Dans les limbes du Pacifique
Sous le signe d'une double renaissance - présentielle et distancielle - le 19è Festival International du Film documentaire Océanien se tiendra du 05 au 13 fév.2022 à Papeete. la conférence de presse (9 déc.21), concoctée par l'Association du FIFO vient de la confirmer sur le Paepae a Hiro de la Maison de la Culture Te Fare Tauhiti Nui.
Premier indice de taille, le Festival International du Film Documentaire Océanien (FIFO) refait surface en partie sous sa forme initiale – renoue avec 19 ans de rencontres et de partages entre documentaristes et public – et renaît comme le phénix dans une configuration hybride : « physique » et « numérique ». Suite à une 18è Session uniquement « virtuelle » pour cause de pandémie mondiale : édition exceptionnelle, qui cependant a réussi à promouvoir une visibilité étendue aux autres continents, elle était animée façon studio sur la scène du Petit Théâtre désert, par l’équipe de l’AFIFO. Un acquis qu’il convient de maintenir.
En même temps, comme pour concrétiser la régénération de l’oiseau mythique, l’affiche du 19è FIFO puise dans l’image de Pluck – court-métrage de la réalisatrice néo-zélandaise ViV Kernick (18è session / Off/ Fenêtres sur courts) – cet emblème de la restauration d’un passé enfoui et prêt à s’envoler : le korowai, la cape de prestige maori, se ravive de toutes ses plumes…
L’affiche du 1er FIFO à l’expo
du cinquantenaire
Le cinquantenaire de Te Fare Tauhiti Nui s’achevant vous pouvez encore vous profiler dans les reflets de l’exposition « Un demi-siècle d’histoire(s) », sous la galerie couverte. Conçue par Jean-Christophe Shigetomi, (Président de l’Association Mémoire Polynésienne et médiateur culturel) : instructive, elle ne manquera pas de vous interpeller et de vous en faire déchiffrer les symboliques telle « Nā maeha'a (Nos jumeaux). à moins de la suivre en virtuel en cliquant sur le lien.
Un site, un océan documentaire
L’accueil se poursuit donc, depuis la création du FIFO (2004), expose en substance Yann Teagai, directeur actuel de TFTN, conformément aux mesures sanitaires « sollicitées par les Autorités ». La couverture médiatique assurée par Polynésie la 1ère, qui souhaite in fine, par l’entremise de Gérard Hoarau, son Directeur, retrouver la dynamique de « l’avant-covid » dans cette manifestation qui « ouvre la reprise de la saison culturelle ». Place donc aux véritables acteurs de la nouvelle session 2022.
Et pour entretenir le lien avec feue la précédente session, pour compenser aussi la quasi absence du FIFO Hors-les-Murs et de son périple coutumier inter-îles, le Musée de Tahiti & des Îles – Te fare Manaha organise des projections libres du 10 au 12 décembre. Car un Festival en distanciel se vit amèrement, déplorent les organisatrices incontournables de l’événement : Mareva Leu, Directrice Générale et Miriama Bono, fédératrice & ordonnatrice. La privation de dimension humaine, de contacts réels avec les participants, les réactions des spectateurs laissent une empreinte indélébile.
La conférence de presse accuse des carences notoires, dues au confinement sanitaire de certains états du Pacifique. Le jury du FIFO se verra encore contraint de délibérer en visioconférence. L’équipe instigatrice, ne pourra ménager sa peine, amenuisant son temps de sommeil en fonction des décalages horaires. Le virtuel pour pallier la crise sanitaire, mais à quel prix ! Celui de l’épuisement d’une équipe qui gagne ! Restons lucides.
Une sélection et un jury aux couleurs océaniennes
Sur 130 documentaires inscrits, taux qui a augmenté d’un tiers après le premier confinement mondial, 38 ont été retenus pour le FIFO ; soit un peu plus du tiers aussi. La sélection officielle est sévère, fondée sur la qualité. Le rapporteur du comité de présélection (7 membres polynésiens) en souligne les critères, regrettant les faiblesses de certains films et la défaillance de la Polynésie dans la catégorie compétition. Ce qui risque de faire couler beaucoup d’encre.
En dehors du thème capital que constituent « montée des eaux et protection de l’environnement », la tendance est endotrope, l’accent est mis sur la focalisation interne, en ce qui concerne « l’histoire – point de vue des victimes –, la vie traditionnelle, l’identité », nous informe-t-on. Quant aux liens inter océaniens, ils s’attachent aux pratiques sportives – dont l’incontournable « ovalie » – , picturales, poétiques et musicales, nous fait-on part.
