’au clash : tel est le cas du royaume
indépendant des Tonga. "Joey and the
Leitis", primé au 15ème FIFO avec un 2ème
Prix spécial du jury, expose
« une vie réussie » malgré tout.
Le
propos porte sur « une personne à part entière. Il serait dommage de le
réduire à une question de genre », nous avertissent les réalisateurs, Dean Hamer et Joe Wilson. Le film nous
montre aussi cette distorsion entre le vécu selon les critères d’un patrimoine
culturel vivace et les morales répressives venues d’ailleurs et réellement adoptées…
Des réalisateurs engagés |
Joey
Joleen Mataele,
tongienne, parfaitement intégrée dans une communauté qui légitime
traditionnellement son statut de transgenre depuis la nuit des temps, se voit
contrainte de revendiquer son droit d’être. Son arme est le dialogue. Elle
invite ses détracteurs à l’échange public pour créer ce consensus commun fait
de respect, de compréhension et de convivialité. Le « vivre-ensemble »
est à l’ordre du jour.
Le documentaire retrace ce combat
pacifique du droit de vivre. Avec Joey, partie prenante de cette initiative, la
parole est donnée aux Leitis, personnes dont
le genre est celui d’une femme ou "fakaleiti", "like a
lady", comme une lady.
Les termes d’une oppression moderne
Ce
que nous ressentons au travers d’images choquantes de violences verbales et de
menaces qui touchent à l’intégrité de la personne, c’est une intolérance
débridée qui se permet de traiter les Leitis comme des sous-êtres, les privant
de leur liberté d’agir pleinement. : à croire que les bonnes consciences
détiennent de droit divin le pouvoir de les rabaisser, de les humilier et de
les assujettir.
Une
nouvelle forme d’asservissement sociopolitique non déclaré dans ces termes où obstructions
décisionnelles, astreintes privées et contraintes vestimentaires tissent un
carcan oppressif qui ne repose sur aucun argument rationnel.
Petit aperçu de "Joey and the Leitis"
« Luttant
contre les préjudices », le film est courageux, et s’appuie sur
l’activisme de Joey tout aussi hardi et valeureux face à un harcèlement
multiforme que subissent sa personne, sa famille, son association et au-delà,
bien des individualités anonymes.
Des traumatismes indéniables
En
butte à un prosélytisme compulsif dans une société religieuse par essence, Joey
« insiste sur sa sincérité pour faire tomber les barrières », mais
que de justifications inutiles qui gâchent et encombrent l’existence ! De
rares « remises au point, dans la communauté confessionnelle où elle est
impliquée et qui d’une certaine façon l’a toujours protégée » ne simplifient
pas une situation déjà complexe…
La
ségrégation, Joey fait avec depuis son enfance. Une force de caractère qu’elle
s’est forgée et qui lui fait prendre la vie du bon côté, tout en restant sur
ses gardes. Mais ce n’est pas sans angoisse, ni sans cruauté : surtout
quand les victimes sont ses propres enfants mineurs !
Joey Joleen Mataele |
La
fausse raison du plus grand nombre, la mauvaise foi l’emportent, « sans
aucune forme de procès », en toute impunité. Le bouclier du droit n’existe
pas en la matière. Les cibles sont les Leitis et leurs calomniateurs restent
indemnes, ne sont pas condamnés, malgré leur inhumanité.
Vers une solution ?
Vivre
sa vie et l’assumer pleinement, ainsi s’accomplit Joey Joleen Mataele, avec
beaucoup d’humour, d’entrain et de plénitude. Fidèle à elle-même, généreuse, boute-en-train,
sans arrogance, elle affiche un fond d’optimisme.
Elle
est présente sur la scène publique pour se réapproprier la place qui revient
légitimement aux Leitis, ainsi que pour assurer un minimum de soutien à ses
congénères plus infortunées. Le film offre l’avantage de nous présenter leur
point de vue sans la moindre pression. Mais il nous bouleverse et nous mobilise
par l’attitude minable, l’abus de pouvoir de censeurs qui se réfèrent à un
dogmatisme religieux.
Un film et un destin largement plébiscités |
Convaincus
que le bon sens l’emportera, nous souhaitons aux Leitis de Tonga de recouvrer les
droits essentiels dont chacun jouit, qui ne sont pas des privilèges, mais tiennent
de la justice la plus élémentaire.
Un article de Monak et de Julien Gué
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