Les secrets de Nabila
Il est des plats
maghrébins qui ont gagné leurs lettres de noblesses en figurant aux repas de
fêtes, ou traditionnellement au mois de Ramadan. La chorba en fait partie. Mais,
dans sa version de base, elle est aussi
le repas du pauvre.
Les
variantes en sont innombrables, en fonction de sa localisation géographique, en
bord de mer, en montagne, au désert. En fonction aussi des peuples qui ont traversé la région et ont laissé
leurs empreintes au cours des siècles.
Souk aux épices |
A l’image de ce qu’elle est, un creuset
de saveurs et de savoir-faire familiaux, puisons dans « les petits secrets
de Nabila ». Formée professionnellement aux métiers de bouche, elle n’en garde pas moins toute sa fantaisie
d’innovation. Elle te le dit clairement : « La cuisine, il faut en ressentir
vraiment le goût, saliver, avant même de mettre la main à la pâte. Tout est
dans le mariage des produits. Tu sais ce que tu veux. La quantité d’épices,
leur alliance, elles dépendent du croquant du légume. »
Quant aux secrets de famille, Nabila ne
les pas extorqués à sa grand-mère, Mamie
Tounès les lui a légués, ainsi que son prénom, le second de la liste.
La cuisinière
Profitons
des origines multiples de Nabila, en arabe نبيلة, pour faire un
détour par les langues. Propos de circonstance, puisqu’il s’agit de gustatif
autant que de paroles. Nabila, vient du schème arabe qui exprime « noble, grandeur
d’âme ». Nous savons combien nos cuisinières, même familiales sont
généreuses et de noblesse d’âme. La cuisine est un sacerdoce, celui des
gardiennes du foyer.
Revenons à « Nana » Tounès, puisque tel est le surnom affectueux dont on
pare les aïeules tunisiennes. Née à la frontière, elle a reçu le prénom de
Tounès, qui signifie maintenant : La Tunisienne ; Tunis, la capitale
et Tunisie. Le mot est attesté par Yaqout al- Rumi en 1226 ; mais son origine berbère (tûnus, tûnas), signifie
dans la toponymie antique : promontoire, bivouac et halte. L’agglomération
de Tunès date du IVème siècle av. J.C. et s’écrit ainsi en berbère :
« ⵜⵓⵏⴻⵙ »
Un prénom qui se lit de droite à gauche
|
D’autres
localités en empruntaient la racine avant la conquête arabe. Ainsi Tuniza
devient El Kala et Cartennae (Ténès) en Algérie, Thunusuda (Sidi Meskine),
Thinissut (Bir Bouregba), Thunisa (Ras Jebel) en Tunisie.
Quant
à Nabila Tounès, jeune femme dynamique, elle allie à un talent indéniable de
cordon bleu un sens inné de la présentation des plats au quotidien. Incroyable
mais vrai : ses assiettes sont de véritables petits chefs-d’œuvre décoratifs.
A vous donner envie !
La marmite
Famille
nombreuse ou appétits de sportifs obligent, et puis cette tradition qu’un
nécessiteux est l’hôte par excellence !
Il est donc compté et bienvenu parmi les convives.
Donc,
pour une bonne marmite, faut-il rassembler :
-
1
courgette, 2 pommes de terre, 2 branches de céleris, 2 oignons
-
1
moitié d’épaule d’agneau coupée en dés pas trop petits…
-
3
grosses poignées de coriandre frais et émincé
-
1
boîte de pois chiches
-
2
petites boîtes de concentré de tomates
-
1
bonne cuiller à café de gingembre
-
1
bonne cuiller à café de cumin
-
½
cuiller à café de cannelle
-
1
petit verre de vermicelle
-
2
litres d’eau et… bien davantage
-
du
sel
-
un
citron
-
et
l’incontournable huile d’olive
Fil Khadhaar : chez le maraîcher |
N’oublions
pas que la méthode est particulière… et que d’elle dépend le velouté du mets et
la prodigalité de sa saveur
A la soupe !
