Petit aperçu pour grands prix
Le palmarès du 15ème
FIFO n’a eu que l’embarras du choix. Avec une sélection riche* dans
toutes les catégories du Off et du In, il récompense dans l’ensemble une
brochette de réalisateurs méritants, mais laisse de côté certains petits chefs-d’œuvre
de films ! Dure loi que celle des
podiums !
Quant
au huis-clos des délibérations, il a été soigneusement observé. Rien n’a
transpiré. Si vous voulez retrouver les images, les détails et les anecdotes de
cette manifestation, cliquez sur le site du FIFO, le lien de Polynésie 1ère et ses spéciaux fifo : avec l’avantage
du direct, c’est cadeau !
Coup d’œil sur le palmarès |
Merci donc au jury qui semble avoir opté (qui
peut le savoir ?) soit pour l’originalité du sujet, soit pour l’émergence
de minuscules pays dans le monde de la visibilité, soit pour le biopic
militant… Dans tous les cas avec un très grand sens de l’humain, des valeurs
d’intégration ou de réhabilitation.
Reste à débattre, mais ils n’en sont pas
responsables, sur la sélection qui inclut pour la seconde fois au FIFO, un
documentaire polynésien sur Pouvana’a. En effet, au FIFO 2012, L’élu du peuple - Pouvana’a te metua, produit par
Tuatau production & Polynésie 1ère remportait le Prix du
Public. Le cru 2018 n’apporte rien au précédent documentaire
de 95 mn*., réalisé par Marie Hélène Villierme, excepté
l’information sur la réouverture des archives, tombée pendant
le FIFO 2012. Il faut dire que faire bouger la machinerie de l’état est un travail de Titan : Christiane Taubira, ex –garde des
sceaux, l’a appris depuis 2014 ! Est-ce pour son actualité que le combat
continue à être mené derrière la caméra ?
Une histoire de patriote…
Dans la série militantisme antinucléaire, Ils vont arrêter la bombe, aurait
justifié d’être dans la compétition. Car l’événement, totalement méconnu ou
gommé, a mobilisé des personnalités de la politique ou des médias français, un
général limogé ensuite, engagés ensemble avec Pouvana’a pour la manif de 1973 contre les tirs à
Pape’ete… François Reinhardt retrace la folle
équipée* de cet « équipage international de 13 militants pacifistes à
bord d’une vieille goélette, le Fri (Liberté en Danois) », arraisonné par
les forces armées !
Reste que le verdict du jury lui
appartient, que ses critères répondent à un ensemble de règles qu’il s’est
défini en toute conscience… et que je prends juste le loisir d’en
délibérer !
Au palmarès du jury :
Sachant
que vous avez suivi à la télévision les brèves chroniques de
présentation par Michèle de Chazeaux, j’en profite pour y associer mon point
de vue. Making
Good Men*, c’est tout de même dévoiler les horreurs de l’école des
All Blacks. Fiona Apanui-Kupenga, réalise le scoop du festival : remettre
en présence un rugbyman et un acteur mondialement médiatisés, au sein de leur
adolescence commune tempétueuse ! Derrière l’image du haka et de la série
des héros de l’extrême se profile une autre réalité ! Celle de la
violence sublimée par le sport ou l’écran.
Abdul
& José*,
outre que le film rappelle le
génocide qui a secoué le Timor est la saga d’un chef de famille qui
après l’indépendance, retrouve enfin ses sources. Plus que le déracinement
confessionnel, c’est le processus coutumier du retour identitaire qui est
montré. Sur fond de coupoles, ne plus
être un fantôme… un voyage intérieur.
Kidnappings sur le Timor…
Joey
and the Leitis*, fait encore partie de ces films où les minorités
sont diabolisées. Églises mormones et méthodistes attaquent systématiquement
les transgenres qui pourtant, faisant partie de la culture ancestrale, ne
poursuivent que leur intégration sans faire de vagues. Sauf que le Royaume constitutionnel de Tonga a
fort à faire avec le puritanisme de confessions rigoristes majoritaires (74%).
Pas
trop gai le palmarès du jury ! De profondes blessures pour toutes les
figures envisagées : Norm Hewitt, Manu Benett, José-Abdul et Joey…
Au palmarès du public :
Il
semblerait donc que le public ait jeté son dévolu sur un pan plus joyeux de la
programmation avec Frère des Arbres *: du point de vue du ton s’entend
car le futur de la paupérisation de la Papouasie n’est pas plus rose ! Mundiya
Kepanga, chef de la tribu des Hulis, charismatique « fontaine à
paroles », non–violent, « descendant du casoar comme vous l’êtes des
singes », poète à ses heures, il vous entraîne, comme les enfants des
écoles, à la suite des papillons.
Encore
la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour la nouvelle section des courts-métrages
documentaires, Fenêtre-sur-court, avec la fabrication artisanale de la
pirogue ancestrale de Kanu
belong Keram*. L’éloge de la solidarité silencieuse et
efficace. Encore un film qui
fonctionne sur cette intensité du silence que laissent découvrir d’autres films
océaniens, comme le suivant qui évolue en dialogues minimalistes… et où la
lumière est à la fois cadre et actrice…
Lena Regan… une empathie certaine |
Et
enfin pour les courts-métrages de fiction, The World
in Your Window, ce récit tiré de la réalité des quartiers pauvres de
Nouvelle-Zélande. Une distribution étonnante, un jeu
convaincant avec les 3 acteurs bluffants*, dont le plus jeune a 8
ans : Lena Regan (transexuelle, inspiratrice de ce synopsis), Joe Folau
(acteur professionnel confirmé), David Lolofakangalo Rounds (l’enfant). Déjà
primé 6 fois un peu partout dans le monde, il augure d’un bel avenir pour la
jeune réalisatrice Zoe McIntosh.
Les grands absents du hit-parade
Je m’attendais à ce que le top du top de
l’autodérision soit primé au 15ème FIFO. Mais faut-il croire que
rire de son propre malheur et endosser soi-même les caricatures dont les autres
vous affublent n’est pas au goût d’une époque qui redevient conformiste ? Occupation
Native* de la réalisatrice et actrice aborigène Trisha Morton-Thomas,
entre parodies et rappels historiques, revendique une identité bafouée par
l’occupation anglaise en Australie. Bien sûr, le scénario est au second
degré !
Ton métier ? – Indigène…
D’autres
aussi ont déploré que Danse, petit chef, danse* soit absent des
récompenses. Certains sont jeunes, étudiants, polynésiens, ils ne sont pas fils
de chefs, mais ils se sont reconnus dans l’acteur-breaker néo-calédonien Simane :
pas pour la discipline, mais pour toute expression artistique. Effectivement
comment se réapproprier sa culture : la faire évoluer, ne pas la laisser stagner
dans un passéisme stérile, ni l’enfermer dans des codes dépassés…
Il
en est d’autres aussi, dont j’ai déjà parlé ou dont je parlerai ultérieurement…
Nous, Tikopia*,
ou Pierre Gope, un dramaturge kanak*… La
question que je pose encore, et que sous-tendent les films primés ou non, c’est
celle de l’identité du festival… une identité en transformation, se
réappropriant ses racines ou tournée vers un futur en devenir ?
*Les astérisques
vous conduisent vers les bandes-annonces des films.
Un article de Monak
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