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dimanche 11 février 2018

Fifotages* 2018



Des jurés et des hommes

Sur le paepae* A Hiro, en salle de presse, sous le chapiteau, déclarations, confidences et… fausses confidences enfièvrent la Maison de la culture Te fare Tauhiti Nui. Car vous savez tous combien les fonctions officielles imposent de sincérité et de réserves !

Voulez-vous connaître les priorités des membres qui siègent au jury du FIFO cette année ? Réalisateurs, voulez-vous deviner à quelle sauce vous avez été mangés ? Et pour le fun, une interview de Miriama Bono, présidente de l’AFIFO (Association du Festival International du Film documentaire Océanien), la structure qui fait la pluie et le beau temps sur le Festival des films documentaires océaniens…

Christine Hereata, la voix de l’échange au micro…
Pour respecter la parité, adoptée par l’AFIFO, pour le choix des membres du jury, je me suis pliée à cette convention, même si pour mes interviews, je ne me suis pas adressée à tous. De cet exercice imposé de 15 minutes par personne, voici un bref compte-rendu…


Éric Lavaine et l’empathie
Abandonnant sa propension au polar comique, l’un des genres où il excelle en tant que réalisateur en métropole, Éric Lavaine s’avoue « très gros consommateur de documentaires » et totalement à-même de se consacrer à sa tâche de Président du jury : avec la bonne foi, la félicité du « spectateur lambda » et sans aucune prétention de pouvoir. Le ciel gris et la pluie l’ont aidé à ne pas s’en distraire : « c’est inespéré ! » brocarde-t-il.

Éric Lavaine & l'humour…
Donc, malgré le verdict à la clé, les nécessités de l’enquête sur le documentaire océanien conduisant au palmarès 2018, les assises du prétoire cinématographique, se sent-il détendu. « La prégnance du climat rejaillissant sur l’humeur des Polynésiens et leur façon de communiquer », l’humour est au beau fixe. Empathique, « sensible aux destins particuliers, aux problématiques individuelles qui débouchent forcément sur l’universalité » l’imprévisibilité des films du Pacifique l’enchante.

L’étonnant destin de Lavinia Tagane
Avec un cursus en marketing, rien ne la prédisposait à devenir Conseillère territoriale à Wallis et Futuna. C’est à l’initiative de son village que Lavinia Lagane a été portée vers la carrière politique. Cinéphile, mais surprise, honorée et ravie de participer au jury, elle a préparé sa venue avec les représentants locaux de son archipel natal. Benjamine, une fois de plus, elle bénéficie de la bienveillance de ses aînés et de la confiance des plus jeunes : « ils viennent vers moi tout naturellement. Cette proximité casse le code du politicien inaccessible. »

Lavinia Tagane, projets à cœur…
 « Heureuse d’être ici », car elle vient y glaner « des idées, des procédés pour mettre en œuvre le secteur et inciter les jeunes Wallisiens à y entrer, car ils connaissent peu le milieu de l’image. » Impatiente de voir les projections, elle est fière de représenter le 1er film wallisien sélectionné, Nukutapu : « Les réalisations cinématographiques sont un moyen où les jeunes sont impliqués et mis à l’épreuve. La Table ronde : les femmes derrière la caméra, une prise de conscience qu’il est nécessaire de prendre en compte. Dans notre société matriarcale peu de femmes sont cinéastes, mais un mouvement montant aurait tendance à inverser cet état de fait. »

Guillaume Soulard et la circulation des œuvres
Parmi les membres du jury Guillaume Soulard, Directeur artistique du Centre culturel Tjibaou à Nouméa, s’investit « dans la création de toutes les expressions artistiques contemporaines kanakes, mais aussi d’Océanie, de Mélanésie… Tout comme le festival est l’occasion d’un retour d’expériences, mais aussi de l’émersion de régions méconnues. » Assurant la continuité de la présence de la structure néo-calédonienne, il affirme : « Le Fifo est perçu avec beaucoup d’attention par le Centre culturel Tjibaou : il fait sens pour nous, Néo-Calédoniens, depuis le début. Et bien sûr, nous suivons l’événement de près. » 

Guillaume Soulard & le bouillon des cultures…
« Réussissons-nous à atteindre nos objectifs actuellement ? Le vrai frein, pour la création culturelle, ce sont les financements. Nous sommes les passeurs de la parole libre, tout comme le film documentaire. Dans notre société, c’est compliqué : nous n’avons pas à faire avec un seul type de public mais à des publics différents. Nous sommes les médiateurs de ces publics. Et par ailleurs, si nous traitons d’un thème qui ne touche pas toutes les générations, nous faisons en sorte que tout le monde soit au courant. » Le rayonnement du Centre Tjibaou est un phénomène d’envergure…

Molly Reynolds sans tabou
Molly Reynolds, réalisatrice australienne, déjà primée au FIFO, a « pour règle de vie de dire directement les choses », faut-il la craindre comme membre du jury ? Pas du tout : « je suis bienveillante, comprendre fait partie de mon métier » Elle est connue pour soigner ses images à l’écran, mais son sens de l’esthétique, « s’il est un critère de jugement que je ne peux ignorer, n’est pas rédhibitoire. Forcément, il fait partie de moi mais il ne m’aveugle pas.»

