La baie du bonheur
Dans un écrin de falaises, le village
d'Hatiheu semble immuablement ancré dans la sérénité, en équilibre entre océan
et montagne, entre présent et passé...
Il
faut deux heures de voiture pour aller de Taiohae à Hatiheu. Après un détour
par la baie magique de Taipivai, la route serpente dans la montagne comme si
elle se cachait de quelque chose. Serait-ce pour ne point dénaturer la majesté
du décor ?
Depuis la route traversière, la baie de Hatiheu
Comme
une perle dans son écrin, Hatiheu se dévoile au sortir d’un virage…
La route est
encore longue, qui descend en lacets jusqu’à la plage de sable doré, propre
comme dans un rêve de marin.
Hatiheu,
un village marquisien de carte postale
La
seule rue du village, en terre battue, longe le rivage sans rien lui enlever de
sa beauté, avec respect.
Il
est midi passé et, à cette heure tardive, les Marquisiens sont à table depuis
longtemps. Ce qui explique que le village soit désert.
Hatiheu la paisible, comme un rêve hors du temps…
Comme
tous les visiteurs, nous allons donc nous restaurer chez Yvonne, le seul
restaurant de Nuku Hiva en dehors de Taiohae. L’endroit est réputé comme étant
l'une des meilleures tables de l’île et l’hôtesse, personnage haut en couleurs,
est incontournable pour quiconque s’intéresse aux gens.
Si
vous la conviez à s’asseoir avec vous et que vous vous donnez la peine de
l’écouter, sa voix chaude et douce vous fera découvrir un monde surprenant,
sans mesure aucune avec celui qui est le vôtre.
Merveilleuse Yvonne Katupa, un peu l’âme du village de
Hatiheu
Un
monde qu’elle s’acharne à protéger, à sauvegarder depuis des décennies. En
fait, depuis que son maire de mari lui en avait transmis la charge sur son lit
de mort, chose que les habitants confirmèrent par les urnes peu de temps après.
Yvonne
Katupa, maire de Hatiheu depuis plus de vingt ans
C’est
cette femme exceptionnelle qui, s’appuyant sur la solidarité et le sens de la
communauté des villageois, a pu rendre au tohua* Kamuihei le visage qui
est le sien aujourd’hui.
Ce
fut un travail énorme pour une aussi petite collectivité (348 habitants !).
Mais le jeu en valait la chandelle.
Le tohua Kamuihei de Hatiheu, l’œuvre de Yvonne Katupa
D’abord
parce que le site est magique et somptueux. Ensuite parce qu’il est impossible
de ne pas succomber au charme évocateur de ces pierres enchâssées dans une
exubérante nature. Enfin parce que votre guide vous fait plonger dans un
univers insoupçonnable où se mêlent histoire et légendes. Un voyage entre mythe
et réalité.
L’entrée du site du tohua* Kamuihei
Le
combat d’Yvonne était loin d’être gagné d’avance car, s’il est vrai que, chez
certains, le village de Hatiheu exerce un attrait, voire une fascination
incontestable, il en va différemment pour les jeunes gens du village.
On
peut aisément comprendre que, pour nombre d’entre eux, les
lumières de Tahiti, la foule, les activités multiples de la société urbaine
fortement occidentalisée de Papeete exercent un très fort attrait.
La goélette Aranui : le lien avec le reste du monde
Comment
faire alors pour les garder au village ? Pour qu’ils ne commettent pas les
mêmes erreurs que leurs parents, partis un jour vers un Eldorado qu’ils n’ont
bien sûr pas trouvé et qui, depuis, tentent de revenir sur leur île ?
En
leur racontant l’histoire de leur vallée et en leur demandant de l’aider à
restaurer tous les sites archéologiques et historiques… Ce qu’ils ont fait et
ce dont ils sont tellement fiers aujourd’hui.
Hatiheu,
presque une réserve naturelle
Yvonne
vous parle aussi des oiseaux. Des espèces endémiques en grand danger de
disparition très prochaine et pour lesquelles se bat la société ornithologique
Manu.
Le carpophage des marquises peut atteindre plus de un mètre d’envergure
Elle
s’est battue avec les jeunes du village aux côtés de l’association Manu pour pour
sauver, entre autres, le upe, pigeon géant des Marquises, dont il reste
moins d’une dizaine de couples.
Un
combat aujourd’hui gagné.
Pour
peu que vous en exprimiez le désir, Yvonne Katupa peut vous parler de bien
d’autres choses encore. Alors ne passez pas à côté de cette chance : cette
mémoire n’est pas éternelle et Yvonne est une vieille dame.
C’est
aussi et surtout une très grande dame. Personne à Nuku Hiva ne vous dira le
contraire.
Grâce
à elle et aux habitants du village, Hatiheu semble être une survivance du 19ème
siècle par son calme et par sa beauté. Mais ne vous y trompez pas : il en faut
de l’énergie, de la volonté et du courage pour sauver de la ruine un village
ancien complet, des marae, entretenir la forêt et accueillir les visiteurs avec
le sourire pour leur offrir toutes ces merveilles, comme si cela n’était rien
que très normal.
Ce
qui est exceptionnel ici, c’est la simplicité. Quelques pas en longeant la
plage de sable blanc par la seule rue du village devrait suffire à vous en
convaincre…
*Tohua :
lieu sacré destiné aux festivités
Un article de Julien Gué