Sur les 12 films en compétition, la moitié provient d’Australie. Des 17 films hors-compétition, 7 relèvent du fenua. La section Fenêtre-sur-courts comporte 9 courts-métrages.
Quant aux courts-métrages de fiction, encore plus courts que dans la précédente section, d’une teneur et d’une facture fantaisiste, nous assure-t-on, la sélection – dont s’acquitte un autre comité de 6 membres – compte 10 films sur les 23 fictions inscrites.
Le clou de cette approche du 19è FIFO reste bien évidemment la révélation du jury. Commençons par les dames qui constituent la totalité des 6 membres :
- l’Australienne Hollie Fifer, réalisatrice, commence sa carrière en 2009 et navigue en Océanie avec The Opposition (Papouasie-NG), Grand Prix du FIFO 2017. Directrice des programmes à la Doc Society, elle réalise Unbalanced, « axé sur l’artiste pendant le confinement 2019 ».
- la Néo-zélandaise Kathryn Graham, responsable du département de développement maori à la New Zealand Film Commission et chargée de production pour Maori TV et TVNZ
- l’Hawaïenne Beckie Stochetti, Directrice exécutive du Festival International du Film Hawaïen, productrice.
Toutes trois ailleurs : raison pandémie sans doute. Et sous le banian, la surprise du jour, les trois Polynésiennes qui complètent le jury :
- Heiura Itae-Tetaa, Directrice de Speak Tahiti-Paraparau Tahiti ; auteure, journaliste et productrice de films documentaires et de série de fictions ; auteure du film Des Paroles et des écrits (FIFO 2019)
- Tepiu Bambridge, Directrice éditoriale de Polynésie la 1ère, journaliste et présentatrice
- Virginie Tetoofa, réalisatrice et productrice d’Ahi Company. Un petit clin d’œil à son premier court-métrage ‘Arioi Vahine (2009) et à la série Paripari Fenua.
Des limbes au jury du Pacifique…
Virginie encore étonnée à en perdre la voix et qui vous explique : « Je ne pensais pas avoir achevé assez de projets pour être au jury, mais au final je suis contente de faire partie de l'aventure et d'être de l'autre côté du miroir. J'attends aussi avec impatience les débats avec les autres membres du jury et de découvrir les 12 films en compétition. L'Australie en ayant 6 en lice, je pense que la compétition sera rude.»
Conjonction de paroles
Et pour couronner un conseil singulier, à la tête du jury le Néo-calédonien Emmanuel Kasarhérou, président du musée du quai Branly. diplômé de l’Institut national des Langues et Civilisations orientales (INALCO) en langues et civilisations océaniennes (1981) et titulaire d’un Diplôme d’Études Approfondies d’histoire de l’art et d’archéologie à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne (1985).
Un président
néo-calédonien : L’Art est Parole
Auteur, avec R.Boulay, de Kanak. L’Art est une parole (2013), en corrélation avec l’exposition du même nom ; il précise dans [#Ma Parole] : « La culture kanak, c’est une parole qu’il faut écouter »
La parole, elle est au cœur du compte-rendu lyrique de Moana’ura Tehei’ura du comité de sélection FIFO, chorégraphe, également présent au Salon du Livre, Président du jury du Heiva 2018, concepteur chorégraphique de Pina’ina’i où « libérer le mot du livre pour le faire vibrer à l’oreille du spectateur »constitue sa préoccupation scénique première.
La parole est un art : Moana'ura Tehei'ura
Se réjouissant du choix du premier président (du jury) autochtone, nous livrant une synthèse vibrante et saisissante de la sélection, citant chaque archipel concerné : « Parole douleur (Papouasie-Nouvelle Guinée), Parole deuil, Parole authentique, Parole Art (Nouvelle-Calédonie), Parole espoir (Kanak), Parole femme, Parole Histoire vue de l’intérieur pour corriger ce qui a été raconté, Parole des écrivains, Parole révolte, Parole réparation… », il cite Chantal Spitz, dans "Ihotupu" (Indigène) :
« La parole est le refuge du peuple Pour que l’essence de la terre devienne terre Pour que l’essence de l’humain devienne humain »
Parole cinématographique, parole échange, parole critique, parole satisfecit, parole émotion, parole reconnaissance, souhaitons à l’aventure océanienne tant attendue, le cri du cœur.
Un article de Monak
- Cf. Paul Wamo, je demande la PAROLE… (réalisateur Julien Faustino) + Des Paroles & des Écrits (Réalisateur Denis Pinson) au 16è FIFO (2019):
https://www.youtube.com/watch?v=26tWadbwB6I
- Un site FIFO où partager dès maintenant ; car il évolue en permanence : https://www.facebook.com/fifo.officiel
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