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Le nouveau roman de de Monak à lire absolument

mardi 20 février 2018

FIFlash 2018 Romance au court



Une baie sur la musicalité

Ce n’est pas une simple fenêtre qu’ouvrent les réalisateurs de "Vaiteani, perfect Harmony"*, sélectionnés dans la nouvelle section, Fenêtre-sur-court… mais une véritable baie, aux deux sens du terme. Ils nous introduisent dans l’univers de deux musiciens, tout en accompagnant leur documentaire de la présence océane, instigatrice de leur musique.

Un duo, Vaiteani et Luc, un nom, une entité, Vaiteani : le groupe « folk polynésien », tel qu’il se désigne, et qui monte petit à petit depuis les Francofolies de 2011. Un duo à la coréalisation : Pascale et Julien Marckt.

Un duo, un nom : Vaiteani
Moetera Productions, petite fabrique polynésienne de films, n’en est pas à son premier coup de maître. Déjà, retenue au FIFO précédent dans la 8ème nuit du court, la fiction I’m just a shark*, avait fait le buzz sur les réseaux sociaux. Il faut dire que le scénario bat en brèche les préjugés que les humains collent aux seigneurs de la mer. En 4 minutes, la sentence tombe. Incisif, intelligent, sur un montage en contraste, le temps d’une incruste, se révèle un style original et percutant. Une fiction philosophique. À voir, absolument !

D’une toute autre facture, mais tout aussi impressionnant, est la seconde apparition FIFO. Dix-huit petites minutes pour "Vaiteani, perfect Harmony", mais tout en intensité et en plénitude. Le documentaire, signé Marckt, nous embarque dans une composition cinématographique qui sait allier beauté des images, efficacité et unité sonore.  Un film coup-de-cœur affirment les réalisateurs…  « Le pur plaisir de parler d’eux », « pour le plaisir, et ça ne s’explique pas ! »

Le coup de cœur
Ils sont mélomanes, les réalisateurs… Tout bêtement, ils ont su coller à leur sujet : ce qui est très complexe en fait ! La dynamique du film se déroule comme une symphonie. Une musique clé parcourt le film, comme un fil conducteur où viennent s’inscrire les voix parlées, les concerts, les moments de répétition, les rires, les silences, les murmures habités de la nature… Pour parvenir à cette fluidité acoustique, d’un grand sens artistique…

Mais le film, c’est de l’image aussi : et là, même admiration ! Aux portraits, pris sous différents angles, aux tranches de vie centrées, alternent les concerts et les grands espaces inspirateurs : la vallée, la forêt, les rivages insulaires… Pas d’images parasites, on entre directement dans le vif du sujet. Tout s’enchevêtre dans une pureté indéniable…

Des réalisateurs esthètes
Et le fin du fin qui couronne le tout : c’est ce mélange équilibré, on pourrait dire « harmonieux » entre confidences, ressenti et thèmes mélodiques, textuels ou instrumentaux, abordés par les deux musiciens. La part qui nous revient, à nous spectateurs, c’est de faire le lien entre le sérieux, la sensibilité de Vaiteani et la gravité de certaines de ses chansons.

La fusion
Artistes eux-mêmes, car ils le sont indubitablement, les réalisateurs, peut-être par similitude de caractère, concoctent un scénario en parfaite adéquation avec ce qu’ils ressentent du duo Vaiteani.  L’accord parfait entre « voix, sentiments, instruments », « une voix atypique, des influences contextuelles ». Ce que nous ressortons de notre rencontre : « une musique pure, authentique », « Ils sont fidèles à eux-mêmes, ne cherchent pas à plaire »

« Vaiteani nous a sollicités pour le clip d’une de leurs chansons Ua Roa Te Tau ». C’est avec beaucoup de liberté que les réalisateurs nous ont emmenés dans le monde fantastique de Vaiteani.  Avec un travail de miroir... un décollage vers le fantastique.

Magie de cette musique de la nature en nous
Entre « la musique de la nature qui est en toi », constate Vaiteani, et « le monde magique que véhicule la chanteuse», et qui touche Laurent Voulzy, une production fine, rare et originale.   

« Pas de films de commande… » pour Moetera Productions : un choix assumé. Et pas questions qu’ils en changent !... Ce dont nous ne pouvons que les féliciter…


Un article de Monak

Tous droits réservés à Monak. Demandez l’autorisation de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.



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jeudi 15 février 2018

FIFLASH Coup de Théâtre

Pierre Gope

  Je ne sais pas pour vous mais moi, j’adore les grandes g… Excusez-moi du peu, mais je me suis mise au diapason du registre de langue des répliques mises en bouche par les acteurs de ″Pierre Gope, un dramaturge kanak″, dont lui-même, bien sûr... acteur et metteur en scène aussi.

Enfin, du théâtre au FIFO ! Ce qui est plutôt rare, mais la 15ème édition a été prolifique en expressions scéniques de tous bords ! Et pas n’importe quel théâtre, celui d’un artiste « engagé, engageant et pour lequel il s’engage », souligne à peu près en ces termes Guillaume Soulard, Directeur artistique et culturel du Centre culturel Tjibaou de Nouméa, au cours du film. Il est vrai que Pierre Gope y apporte aussi cet éclairage : « Dans la tribu, on fait du théâtre ; sans le savoir on fait du théâtre ». Phénomène naturel qui trouve son origine dans les cérémonials traditionnels… que transmettent les premières images.

