L’île abandonnée
Voilà
un siècle déjà que l'île de Mehetia, dernier volcan actif de Polynésie
française, est redevenue déserte, victime des progrès de la marine.
Latitude
: 17° 52′ 30.07″ S, longitude : 148° 4′ 3.19″ W. Inutile de noter ces
coordonnées : il y a bien peu de chances que vous vous trouviez jamais dans les
parages. Et d’ailleurs, c’est interdit…
Violente, sauvage et déserte Mehetia |
Hors
normes, hors des routes maritimes, hors du temps, Mehetia est, depuis un siècle
maintenant, redevenue une île hors du monde, abandonnée des hommes.
L’île
de Mehetia et la géographie
Située
à environ 110 km à l’est -sud-est de Tahiti,
Mehetia est la formation géologique volcanique la plus jeune de l’archipel
de la Société.
Le mont Teruato |
En
réalité, l’île est la partie émergée d’un volcan sous-marin de 4000 m de haut
toujours en activité.
La
seule éruption connue aurait eu lieu du 5 mars à décembre 1981, à 1600 m de
profondeur.
Mehetia
est couronnée par deux cratères, dont l’un est le point culminant de l’île. Le
mont Hiurai, ou Fareura, 435 m d'altitude, et le mont Teruato.
Mehetia : pas trés accueillante vue d'ici |
Le
mont Teruato présente la précieuse particularité d’offrir aux regards un
cratère de 220 m de diamètre en parfait état, bien qu’encombré d’éboulis et de
végétation.
À Mehetia, pas de barrière de corail ni de lagon. Pas de plage non plus. Les pentes abruptes du volcan plongent directement dans l’océan.
Mehetia
et les explorateurs
Le 17 juin 1767, Samuel Wallis,
le premier d’entre tous, aperçoit l’île de Mehetia. Mais ce n’est que le
lendemain qu’il s’en approchera réellement.
Dans
la nuit du 17 au 18 juin, raconte son journal de bord, des feux attestent que
l’île est habitée. Au matin, quelques pirogues menées par trois hommes se
postent à distance du Dolphin.
Mehetia au temps de sa splendeur… |
Wallis
envoie deux embarcations aborder l’île. Elles reviennent à peine deux heures
plus tard! Le rapport de l’officier Furneaux explique : « La population,
dit-il, consiste en plusieurs centaines d'indigènes dont l'attitude agressive
nous a obligés à ouvrir le feu, mais sans les toucher (…) ».
Persuadé
d’être à proximité du continent Austral, Wallis appareille et fait route, sans
le savoir, sur Tahiti.
Moins
d’un an plus tard, le 2 avril 1768, c’est Bougainville qui passe au large de
Mehetia sans y débarquer.
Mehetia vue par un marin en 1849 |
C’est
donc l'explorateur espagnol Domingo de Boenechea, à bord du navire Aguila
qui, le premier, reconnut réellement l'île. Il la baptisa San Cristobal.
Mehetia était bien habitée : elle comptait alors environ deux cents habitants.
L’histoire
de Mehetia
Si
nul ne sait quand Mehetia fut investie par les Ma’ohi, on sait qu’elle fut
longtemps, et sans doute dès l’origine du peuplement, sous la domination des
Tuamotu de l’Ouest.
Elle
était alors habitée en permanence et jouait un rôle essentiel dans les
relations commerciales et politiques entre l’archipel
des Tuamotu et les îles de la Société.
Et pourtant : une île essentielle aux Polynésiens d’antan |
Elle
était en effet l’escale indispensable pour les pirogues polynésiennes qui
assuraient les échanges entre les deux archipels.
Un
jour, l’Ari’i*
pau'motu** qui régnait également sur l’île échangea son épouse avec un important
Ari’i de Tahiti. C’est à la naissance du premier enfant de cette union que la
possession de Mehetia fut transférée des Tuamotu à Tahiti.
C’est
la révolution des transports maritimes (grands voiliers, puis navires à vapeur)
qui sonna le glas de la prospérité de Mehetia.
La seule partie "habitable" de Mehetia |
Les
derniers résidents permanents de l’île furent signalés au tout début du
vingtième siècle. Depuis l’île est déserte. Elle est aujourd’hui rattachée à la
commune de Taiarapu-Est, agglomération de la presqu’île de Tahiti.
Mehetia
ou les origines d’un nom
Le
premier nom connu de l’île est To’ohoa, ce qui pourrait vouloir dire
« complètement dressée », et être lié aux parois particulièrement
abruptes de son sommet. Mais ce nom pourrait aussi être dérivé de hoa,
lieu de refuge des populations en cas de conflit.
Ce
qui est sûr, c’est que ce nom de To’ohoa se retrouve sur une île comparable en
Nouvelle-Zélande.
Mehetia : un refuge ou une prison ? |
Mais
le premier nom connu de l’île, parvenu jusqu’à nous grâce aux légendes, était Meketu,
en pau'motu, et Me’etu, en reo Tahiti***. Ce nom aurait été celui de
la princesse qui accompagnait un important groupe ayant colonisé l’île après
les grandes migrations vers la Nouvelle-Zélande.
C’est
lors de l’accession au pouvoir du roi Tu, de la lignée des Pomare, qu’il fallut
changer le nom de l’île, le Tu étant devenu tabu (sacré, frappé d’un interdit).
Elle devint donc Me’etia pour les Tahitiens et Meketia pour les Paumotu.
L’île
de Mehetia aujourd’hui
Inhabitée
depuis un bon siècle, Mehetia ne reçoit plus que les rares visites de missions
scientifiques et de quelques privilégiés ayant obtenu l’autorisation d’y
débarquer.
Une île sans eau, donc véritablement déserte... |
Un
sismographe y est installé en permanence, ayant pour mission de surveiller le
point chaud du sud de l’archipel de la Société, dernière zone, en Polynésie
française, où l’on constate une activité sismique dans les profondeurs du
Pacifique.
L’île
de Mehetia est une propriété privée, et il se dit qu'un trésor s'y trouverait
enfoui dans les cales d'un navire qui vint se briser sur sa côte
inhospitalière.
Aujourd'hui, un sanctuaire pour les oiseaux |
En
attendant, elle est un sanctuaire bienvenu pour quelques espèces d’oiseaux qui
y vivent à l’abri de tout prédateur.
Lexique :
*Ari’i : Chef, roi…
**Pau'motu : relatif à l’archipel
des Tuamotu. Les habitants des Tuamotu sont des Paumotu.
***Reo Tahiti : langue
tahitienne
Un article de Julien Gué
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