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Le nouveau roman de de Monak à lire absolument

vendredi 30 septembre 2022

La dernière reine de Tahiti



Une saga incontournable

 

Adeline Darraux, cartonne ces dernières années sur le petit-écran : réalisatrice, elle semble affectionner les personnages grinçants, claquants, souvent féminins, pas forcément parce qu’ils prennent le dessus, mais tout bonnement parce qu’ils abordent les sujets qui fâchent.

 

Avec La dernière reine de Tahiti, dont le scénario se serait appuyé sur des documents  d’une époque révolue hélas (!) par l’annexion, elle annonce la couleur d’une personnalité qui, prise entre les feux des colonisateurs, tente de maintenir les valeurs culturelles de son peuple.   Le film est une fiction ! sur fond historique, tout de même : mais s’accorde une latitude pour soutenir une figure féminine, résolument positive.

 

 

Une épopée qui le vaut bien...

à l’avant-première, au Grand Théâtre de la Maison de la Culture de Papeete, bien des spectateurs polynésiens autour de moi, étaient émus aux larmes… certains pourraient regretter de par la flexibilité des dialogues l’anachronisme de certaines formules… Mais cette histoire romancée tient la route : un très beau film pour ses cadrages, ses prises de vue, le montage, et la densité expressive des acteurs.

 

Vu l’enjeu du film, se pose la double interrogation : Pomare IV n’aurait-elle pas inspiré les réalisateurs locaux ? Pourtant, un scénario concernant la souveraine circulait ces dernières années à Tahiti… Et le fare de la reine à Papeete ? Va-t-on le restaurer ou va-t-il disparaître ? Raisonnablement sa réhabilitation en musée serait plus que bienvenue en plein centre ville : ce qui manque énormément ! Je dis ça, j’dis rien…

 

Pour en finir avec la colonisation

Le propos du film est très clair... la violence est frappante dès les premières images : les dernières heures de la royauté tahitienne ont sonné avec le succès de l’invasion étrangère à coup de conflit à armes inégales et massacre des autochtones. Et le scénario ne concède pas plus de faveurs à la suite des événements : rivalité entre les puissances étrangères conquérantes sur le dos des autochtones et antagonisme qui aiguillonne les représentants des 2 églises concurrentes : l’anglicane et la romaine. 

Acculée à devoir finasser avec les règles injustes et intolérables du jeu de l’émulation politique et religieuse, la jeune reine se trouve contrainte de renier ses valeurs ancestrales : se convertir, se plier au mode vestimentaire des pays tempérés, aux coutumes, au puritanisme des envahisseurs. La danse, la nage, la communion avec la nature taxées de dépravation, la culture traditionnelle se voit gommée.

 

Sous l’emblème de la Polynésie

Que lui reste-t-il face à ce train de menaces et de coercition ? Le chantage à la santé, à l’éducation, au train de vie pour préserver la paix et un semblant de dignité. Le marché s’avère inéquitable.

 

Le destin d’une femme libre...

C’est ici qu’intervient ou s’explique la nécessité de l’intrigue idyllique. Elle ne semble pas simple fioriture « fleur-bleue » : elle donne sens à la trame romancée, dans le sens de « romance » aussi. Elle fait passer la pilule ardue d’une réalité déplorable : celle du mépris, du vol de la personnalité sans autre forme de procès que cette propension des Occidentaux du 19ème siècle à affirmer leur soi-disant supériorité, érigée sur le pouvoir de la poudre, qu’ils ont empruntée d’ailleurs au Moyen-Orient (aux alentours des 8ème/9ème siècles).

Au personnage de la reine – interprété avec talent par Tuhei Adams –, la réalisatrice propose un nombre incalculable de plans précis : déballant certains aspects d’une liberté qui diminue de jour en jour. La réalisatrice insiste sur le combat journalier que mène cette jeune femme, pour que lui soit reconnue son intégrité de corps et d’esprit.

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Pomare IV, portrait de Charles Giraud (1851)

Quelle que soit l’époque, les séquelles de l’inégalité perdurant actuellement, ce n’est pas un hasard si Tuhei Adams déclare dans une interview concernant le tournage : ici, on a « une place, on se fait respecter». Féministe avant l’heure, Aimata Pomare IV ? On peut en douter mais c’est dans l’air du temps : pas loin de là, à peu près à la même période, Louise Michel, pour ne nommer qu’elle, « ce cœur qui bat pour la liberté », est déportée au bagne de Nouméa pour insoumission féministe.

