100 m au-dessus de
l’océan Pacifique
Makatea est une île des Tuamotu à la
formation géologique unique, au destin industriel exceptionnel et possédant le
seul train de l'histoire polynésienne.
Cette
île étonnante bouleverse toutes les images d’Epinal que l’on peut avoir en tête
à propos de la
Polynésie française.
Makatea, l'inaccessible atoll…
Imaginez
un atoll qui s’élèverait jusqu’à 100 mètres au-dessus de l’océan Pacifique,
posé comme un nid sur d’infranchissables falaises… Imaginez des installations
minières d’un autre temps, intactes mais totalement désertées, musée grandeur
nature à la gloire de l’ère industrielle… Imaginez une voie de chemin de fer de
7 km de long posée sur cette île minuscule des Tuamotu…
Quelques images et de la musique de Makatea
Si
vous arrivez à imaginer cela, alors vous commencez à avoir une petite idée de
ce qu’est l’île de Makatea, archipel
des Tuamotu, Polynésie française…
Makatea,
une anomalie géographique
D’origine
polynésienne, le mot "makatea" désigne un type d'atoll surélevé
comportant en son centre les restes de l'ancienne île volcanique.
A
l’origine donc, Makatea est un atoll comme les autres. C’est la naissance du
volcan qui donna l’île de Tahiti qui est à l’origine du soulèvement de l’atoll
de Makatea. Ensuite, l’érosion naturelle a fait le reste.
Partie
intégrante de l’archipel des Tuamotu, Makatea est la seule île de Polynésie
française de ce type géologique.
D’une
superficie de 24 km², elle mesure 7,5 km du Nord au Sud et 7 km dans sa plus
grande largeur, la partie sud de l’île.
Une carte qui en dit long sur une île pas comme les
autres
La
nature particulière du socle corallien exposé à l’air libre entraine un certain
nombre de particularismes géologiques.
Tout
d’abord d’infranchissables falaises, uniques dans toute la Polynésie, dont la
hauteur varie entre 60 et 100 mètres de haut tout de même. La côte n’offre
aucune baie, aucune plage qui permette de s’approcher en bateau et donc, à
fortiori, d’accoster.
Ce qu'il reste du port de Temao aujourd'hui
Au
centre de l’île, une vaste plaine située à 80 mètres d’altitude. Une seule
plage sur la côte Est accueille le seul village de l’île : Moumu. Dans la
partie Nord du plateau, le village minier de Vaitepaua totalement abandonné. Et
pour finir, sur la côte Ouest, au pied de la falaise, juste en face de la seule
passe qui permette d’approcher de l’île : le petit port de Temao où l’on peut
encore voir les restes de la digue de chargement destinée au transbordement du
phosphate.
Makatea,
histoire d’un atoll pas comme les autres
C’est
en 1722, après avoir découvert l’île
de Pâques, que l'explorateur néerlandais Jacob Roggeveen devient le premier
occidental à aborder Makatea.
L’île
est tellement rébarbative avec ses hautes falaises et son absence de criques ou
de baies pour mouiller sereinement qu’il ne fait rien de plus que de noter
l’événement et la position géographique de l’atoll dans son livre de bord. Il
le baptise "Aurora", ce qui signifie "l'île de la
récréation".
La mine de phosphate à ciel ouvert de Makatea
Durant
les 180 années qui suivent, Makatea, nommée "Papa Tea" (la roche
blanche) par les Polynésiens, ne sera plus guère dérangée par grand monde,
malgré les bouleversements considérables qui transforment l’ensemble de la
Polynésie. Ainsi, ni l’évangélisation ni la colonisation ne changeront
grand-chose au mode de vie des quelques dizaines de familles qui vivent sur
cette terre étrange autant qu’inaccessible.
Le
destin de l’île bascule dans les toutes premières années du 20ème
siècle avec la mise en exploitation du gisement de phosphate, gisement qui
aurait été découvert en 1860 par un certain capitaine Bonnet.
Dès
lors, plus rien ne sera jamais pareil à Makatea… Du moins jusqu’en 1966, année
où l’on cessa définitivement l’exploitation du phosphate de l’île.
D'un bout à l'autre de l'île, la route (Photo : Jan Erik Johnsen)
Lors
du dernier recensement de la population polynésienne (2007), il restait 61
habitants permanents à Makatea.
Aujourd’hui,
l’île ne reçoit plus la visite de la goélette (cargo mixte), et donc son
ravitaillement, que deux fois par mois…
Richesses
d’une île pas comme les autres
Il
n’en reste pas moins que Makatea recèle des richesses étonnantes.
La côte (Photo Jan Erik Johnsen)
Ainsi,
rongé par l’érosion naturelle, le socle de l’île est truffé de grottes dont
certaines ne sont même pas répertoriées. D’autres, sous le niveau marin, n’ont
jamais été visitées. Toutes alimentent les légendes et renforcent le caractère
mystérieux de Makatea.
On
raconte ainsi que pirates et galions espagnols y ont jadis caché des trésors.
Certaines servaient de sépultures pour les hauts personnages des sociétés
polynésiennes pré-européennes. Accrochés en altitude, leurs corps y étaient
déposés par les "pirimato", êtres de légende capables de voler
jusqu’aux endroits les plus inaccessibles. La grotte de Ana tau i ra’i,
sur la falaise de Temao, est toujours tapu*.
En 1959, Yves Allégret tourne à Makatea
D’autre
part, il est intéressant de noter que cet atoll si étrange a suscité l’intérêt
de plusieurs cinéastes qui y ont situé l’action de leurs films. Dont « L’ambitieuse »
de Yves Allégret avec Andréa Parisi , Richard Basehard et Gérard O’Brien
tourné en 1959 en grande partie sur l’atoll de Makatea lui-même.
Ne
reste plus qu’à découvrir l’aventure industrielle étonnante de Makatea qui,
durant 60 ans, a été le principal moteur économique de toute la Polynésie
française.
Un article de Julien Gué
Lexique :
*Tapu :
tabou