J’ose ? avec Molly Reynolds…
« Il est agréable et facile d’accepter une invitation comme membre du jury, le FIFO me l’a demandé plusieurs fois ; le problème qui s’est posé pour moi, ce sont mes engagements. Et parfois la pression est trop forte ; il me faut planifier, je n’ai donc pu venir l’an dernier.»

 « En tant que réalisatrice, c’est en toute légitimité que je peux délibérer sur la production de mes semblables ; même s’ils n’ont pas les mêmes points de vue artistiques ou d’investigation. Ce rôle est intéressant, il me permet d’examiner en profondeur ces réalisations et de rencontrer d’autres réalisateurs.  Et puis il présente l’avantage par la suite de pouvoir parler aux réalisateurs des objectifs que je tire de cette expérience ; c’est important. »

Solène Meniaud, le contact presse…
Les documentaires de Molly Reynolds n’ont pas lésiné sur la dénonciation de certains faits sociétaux inadmissibles. « D’autres voix s’élèvent aussi, il faut les prendre en compte.  Mes films ont-ils servi à faire changer les choses ? Je n’ai pas la prétention de le croire. Mais le doc, sous toutes ses formes, contribue à prendre conscience des problèmes de la région Pacifique, à redonner confiance aux peuples océaniens.

Pour la Table ronde : femmes derrière la caméra, il ne faut pas qu’elle se limite à des propos avec thé et petits biscuits. La condition de la femme cinéaste est à un tournant après les scandales américains : les choses changeront peu à peu. Mais la lutte se situe sur la différence de salaires entre les hommes et les femmes : la base du changement est là ! Du coup, il y aura moins de prédateurs masculins. Ce même genre d’écarts est un problème humain de base. »

Miriama Bono à l’image
Miriama Bono, présidente de l’AFIFO, se réfugie toujours derrière les phrases-clé « le travail d’équipe » et « Le FIFO est une famille : on n’abandonne pas sa famille »… Mais au-delà d’un investissement personnel intense, une cohérence animée par la passion… Le Fifo d’abord.

Miriama Bono & l’image…
« Le Fifo s’accroît et s’adapte aux films qui nous sont envoyés : d’où la nouvelle section Fenêtres-sur-court ; il est important de considérer tous les formats.  Mais il est difficile d’augmenter dans l’immédiat l’envergure du festival : ce qui occasionnerait trop de contraintes. Le FIFO a atteint son niveau de saturation pour la fréquentation. » Sauf que cette "période d’abondance" pluviale allant jusqu’aux alertes météo ont hélas grévé gravement le taux d’assistance à l’événement…

Faut-il en étaler la durée ? « Le festival se déroule sur 10 jours, c’est lourd 10 jours ! D’autre part nous avons à affronter les contraintes budgétaires qui se généralisent depuis 5 ans… et puis, des désistements, le coût de sa diffusion en dehors, dans les îles et ailleurs, notamment en Métropole. Le public métropolitain est ciblé. C’est important la visibilité ! »

Le mā'ohi de chez nous…
« Le FIFO n’est pas menacé : on gère à l’économie. » Par exemple, la réduction du nombre des festivaliers invités. « Pour la sélection des membres du jury il faut distinguer les figures imposées que sont la représentation de toute la région : Wallis et Futuna y participe pour la 1ère fois ; les professionnels évidemment. Et nous avons décidé d’y ajouter des représentants du social et de la parole de monsieur-tout-le-monde : c’est tout de même grâce au public que le festival vit. »

Directrice du Musée de Tahiti & des îles, présidente de l’AFIFO, mais aussi artiste plasticienne, Miriama Bono baigne dans l’image : celle du patrimoine, celle de l’écran, celle de la toile… Un monde à facettes, qui stimule, bouillonne, s’isole et crée…

Pour le fun
L’affiche du festival étant signée Gérald Prufer, « adepte des arts premiers et de Gauguin », s’attendre avec cet emblème de ‘aito* à une représentation mā'ohi* traditionnelle dans le jury, n’est pas aberrant. À défaut d’une lance ou d’une couronne de feuillage à la Sunny Moana'ura Walker, la parole est donnée au goupillon…

Un ‘aito à l’affiche
Au palmarès d’un festival qui a été à la hauteur des relations médias du Fifo, avec l’interprète Christine Hereata, Solène Meniaud, qui nous ont facilité la tâche pour ces entretiens rondement menés.




Fifotages* : propos tenus au FIFO ou qui concernent le FIFO…
paepae*   : plateforme traditionnelle en pierres, servant de parvis…
‘aito*      : guerrier autochtone
mā'ohi*  : originaire de la Polynésie française

Un article de Monak

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