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dimanche 4 février 2018

En avant-première



Un cinéma océanien engagé

C’est à l’issue des séances d’avant-première qui convoquent la presse dans l’une des salles obscures de Te Fare Tauhiti Nui, Maison de la Culture de Pape’ete, que je me sens portée par la sélection de cette 15ème édition du FIFO, Festival du Film documentaire océanien.

Plus que jamais les réalisateurs océaniens, conviés à cette fête du cinéma, défient le consensus international du silence et affrontent le courroux des mentalités rétrogrades et des chapelles de tous bords. Dénonçant les arbitraires politiques de certains états, l’hégémonie économique du laisser-faire et de l’exploitation des démunis, ils mettent en avant les droits indéfectibles de la personne, le bien-fondé des minorités. Ils remettent en question les a priori de l’histoire, ses injustices, les conquêtes et les préjudices coloniaux.

Les îles perdues de l’atome…
Mais ce n’est pas le seul apanage que nous offre le FIFO 2018. En effet, et quelles que soient les distinctions catégorielles qui répartissent les films du Off, dont la « 9ème nuit de la Fiction » et « Fenêtre-sur-Court » ouvrant cette session… les trois volets du In, avec les films « en Compétition », « Hors-Compétition » et sur « écrans océaniens » : l’aspect qualitatif est flagrant. Inventifs, ils le sont presque tous. Qu’il s’agisse du scénario, des images, du fond, la délectation est au rendez-vous. Au point que certains, ne pouvant s’en lasser, nous gratifient de quelques longueurs…

Ensuite, et point très important à remarquer, les genres sont diversifiés : la façon d’aborder les sujets épineux peut varier du très caustique à l’autodérision. Preuve d’une liberté de tons et de la richesse de cette session.  Une créativité qui s’autorise à bousculer les convictions coutumières et à pousser autrement les portes de l’avenir. Un véritable hymne à la vie que ce Festival !

L’injustice en procès
Combats, réparations et réhabilitations sont au cœur même du 15ème FIFO. Portés au niveau collectif ou à travers des destins individuels, ils témoignent de l’intolérance éducative, morale ou législative. La brutalité construit-elle ou broie-t-elle avec Making Good Men (production néo-zélandaise) : être All Black ou acteur, une médaille au revers de revanche ? Dans Leitis in Waiting (prod. samoane), sur quel dogme inhumain repose l’intransigeance des magistères de Tonga outrageant l’intégrité des transgenres ?

Quand les Leitis (Ladies) craignent pour leurs droits
Des territoires minuscules aux plus vastes archipels, les invasions, les préjudices sont dénoncés, relayés par des productions venues d’autres nations : Abdul & José (prod. australienne) traite du néant identitaire des Est-Timorais enlevés pendant l’enfance par le régime indonésien ; dans Haka and Guitars (prod. néo-zélandaise), l’armée gagne le pari insensé de la pacification de Bougainville (Papouasie-Nouvelle-Guinée) grâce aux danses tribales. Dans la foulée du scandale nucléaire, Ils vont arrêter la bombe (prod. française) et Pouvana’a, ni haine ni rancune (prod. polynésienne) débattent des obscures raisons ou méfaits d’États qui exposent les populations aux radiations atomiques et maltraitent leurs opposants intègres… 

Ô mon frère de 700 ans !
Quand la déforestation intensive corrode l’espace vital et désagrège le tissu social papouan, « descendre du casoar ou du singe » est loin de présenter les mêmes avantages : Frères des Arbres (prod. française) provoquera-t-il un « effet papillon » ?  La verve s’y taille déjà la part belle…

Des lendemains propices ?
Dans cet état d’esprit, l’ironie cinglante invective les tenants de l’acculturation aborigène : par le biais du jeu de rôle, Occupation : Native (prod.australienne) nous met au diapason de cette tonicité positive que révèle un ensemble de documentaires, délibérément tournés comme un hymne à la vie. L’harmonie, la symbiose s’y conjuguent avec lyrisme : Nous Tikopia (prod. française), une personnification de l’île ; Michel Bourez, des racines du surf à la cime du monde (PF), le symbole du plaisir de la vague.

Ma terre, mon miroir : Tikopia
Les arts divers insufflent au FIFO en explosions de réjouissances ces espaces coutumiers du quotidien vital : compositeurs, musiciens… comme Barthélémy (PF). Les jeux traditionnels font aussi le buzz, avec le tube 'Poi e' *(N-Z) composé, chanté, animé par Maui Dalvanius. Artisans anonymes de la plume aviaire s’y trouvent honorés par Nā Hulu Lehua (prod. hawaïenne) : cape et casque royaux, ouvrages de plus de 4 millions de plumes, confectionnés il y a plus de 237 ans, reviennent sur leur terre d’origine…

De la scène à l’écran Kanak : Pierre Gope
Grande première pour le théâtre océanien, avec Pierre Gope, dramaturge Kanak, ou la scène dans le sang. Le spectacle Les paroles de Thio, entre dans ce documentaire Danse, petit chef, Danse (N-C) ; il marque le tournant de ces jeunes générations océaniennes qui cherchent ensemble la façon la plus appropriée de faire la synthèse entre le legs de la tradition, l’appétence du présent et les aspirations constructives vers le futur.

Des exemples pour demain
Le calendrier est édifiant : parfois ancré dans le passé, le dépassant parfois. Les spectateurs se font de plus en plus jeunes. Et le CDI d’un collège regroupe des reporters qui dès la classe de 6ème, examinent les phénomènes cruciaux de nos sociétés comme le harcèlement scolaire ou couvrent les manifestations culturelles dans leur cyber-revue : La Gazette du Taaone.  Découvrons cette année, Melissa, Nola et Nikau qui se feront le plaisir de recueillir vos avis.

Déjà, impressionnées par les quelques heures de vision d’avant-première, les collégiennes se forgent prudemment leur opinion, tout en glanant les règles de l’art journalistique auprès des professionnels côtoyés. L’émotion est forte, les observations franches et pittoresques…

Melissa & Nola de "La gazette du Taaone"
Comme à l’accoutumée, depuis sa fondation, le FIFO répond à sa vocation d’impartialité et d’objectivité. Il assume son rôle d’informateur scrupuleux. Quinze ans ! Une belle adolescence ! L’âge de l’audace qui bouscule l’autorité et se dessine une personnalité. Ne le manquons pas ! C’est « aujourd’hui et ici », pour parodier la formule de Chantal Spitz, membre du jury de l’an dernier. À n’en pas douter, un événement qui enthousiasme ce qui nous reste d’humanité !


Un article de Monak

* « Le mot poï désigne un type de jonglerie et vient de poï-toa, une petite masse au bout d'une ficelle utilisée chez les Maoris de Nouvelle-Zélande. »

Tous droits réservés à Monak. Demandez l’autorisation de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.


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