 

...devenue otage

L’éclairage choisi par l’équipe française -réalisatrice/co-scénaristes-, en collaboration avec Yvannah Pomare-Tixier, héritière du legs culturel familial et conseillère polynésienne suscitera peut-être la controverse : la dynastie tahitienne présentant bien d’autres aspects pour alimenter la fiction.

Dans un essai publié par  Le Journal de la Société des Océanistes en 2019, Chantal Spitz, auteure polynésienne, nous met en garde : « Sans nier à chacun le droit à l’expression libre ou à la création souveraine, il est fondamental de s’interroger sur une éthique qui devrait gouverner les productions qui touchent à l’intime l’identité l’esprit de peuples qui font depuis des siècles l’objet de légendes de fictions de mirages offensants mortifiants mutilants, indéfiniment colportés par les fantaisies de promeneurs momentanés. Car certains sujets développés, pouvant paraître anodins originaux ou surprenants à des approches superficielles, portent des plaies des aliénations des deuils silencieux qui trépident l’âme de peuples qui continuent de se débattre dans des réclusions identitaires. »

 

En tournage à Moorea

Toujours est-il qu’avec une distribution bipolaire de choix, des moyens techniques confortables, un staff (franco-tahitien) au professionnalisme d’envergure, le film acquiert une crédibilité esthétique plus qu’honorable.

Les images sont fortes, belles, attachantes... les paysages parlants, la tension menée à son paroxysme. La réalisatrice réussit un long-métrage « habité » où lutte pour la vie se mêle au désir de vivre et au désir tout court… Le personnage principal et ses protagonistes surfent sur la vague de la passion... et qu’importe qu’ils appuient leurs sentiments sur des locutions à texture proverbiale : sur la gouvernance, le sexisme, le choc et la conciliation des cultures... La dernière reine de Tahiti se promet un bel avenir.

 

 

Un article de  Monak

Tous droits réservés à Monak. Demandez l’autorisation de l’auteure avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.

 

 

Cf. Chantal Spitz, auteure polynésienne, membre du jury du FIFO 2017 : à lire absolument :

https://journals.openedition.org/jso/10145

 

 

 

mercredi 28 septembre 2022

MORUROA PAPA de Paul MANATE


Le film DU Déni

 

Dès que tu prononces "nucléaire", dans le contexte des années CEP(Centre des Essais Nucléaires)-soit de 60 à 94-entre la France et la Polynésie, le mot est perçu comme une insulte, un crime de lèse-majesté ou un tabou. 

Paul Manate Raoux, réalisateur, entre deux films de fiction, s’attèle au documentaire, à la source même de son père, employé comme bien des travailleurs sur l’archipel tristement célèbre des Gambier et tourne en 2022 MORUROA PAPA.

 

Délicat exercice de style d’autant qu’il touche des proches, sa famille, représentative du dernier métissage, parmi les nombreux pratiqués par le peuple de navigateurs mā'ohi devenu insulaire. Cette proche vague d’hybridation - entre Métropolitains et Océaniens -, à l’époque même de la décolonisation, aurait pu prendre une toute autre signification : en fait, elle reposerait pour certains, sur une équivoque.

 

Le documentaire du secret défense

Véritable tour de force tout en délicatesse du réalisateur qui réussit en partie à rompre un silence de plus de 60 ans, cadenassé par la censure du « secret défense », la peur des représailles, mais aussi les combines politiciennes… et la manne des nouveaux emplois et des retombées domestiques qui révolutionnent  les conditions de vie des Polynésiens.

 

Mais Paul Manate n’en est pas à son premier essai pour remettre courageusement à plat les effets de la corruption et des mensonges d’état : entre autres sa fiction dite « fantastique » de L’Oiseau de Paradis en 2020. Coup d’essai ou coup de maître ?

 

De l’engin…

Elle est là, noyée sous des tonnes de faux semblant… l’innommable, l’instrument et son projectile, cette bombe, tantôt dénommée tirs nucléaires et dont les effets impalpables semblent se diluer dans le ciel quand ils ne se délaient pas sous la mer quand les explosions y seront implantées. L’histoire ne peut oublier les dégâts d’Hiroshima, dans le même Pacifique, quelques 20 ans plus tôt, et se laisse berner par les théories de "l’arme propre", sans retombées radioactives serinées à fin de propagande par la Maison Blanche comme par De Gaulle.