Ne
lésinons pas sur la gestualité qui accompagne tout cérémonial, car la cuisine
est une œuvre d’art ! Elle requiert à la fois vigueur et doigté !
-
Prendre
tous les légumes et le coriandre et les mixer ensemble. Même si le résultat
ressemble à de la purée. Car c’est à cet instant que vous opterez pour un
bouillon ou un brouet.
-
Dans
un fond d’huile, faire revenir la viande à la dorer. Ajouter la farce végétale,
qu’il faut bien mélanger
-
Diluer
le concentré de tomate dans un peu d’eau
-
Incorporer
avec soin
-
Verser
2 litres d’eau
-
Laisser
cuire ½ heure
-
Surveiller
l’évaporation avec vigilance et compléter si besoin est
-
Parsemer
d’épices
-
Adjoindre
les pois chiches pour encore 20 minutes de cuisson
-
Epandre
le vermicelle, le laisser cuire. C’est prêt !
-
Servir
avec un quartier de citron
-
A
la soupe !
La chorba |
Du
temps de nos aïeux, le mixer était remplacé par la râpe, suivie de la
moulinette ou du hachoir mécanique. En Tunisie particulièrement, la pomme de
terre n’y est cultivée que depuis la fin des années soixante. Importée, elle
était donc considérée comme un produit de luxe.
Variantes et bienfaits
Chorba tire son
étymologie d’une racine sémitique signifiant boire. Elle intervient au début du
repas en guise d’apéritif, pour dilater et humecter les conduits digestifs
contractés par le jeûne.
Soupe
légère, elle est souvent pimentée d’harissa en Tunisie. Plus typique de la
gastronomie tunisienne, elle s’accompagne de tabel-karouia, mélange de carvi et
de coriandre et de cette variété de persil qui entre dans nombre de
compositions. Elle peut s’agrémenter de quelque boule d’épinard, ce qui la rend
plus amère, ou se parfumer de feuilles de menthe jetées à la surface
au moment de servir. Plus épaisse, elle devient potage ou s’apparente carrément
au ragoût.
Elle
peut se passer de viande et se faire cuire avec de l’os, pour le goût ou pour
lui donner un aspect de sauce. Elle peut aussi se cuisiner avec du bœuf (dont
les pattes), du veau, du poulet, de la viande séchée, qadid. Mais aussi avec ces rongeurs des sables du désert ou du
poisson de Méditerranée.
Nabila |
Si
le plat n’est pas onéreux, car il peut utiliser des restes de viande, par
contre le Maghrébin tient à la fraîcheur de la verdure : légumes du jour
est une condition sine qua non. Et cette saveur-là, la rend incomparable.
Chéhiya
Tayba ! Bon appétit !... ! شهية طيبة
Un article de Monak
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Pourquoi vous illustrez cet article avec la photo de Nabila? Est-ce qu'elle est tunisienne? Je suis vraiment contente lorsque les nations s'accrochent à leurs traditions. C'est la preuve qu'ils ont une certaine personnalité qu'ils veulent garder à tout prix, et qu'ils ne se laisseront pas influencer par les occidentaux.
RépondreSupprimerBien que plus de la moitié de ma famille soit tunisienne, que je ne sois experte qu'en mlukhia et en briks, je m'en réfère aux spécialistes chevronnées.
SupprimerTouchée par l'importance des rencontres réelles, notre incursion gastronomique, ici, se réfère à l'héritage de la cuisine familiale, telle qu'elle se pratique en Tunisie.
Les petits secrets culinaires concernent autant les influences issues du nomadisme originel, de la tabouna (four d'argile) berbère, que les particularités judéo-tunisiennes millénaires ou les apports plus récents comme les macrounas (macaronis) à la batata, quelques vingt ans après l'Indépendance.
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Monak