Sans eux…
Sans spectateur,
le cinéma fermerait boutique. Cette évidence, certains circuits de distribution
l’ont expérimenté douloureusement. Ce qui n’est pas le cas du FIFO. Chaque
année, il met en lumière : un bout de terre, un pan d’histoire ou des cultures
océaniennes occultées. Il augmente son audience en axant sur le potentiel des
scolaires d’ici… Autant prendre le pouls du Pacifique à l’âge tendre… être en
symbiose avec sa réalité.
L’Université
affrète des bus pour les étudiants du campus. Mais le public ne tient pas que ce
rôle d’assistance, siégeant sur de mauvaises places, redoutables pour les
fessiers. La particularité du FIFO, c’est de proposer cette plateforme
d’échanges entre cinéastes et public : découvrir, se reconnaître dans les
peuples frères… faire passer le message des préoccupations d’ici, Tahiti, et d’ailleurs.
C’est ce qui le rend humain… et cette convivialité-là, il n’est pas question
qu’elle se perde.
Au royaume mythique d’Atooi |
Certains
quittent leur archipel et se font héberger en famille, pour suivre le Festival
in extenso. D’autres, pour guetter la caméra attentive qui voudra bien porter
leurs doléances insulaires. C’est ainsi que sous le banian, trônaient les descendants
Pa'umotu de l’originel royaume d’Atooi, une ″succursale″ du mythique berceau d’Hawaï. Les traités
d’annexion ayant été « négociés » à la va-vite et à l’encontre des
évidences savamment ignorées… surgissent les revendications autonomistes…
Public
Dans
les salles obscures, il a été demandé de ne pas manger, de ne pas circuler, de
s’occuper de ses gamins, d’éteindre les engins portables… Heureusement !
Car à chaque nouvelle édition, la foule des contrevenants récidive sans
vergogne. Le réflexe chips-devant-télé et autres incorrections prolifèrent avec
ardeur. Mais il n’a pas été recommandé de se taire, ni de réagir. Et c’est tant
mieux. Place donc, à la parole.
Terii
Félicité Fauura Leduc, tantôt poussée sur son fauteuil par quelque main
charitable, tantôt circulant à la force des bras, s’en explique. Un panaché
entre Servant or Slaves, The Family et Te Reo Tumu pour
dénoncer les abus, la déshumanisation et l’ignorance. : « Je ne vais
pas laisser faire ! Il n’y a pas que les Aborigènes qui soient maltraités,
les blancs et nous aussi… Dans mon enfance, il n’y avait pas que la loi de
l’école qui était intolérable. Ma mère ne supportait pas que je lise à la
maison. Et moi, je fuguais pour aller au cinéma. Le résultat, c’est que j’ai
été institutrice. Les petiots, ils n’avaient pas seulement besoin d’apprendre,
mais aussi de manger… La misère, c’est aussi chez nous, à Tahiti.» Le
summum de ses déclarations… devait venir sur une vidéo… mais, grave incident
technique, elle est inexploitable… alors, je transmets quand même :
Terii Félicité et la cruauté des bien-pensants… |
Elle
avait pris, entamant sa petite pause-déjeuner, un court moment pour se
maquiller au pied-levé. Désolée pour elle, je ne peux vous livrer son
indéfectible sourire, même sous l’éreintement. Elle ne ménage pas « les
fausses églises, et les faux pasteurs : c’est épouvantable en Australie :
qui sont ces gens ? des profiteurs, des quoi ? On croyait que c’étaient
des gens pour Dieu. Ce n’est pas pour Dieu, c’est pour leur poche… et ils sont
capables de tuer. Affreux ! Moi j’ai pleuré. J’adore le FIFO :
on y apprend beaucoup de choses, des choses essentielles qu’on ignore. Je suis
parfois très en colère et je réagis ; j’ai pitié des miens. Il est des
îles qu’on méprise ; les Marquises, elles sont loin, n’ont pas de
docteurs, n’ont rien. J’y suis allée avec Michèle de
Chazeaux et on a vu avec consternation, la désolation qui y règne… Je ne peux
pas laisser faire ! Non, je ne peux pas…» Et dans son regard, l’affliction.
Merci pour ce témoignage, Terii ; et pardonnez-moi de vous avoir autant
bouleversée…
Protection civile
Ils
sont là, prêts à intervenir. Petite équipe, ils ne sont que quatre : du
coup, ils n’ont pas le loisir de voir des films : ce serait trop risqué
pour notre sécurité. La discipline est stricte, le protocole d’intervention
hautement planifié. Mais c’est avec plaisir qu’ils constatent ne pas avoir à
assurer beaucoup d’interventions d’urgence.
Pour un FIFO en toute sérénité.
Quasi
pas d’incidents. Mais ils sont là, et ils veillent sur tous.
Au printemps de l’âge
Bénévoles,
jeunes étudiants ou sans profession, ils sont à disposition du FIFO. Par petits
groupes ils viennent prêter main-forte, là où ils sont appelés : pour la
mise en place, les diverses tâches qui font la bonne marche des événements du
festival. Souriants, ils vous informent et vous guident dans le village
cinématographique improvisé.
Les équipes de l’ombre…en plein soleil |
Une
façon d’être proche de ce rendez-vous culturel, auquel ils peuvent
participer ; si ce n’est que sporadiquement pour le visionnage des films,
incidemment pour les débats. Il est bien des rencontres internationales qui
leur ouvrent l’esprit. Du moins, éprouvent-ils plaisir dans ce bain d’images
« qui les rapprochent de leurs origines ». Du moins, se sentent-ils
« doublement vivants en partageant l’esprit de ce rassemblement et en
mettant en commun leurs découvertes ».
Bleu FIFO… |
Cette
année, le bleu était couleur-FIFO. À la prochaine… alors.
Fifotez,
fifotez, il en restera toujours quelque chose !
Un article de Monak
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À lire
aussi :
-Le palmarès
2017 : http://tahiti-ses-iles-et-autres-bouts-du-mo.blogspot.com/2017/02/fifo-2017-le-palmares.html
-Treize articles à
la douzaine traitant du FIFO 2017, tout comme des autres éditions depuis 2012,
à la rubrique « Cultures », sur notre Webmagazine :
« Tahiti, ses îles et autres bouts du monde ».