 

Loisirs sur lagon vitrifié

Aborder dans son film la perception du phénomène nucléaire, au sein même des familles polynésiennes qui en vivent les péripéties officielles et les incidences occultées… semble assez caractéristique d’une époque où les raisons d’état prennent le dessus sur l’information. Cibler un couple dont l’un des membres se trouve directement impliqué par "la chose" et le secret défense, montre à quel point la désinformation fait des ravages.

 

… au Déni

Images de la frivolité comme pour les « années folles » durant la crise de 29, la majeure partie de la population de Tahiti ne voit que les avantages immédiats du processus : emplois à gogo, amélioration du train de vie et afflux de consommateurs temporaires.

 

Quand l’atome est nié...

Henri Hiro, créateur et militant antinucléaire, serait-il passé inaperçu, tous les mercredis en manifestant avec son pū ? Il est juste dénigré et chacun fait l’autruche en se gardant bien d’ignorer la menace. Se réfugier derrière le sempiternel « je ne m’occupe pas de politique » permettrait-il de se dédouaner d’une culpabilisation due au silence ?

 

Le compromis 

Le relais générationnel s’opère par l‘image de l’adolescence : du petit-fils au grand-père, trois générations, fondamentalement inscrites dans leur environnement, se suivent mais ne se ressemblent pas. Au centre, Paul Manate en plein questionnement contestataire : crise de l’adolescence ? Non ;  conscience humano-politique, plutôt.

Comment se situer en tant qu’agent d’un processus de destruction ? Quand tout le monde joue la carte de l’insouciance et de la défense nucléaire. Eh bien, faire comme ses semblables et l’évacuer. Le documentariste pose la question mais ne la résout pas.

 

Paul Manate à l’objectif

Les images sont dépouillées, scrupuleuses et cependant implacables, entre un portrait paternel qui se dissimule derrière sa part de mystère et le contexte d’une époque controversée. Perdure le malaise. Se profilerait la faille des bobines familiales comme des bribes d’aveu arrachées à l’histoire. La question du fossé intergénérationnel irrésolue comme si chaque nouveau cycle temporel s’édifiait indéniablement ses frontières.

Un documentaire dont la douleur poignante s’éclipse derrière la vie simple et rudimentaire d’une île des Australes.

 

 

Un article de  Monak

 

Tous droits réservés à Monak. Demandez l’autorisation de l’auteure avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.

 

https://www.tf1info.fr/international/polynesie-de-1966-a-1996-pres-de-200-essais-nucleaires-aux-consequences-desastreuses-2192536.html

https://www.francetvpro.fr/contenu-de-presse/34406485

https://filmsenbretagne.org/paul-manate-raoux-tout-entier-ici-et-la-bas/

https://lesrencontresdefilmsenbretagne.org/edition-2021/figures-dimages-visages-de-cinema/

 

Cf. Henri Hiro :

http://www.leshommessansepaules.com/auteur-Henri_HIRO-751-1-1-0-1.html%20

http://moruroa.assemblee.pf/Texte.aspx?t=194

 

mardi 27 septembre 2022

Monak : Le Sang du Corail


Une signature au fenua

 

Que de bonheur quand le fenua –l’âme du pays, le souffle vital de Tahiti – m’offre  la plus belle des consécrations, celle de l’échange et partage avec nous, la cause des Raerae soulevant la question  du sort controversé des Transgenres.

 

Dans le cadre de l’emblématique librairie KLIMA à Papeete cette toute première séance de dédicace du roman Le Sang du Corail, édité aux éditions Maïa, s’est tenue, embaumée des précieux colliers de fleurs de tiare dont les deux cosignataires étaient parées, selon la tradition des cofondateurs de l’espace Manuella et Marius. Animée par Karel, la présentation de ce 24 septembre 22 a mobilisé en toute convivialité, lecteurs inconnus, auteurs illustres, amis, curieux issus de cette communauté métissée de Polynésie : avec, à la table des encres, l’héroïne Lalita, l’auteure Monak et l’initiateur du titre Julien Gué.

 

Les cosignataires : Lalita & Monak

Sous les arcades de la Place Notre-Dame, de cette Dame au Uru (fruit de l’arbre à pain), au flanc de la jaune cathédrale datée de la moitié du 19ème siècle,  le public avisé se dispatche du petit café, zinc sur la rue, à la croquignolette boutique du livre. Ici, le samedi est jour d’emplettes, de flânerie, de lèche-vitrine en plein centre-ville, le soleil est au rendez-vous.

