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Le nouveau roman de de Monak à lire absolument

dimanche 10 décembre 2017

Teiki Pambrun



Le défi de la vie

C’est par un proverbe mā'ohi que Teiki Pambrun résume, en quelque sorte, son attitude face à la vie, dans ce monde qui n’offre qu’un seul moule, celui de devenir une machine à produire jusqu’à l’excès et l’épuisement : « le cocotier croîtra, le corail s’étendra et l’homme périra ».

Voilà comment se présente ce personnage incontournable de la polynésianité. Avec cette retenue caractéristique des Polynésiens. Dégageant un charisme dingue, impressionnant comme le Neptune des mosaïques gréco-latines de l’Antiquité - soit l’homologue de Ruāhatu, Dieu de l’océan-, il est empreint d’affabilité, d’hospitalité et de la modestie des sages.

L’Hitiura près de l’îlot Rimatu à Tetiaroa
C’est à bord de l’Hitiura ou Rayon de soleil à l’aurore, son fare flottant qu’il a failli perdre, pour le simple fait de mouiller dans le lagon de Tetiaroa… de remarquer l’ouverture artificielle d’un atoll fermé et les risques de bouleversement sur l’équilibre d’un « site protégé », que j’entreprends de le connaître davantage.

Montagne de savoir-faire coutumiers, capable de survivre et de vivre à l’ancienne, il en fait son quotidien…

Une personnalité !
« Inutile de chercher à se donner un rôle dans la société, maladif que de vouloir justifier notre présence. La seule question qu’il faut se poser à un moment, c’est : qu’est-ce que je fais là ? Je n’ai pas de mission à accomplir, juste essayer de me trouver. Dans le monde actuel, il n’y a pas de place pour moi. » étonnant, n’est-ce pas, venant d’une personnalité atypique, monument de culture universelle, au vécu flamboyant, disséminant tel une comète quelques traces inoubliables au gré des îles du Pacifique Sud.

Remettons les pendules à l’heure ! Si Teiki a essuyé des flashs médiatiques, il ne les a pas cherchés. La notoriété, la réussite, telles que les sous-entendent les abonnés de la performance, « les fanfarons de la belle bagnole » et « les rangés des voitures » n’ont aucun attrait pour lui : « Ce n’est pas ça la Polynésie ! » «Tout bonnement, je vis mon mythe », déclare-t-il, acceptant le jeu de l’interview à bâtons rompus.

Teiki, dos à Fare (Huahine)
Quel est, dans ce cas, son parcours ? Un mode de vie comme un fil d’équilibriste tendu entre deux types d’adage : " La vie est une aventure à tenter et La vie est un rêve, fais-en ta réalité" Dans le cadre dépouillé qu’il s’est choisi, il rayonne, coulant des jours flegmatiques au plus près de l’héritage ancestral polynésien, en symbiose avec le lagon qui l’entoure…

Le malus
Son discours est celui d’un stoïcien que la nature fait vibrer : « Notre société est malade : qu’est-ce que je vais soigner ? Prisonnière de la mondialisation, elle ne se suffit plus de la simplicité ; on déresponsabilise les gens. Pouvana’a O’opa annonçait une nouvelle ère, puis tout a été corrompu. Mon père, fonctionnaire intègre était outré par la société de Gaston Flosse ! Une des notes paternelles en exprime la déconvenue : "si tu veux être heureux, quitte l’école & le travail et vis tes chimères". Je l’ai traduite comme une autorisation de rompre le cycle infernal… une bénédiction. »

« J’ai rangé le nœud pap’ de mes 7 ans… J’ai largué la voile et j’ai pris conscience de cette phobie de la liberté que nous vivons. On ne respecte pas les autres, mais la loi. Pas le droit de stationner dans une île, d’aller d’une île à l’autre… (sans autorisation !). » Une sorte de complexe où chacun se trouve suspecté avant même d’agir.

Une annexe façon va’a à double balancier
« Quant à l’associatif, c’est le théâtre de tous les ego. Le moyen de se faire mousser, d’insulter, de mépriser. Si tu mènes une action contestatrice, tu n’as plus personne derrière toi et tu te retrouves seul : voir les déboires de Jean-Marc Pambrun avec Ia ora te natura (1991-1997), alors ! Le respect de la Terre-Mère, c’est culturel : ça l’était, plutôt. Le problème n’est pas environnemental, mais une question d’esthétisme… nous sommes tous des pollueurs. Il n’existe plus d’esthétisme au quotidien, nous l’avons égaré. »

Le bonus
« Jusqu’à 18 ans - je m’en rends compte maintenant - j’étais un mort-vivant, mort en sursis, toujours malade ; mais j’étais vivant. Ma richesse se situe là. » Pas sportif, hors de toute émulation, il se lance dans le sport : l’eau, la voile. « Une sorte de défi ». « à 20 ans, je suis en vie, en super forme. C’est du bonus, c’est gratuit ! »

« Quand j’ai monté mon entreprise de chantiers, vers 23-24 ans, malgré la fierté de mon père, je me dis que ce n’est pas possible… qu’il existe autre chose que de tomber dans le panneau de prouver que tu es autonome, de faire fructifier ton gagne-pain… » et autres occupations lucratives.