Quelques images qui ne laissent pas indifférent…
Avec ses faux airs de Marlon Brando basané, il ne laisse pas ces dames indifférentes, confesse Dany Toubiana en 1991… Ceci dit, le documentaire hors-compétition réalisé par Colette Alonso est mené tambour battant, à l’image de cette grande figure de la scène internationale.   

Et sur le drame de son enfance, cette mise à l’écart des « noirs » comme lui, dans la société néo-calédonienne, clivée par les préjugés racistes, il rebondit sans se mettre de barrières, et accuse ouvertement les limites socioculturelles et politiques qui en découlent.

Sans langue de bois
Tout passe à la moulinette de ses critiques, le droit coutumier comme le droit administratif. Sans doute pas la meilleure manière de se faire des amis, mais sa parole fait office de levain dans les différentes couches les plus opposées de la société néo-calédonienne.

Son discours se pose comme une incitation à « bâtir la société future avec tout le monde », avec chaque individualité du pays. Pierre Gope n’est pas un tribun : le présent comme l’avenir, il ne cesse de l’imaginer et de le recréer à travers ses pièces.  Un souffle de luxure, sa 33ème pièce mise en scène en mai 2016, aborde l’année 2118 !... De la fiction ? D’une certaine façon oui, si rien ne se décide à évoluer et à s’admettre…

P.Gope et Nicolas Kurtovitch : « Les Dieux sont borgnes »
Depuis la création de sa Compagnie Cebue (Mémoire), son espace est celui du dialogue et du « remue-méninges ». Bien entendu tous les sujets qui dérangent sont abordés… Pour quels résultats ? La prise de conscience, mais aussi l’incertitude…

Sans concession, sans subvention
En une vingtaine d’années, il fait naître un nouveau théâtre en Nouvelle-Calédonie, écrit des pièces à partir du vécu des gens. Son parcours est celui d’un pionnier du théâtre ou du patrimoine théâtral que contient sa culture. Atypique, il n’est pas toujours reconnu pour son œuvre théâtrale, qui compte pourtant plus d’une trentaine de pièces…

Qui pourrait nier sa valeur artistique, quand il est reçu en résidence dans ce temple du théâtre qu’est le festival d’Avignon ? Elle voyage, entre dans des coproductions en France, comme ailleurs, est applaudie et redemandée… Son talent ne se circonscrit pas au langage corporel et visuel de la scène, mais aussi à l’écriture.  

Quoi ? Pour demain…
Quel théâtre ? Celui de Pierre Gope est celui qu’il ressent. Celui qui se fonde sur l’oralité et la gestuelle naturelle kanake, celui qui ne ménage pas le corps et dynamise le mouvement à la manière de l’Ivoirien Soleyman Koly… Celui de la constante remise en question de soi et du contact sensible avec les autres, inspirés de Peter Brook. Toute une alchimie qui n’appartient qu’à lui, née de son expérience d’acteur, de dramaturge, et de metteur en scène.

La Nouvelle-Calédonie et le théâtre
La Nouvelle-Calédonie se « réapproprie sa culture à travers le théâtre » (d’après une déclaration de Pierre Gope) : non seulement par cet échange scène-publics, cette oralité qui transmet, mais aussi grâce à ses publications et à ses différentes maisons d’édition.

Quant au documentaire promu par le FIFO dans la catégorie Hors-compétition et réalisé par Colette Alonso, il n’a pas seulement la dimension d’un film biographique. Il prend la forme d’un mouvement artistique, bien visible même s’il n’est pas bien rémunéré et qui ne cesse d’interpeller les acquis et les certitudes des communautés ethniques qui composent le tissu social et s’opposent dans le pays.

« Exprimer ce que chacun pense tout bas »
Véritable petite révolution culturelle dans le paysage néo-calédonien, Pierre Gope est un phénomène : celui de l’émergence d’un théâtre kanak, mais aussi des impacts qu’il déclenche dans les différentes communautés néocalédoniennes. Un théâtre d’agitprop ? Un théâtre de l’opprimé ? Le lien peut être vite fait avec cet autre documentaire néo-calédonien, Danse, petit chef danse !, qui voit une jeunesse montante produire son propre théâtre : Paroles de Thio, de la Cie Les Artgonautes du Pacifique… qui montre le même petit chef acteur ! Une voix contestatrice, encore, où « colonisation, évangélisation, guerres mondiales, fin de l’indigénat, Boom du nickel, «événements» pour certains, sont des guerres civiles pour d’autres. »

« J’ai foi dans la politique de mon pays, même si j’en dénonce les dérives. Je crois en la possibilité d’une cohabitation harmonieuse entre les communautés. Nous sommes dans le même bateau et nous devons partager et nous entraider pour vivre et avancer ensemble, chacun apportant sa pierre à l’édifice. », affirme Pierre Gope… Alors, le théâtre, ne joue-t-il pas un rôle fécond ?


Un article de Monak

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