 

C’est que les médias de la presse locale écrite et en ligne ont appuyé l’événement avec beaucoup de professionnalisme, stimulant cette rencontre avec les lecteurs potentiels. Ce dont nous les remercions vivement : Delphine Barrais et Dom. Schmitt pour les nommer.

 

Bouquets de plaisirs

Grâce à la teneur des deux articles publiés en préliminaire qui épluchent le roman de long en large, les destinataires se trouvent en terrain connu et continuent d’explorer l’ouvrage en s’adressant directement à l’héroïne qui, pour la première fois de sa vie, rédige une dédicace débordante de sentiments. Personnes impliquées dans le social, certains des interlocuteurs dont je ne connais que le prénom, poursuivent leur œuvre de soutien destiné aux exclus et SDF de l’île-capitale : échanges bouleversants qui font verser bien des larmes.

Bien d’autres gestes de fraternité ont émaillé la matinée. Roti Make, personnalité incontournable de Rurutu et des îles, créatrice en écriture, mode, design et peinture artistique, délaisse en lève-tôt l’Atelier-exposition de Taravao pour nous accompagner.

 

Les amis du bout du monde : Roti Make & Jimmy Ly, Lula de Klima…

écrivains bilingues de la place, venus nous encourager directement ou par famille interposée : Jimmy Ly et ses chroniques truculentes, Nathalie Heirani Salmon-Hudry, de la jeune génération insulaire. 

 

La transidentité

Au centre des préoccupations et des discussions du jour, la transidentité à Tahiti. Comment elle se vit ? Les embûches bravées et côtoyées… les obstacles et les blessures percutantes… les pièges et les voies sans issue… la débâcle et la déchéance… sans compter les brimades et la désapprobation ambiante.

La société mā'ohi actuelle aux résonances carillonnées par les multiples clochers, pas plus que l’édénique Cythère des publicités touristiques qui en édulcorent l’apparence, ne tolère les mutations de genre. Quelle place leur réserve-t-on dans le système éducatif, familial, professionnel ou judiciaire ? Véritable violence à la personne, cette forme de répression engendre suicide, ostracisme ou rébellion.

 

Se raconter entre rage, rires et pleurs

« Être ou ne pas être Soi » ne se résume pas à une vieille question oratoire de scène aux accents ampoulés, trémolos dans la voix, ni ne se réduit à un vague propos philosophique radoteur mais il m’engage, comme nombre de locuteurs, dans un combat où la reconnaissance du genre se confronte à la dure réalité. Ce n’est pas à la majorité de l’opinion éthico-publique de décider à la place des concernées, ni, surtout de les réprouver.

 

Et demain ?

Si jamais une publication servait à quelque chose, je serais sans doute moins pessimiste… peut-être, moins dubitative. La cause sera-t-elle entendue ?

Ainsi que l’a confirmé Abel Hauata, transgenre, Miss Université de Polynésie française 22, à la suite de Simone de Beauvoir : « On ne naît pas femme,  on le devient !». Et d’autant plus dans ce contexte propre au 21ème siècle. Les jeunes intellos d’ici ouvrent la voie : par bravade ? par canular ? à fin de démystification ? Peu importe, ils ont osé, ils l’ont acté : me reste à enfoncer le clou.

 

Ces voix meurtries du Pacifique…

L’un des enfants du fenua, familier de la librairie, journaliste un temps, réalisateur pour la société qu’il a fondée, Terra Cinéma, reviendra au pays pour tourner le film du même nom : Le Sang du Corail.  Bon vent alors, Pascal Galopin ! Mes encouragements les plus sincères. Le scénario est fin prêt : la trame est similaire, la chair plus nourrie, sauvage et coriace. (à suivre…)

Sur le seuil de Klima, au sortir de cette matinée intense, la pluie vient nous rafraîchir de  tant d’émotions communes éprouvées.

 

Un article de  Monak

Tous droits réservés à Monak. Demandez l’autorisation de l’auteure avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.

 

Merci aux éditions Maïa :

https://www.editions-maia.com/

https://www.editions-maia.com/livre/le-sang-du-corail/

 

Remerciements aux journalistes :

https://www.pacific-pirates-media.com/avec-son-roman-le-sang-du-corail-monak-veut-rendre-leur-dignite-aux-raerae/

https://www.tahiti-infos.com/Le-Sang-du-corail--la-parole-aux-raerae_a212086.html