La fête des travailleurs
Et oui : c'est la première contre-vérité que certains (appuyés par la quasi-totalité
des médias, il faut bien le dire) voudraient nous imposer, mais le 1er
mai n'est pas la fête du travail.
Le 1er mai
2011 à Strasbourg, capitale de l’Europe
De nos jours, internationalement
célébrée, elle porte le nom officiel de : Journée internationale des travailleurs,
fête des travailleurs. Des travailleurs : pas du travail.
Et, à l'origine, elle avait été
instaurée comme une journée de grève dans le cadre de la lutte pour la
réduction du temps de travail…
Le muguet du 1er mai
La tradition du brin de muguet du 1er
mai n'a rien à voir avec la fête des travailleurs, et elle est d'ailleurs bien
plus ancienne. Ce fut longtemps un œillet rouge qui symbolisa la fête des
travailleurs et le mouvement ouvrier ; tradition qui disparut, pendant la
deuxième guerre mondiale suite à l’initiative du gouvernement de Vichy du
Maréchal Pétain en 1941, au profit du muguet.
Charles IX fut aussi
le père de la St Barthélémy
C'est le 1er mai 1561 que le
roi Charles IX reçut un brin de muguet en guise de porte-bonheur. Touché par
l'attention ainsi que le charme et le parfum de la fleur, il décide d'en offrir
chaque année un brin à toutes les dames de la cour.
La tradition était née.
Une fête oui, mais d'abord un combat
C'est
en France, en 1793 et à l'initiative de Fabre d'Eglantine, qu'apparait pour la
première fois de l'histoire cette "fête du travail". Elle était fixée
le 1er pluviôse (janvier).
Mais
c'est aux Etats-Unis, en 1884, que les syndicats américains, au cours de leur
congrès annuel, se donnent deux ans pour imposer aux patrons une limitation de
la journée de travail à huit heures. Ils choisissent de débuter leur action le
1er mai tout simplement parce que l'année comptable des entreprises américaines
commence à cette date et que les contrats de travail ont leur terme ce jour-là.
Le massacre de Haymarket
Square
Première
victoire : le 1er mai 1886,
la pression syndicale permet à environ 200 000 travailleurs
d’obtenir la journée de huit heures. D’autres travailleurs, dont les patrons
n’ont pas accepté cette revendication, entament une grève générale. Ils sont
environ 340 000 dans tout le pays.
Première
défaite : le 3 mai 1886, une manifestation fait
trois morts parmi les grévistes de la société McCormick Harvester, à Chicago.
Le lendemain a lieu une marche de protestation et dans la soirée, tandis que la
manifestation se disperse, il ne reste plus que 200 manifestants face à
autant de policiers.
Portrait d’Adolph
Fischer
C’est
alors qu'une bombe explose devant les forces de l’ordre. Elle fait un mort dans
les rangs de la police. Sept autres policiers sont tués dans la bagarre qui
s’ensuit. Conséquence de cet attentat : cinq syndicalistes anarchistes sont
condamnés à mort (Albert Parsons, Adolph Fischer, George Engel, August Spies et
Louis Lingg) ; quatre seront pendus le vendredi 11 novembre 1887
(connu depuis comme Black Friday ou « vendredi noir ») malgré l'absence
de preuves, le dernier (Louis Lingg) s’étant suicidé dans sa cellule. Trois
autres sont condamnés à perpétuité.
Deuxième
victoire : en 1893, la révision du procès reconnaît l'innocence des huit
inculpés ainsi que la machination policière et judiciaire mise en place pour
criminaliser et briser le mouvement anarchiste et plus largement le mouvement
ouvrier naissant.
Sur
sa tombe sont inscrites les dernières paroles de l’un des condamnés, August
Spies :
« Le jour viendra où
notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez
aujourd’hui »
Le 1er mai en France
Dans notre pays c'est la IIème Internationale Socialiste qui, le 20 juillet 1889 à Paris, décide de faire de chaque 1er mai une journée de manifestation avec pour objectif la réduction de la journée de travail à huit heures (soit 48 heures hebdomadaires, le dimanche seul étant chômé).
En 1890, l'évènement est ainsi célébré dans la plupart des pays, avec des participations diverses.
C'est
un nouveau drame, en France celui-là, qui va enraciner le 1er mai
dans la tradition de lutte des ouvriers européens.
Le
1er mai 1891, à Fourmies, dans le Nord de la France, la
manifestation tourne au drame : la police tire sur les ouvriers et fait
neuf morts (voir la Fusillade de Fourmies et l’affaire
de Clichy). Avec ce nouveau drame, le 1er Mai s’enracine dans la
tradition de lutte des ouvriers européens.
Quelques
mois plus tard, à Bruxelles, l’Internationale socialiste renouvelle le
caractère revendicatif et international du 1er mai.
C’est le 23 avril 1919 que le Sénat ratifie la journée de huit
heures et fait du 1er mai suivant une journée chômée.
Plus
tard, en 1920, la Russie bolchévique décide que le 1er mai sera
désormais chômé et deviendra la fête légale des travailleurs. Son exemple est
suivi dans la plupart des autres pays.
Les tentatives de récupérations du 1er mai
Ils
furent nombreux, les dirigeants politiques qui tentèrent de récupérer le
mouvement ouvrier et ses actions à des fins bassement politiciennes. A
commencer par le Maréchal Pétain.
Le
Maréchal instaure officiellement le 1er Mai comme « la fête du
Travail et de la Concorde sociale » le 24 avril 1941. Par la
même occasion, le jour devient férié, chômé et payé. Et la radio ne manque pas
de souligner que le 1er mai est également la fête du saint patron du
maréchal…
À
gauche, beaucoup voudraient que la fête du Travail redevienne la fête des
Travailleurs, rejetant ainsi les mesures de Pétain.
Pour
la petite histoire, en 1955, Pie XII institue la fête de saint Joseph, artisan,
destinée à être célébrée le 1er mai de chaque année…
Le 1er mai aujourd’hui
En
France, depuis quelques années, la journée du 1er mai et ce qu’elle
représente font l’objet de toutes les convoitises. Et donc de toutes les
tentatives de récupération.
Si
la célébration de Jeanne d’Arc, ce jour-là, par le Front National est restée,
jusqu’à présent, un événement anecdotique, il est, en 2012, une autre tentative
qui elle a fait grincer les dents des syndicats, des travailleurs, des
mouvements ouvriers et de la plupart des partis de Gauche.
Quand Sarkozy parle du « vrai travail »
Cette
tentative, c’est la volonté du candidat à l’élection présidentielle, Nicolas
Sarkozy, de célébrer à Paris, entre les deux tours de l’élection, les « vrais
travailleurs ». Une annonce qui a provoqué un tollé chez tous les
militants et représentants du monde du travail.
Lire le livre de Maurice Dommanget : Histoire du 1er
mai
Un article de Julien Gué