Un lieu de vie traditionnel et… la pluie
Ainsi, se met-il à conjuguer relation à la nature et job… essentiel et existentiel : traversées à la voile dans les archipels dont la destination Tahiti-Tetiaroa dans les années 80-90 sur le voilier L’Auroch, qui coula en 91 après avoir été cédé. Une apparition à l’écran dans Hombo… De nouveaux périples à moteur toujours à vocation de tourisme culturel et autres aventures marines.  L’océan encore… des traversées du Pacifique à la voile... et l’homme face à son destin.

L’anthropocentrisme
Teiki déplore cette attitude importée depuis l’évangélisation (1797) ; elle se trouve à mille milles de la mentalité polynésienne originelle, en perpétuel dialogue animiste avec la nature aquatique ou terrestre. « Nous vivons un malentendu. La Genèse a érigé l’homme en tant que roi. Quand Noé pactise avec Dieu, l’humain devient la terreur de la Nature… Il détruit tout, il fait le vide autour de lui. » Teiki fait de cette formule à la sauce Mère Teresa sa devise : "vivre simplement, c’est permettre aux autres, tout simplement de vivre!

« Notre relation au monde est égocentrique ; c’est dans la religion. On ne laisse plus de place aux phénomènes naturels ; on ne compose plus avec : du coup on fait des enrochements ; on raisonne au mètre carré : jusqu’où va l’égocentrisme ! Les SDF qui prennent le p’tit déj’ devant la cathédrale se font insulter : si tu juges les pauvres, tu ne peux pas les aimer….La religion est à réinterpréter. »

Au gré des mots…
Combattre quoi ? s’interroge Teiki. « Ce monde doit aller jusqu’au bout de sa logique de destruction. Soyons à la hauteur de notre humanitude faute de quoi nous ne serions qu'une erreur de la création »

On nous a tout retiré
Dans ce système de soliloque à sens unique, reste-t-il des solutions communautaires ? « Mon espoir, c’est peut-être dans un sursaut de la nature humaine qu’il réside. » Nous ne sommes pas loin d’un humanisme à la Montaigne. C’est au niveau de la personne que tout se joue. « Ce qui explique peut-être que je sois un solitaire ».

Le communautarisme a montré ses limites… « On a été touchés par l’évangélisation : on nous a tout retiré. On nous a enlevé le sacré.  On était dans un animisme qui respectait toute créature : eau, lagon, rivière, etc. Retrouvons cette sacralité qui était notre culture. »

Une ambiance sirène…
Insulaire natif, l’océan toujours ! Les Polynésiens d’aujourd’hui bénéficient-ils des gènes de leurs ancêtres navigateurs depuis la Préhistoire ? Du moins certaines traditions perdurent... Teiki renoue depuis plusieurs années avec la pirogue double habitable de ses ancêtres. Un toit au Jardin d’Eden, documentaire programmé à la 15ème édition du FIFO, dans la catégorie écrans océaniens, à travers cette filiation offre l’opportunité de découvrir un habitat en symbiose avec le contexte lagonaire.

À la polynésienne !
« La vie des îles, sur un fare flottant, est possible : la technologie actuelle nous permet cette option ou ce choix de vie. Confort assuré par un minimum d'installation avec l'énergie solaire et l'utilisation de divers appareils électriques. Un désalinisateur, un épurateur d'eau de pluie ou d'eau saumâtre. Victuailles de base, et matériel de pêche succinct, un va’a motorisé.

« Tout le reste se trouve sur place : l'eau de coco, le coco râpé qui donne lait, huile de friture, huile pour le corps, bonbon coco et un tas de produits. Le poisson, les crabes, et une multitude de fruits de mer viennent agrémenter le menu quotidien. Balades, plongée, pêche sont les activités principales. Ne pas oublier de bons bouquins, de la bonne musique pour les moments de loisirs au calme.

De la musique en toutes choses
Teiki rend compte plus amplement de son identité sur sa page internet Culture et Navigation. Son manifeste ?  « Le droit d’être citoyen en Polynésie et rien d’autre. Je ne combats rien du tout. Le droit d’être contemplatif : je suis admiratif, qu’il pleuve, qu’il vente. » Le portrait serait incomplet, si je taisais la disponibilité, l’empathie, la qualité d’accueil, la cordialité dont il fait preuve. Mais vous les avez déjà distinguées, en parcourant les différents liens qui illustrent son tempérament.


Un article de Monak

À propos du bandeau : Toile de Tehina. " Scène inspirée de nos sorties sur Tetiaroa dans les années 90 où, encore étudiant, il faisait partie de l'équipe pendant ses vacances. Larry Cowan à la flûte traversière, Manea Lauglin au djembé, Terii Tekopunui de dos à l’ukulele, Poken Kavera à la guitare, Teiki Pambrun au fond à l'harmonica, Teve le frère de Terii à la poubelle basse, et un fumeur de pétard au premier plan. Ce tableau illustrait l'affiche de sa première exposition en 93 à la mairie de Papeete dont on a animé la soirée."

Tous droits réservés à Monak & Julien Gué. Demandez l’autorisation des auteurs avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.



1 commentaire :

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