Demain… " Petit chef "
Que la 15ème
édition du FIFO n’ait primé aucun des films calédoniens ne signifie pas que la
production documentaire du "Caillou" ait démérité
cette année. "Danse petit chef,
danse", jeté dans la compétition, lance un défi à travers
son titre…
Quel
sens lui a donné le réalisateur, éric
Michel, originaire de l’île ? Le sujet du film ne porte pas sur la danse, ni
sur son évolution formelle qui, jadis propitiatoire, glisserait vers l’aspect
loisir ou la plateforme à la mode. Rien de superficiel dans ses images, même si
le ton reste enjoué : de l’optimisme alors ? Il ne soulève pas de palabre
sur l’éventuelle incapacité de l’artiste à assumer une mission politique. Non, "petit
chef"* est une fonction juridiquement définie, la
personne morale qui représente le clan. L’interpréter autrement serait
assurément ignorer le « statut civil
coutumier kanak »
actuel qui clarifie le contexte socio-politique du pays…
Des images aux deux bouts du pays…
Le spectateur mélangé de ce Fifo semble s’être
partagé radicalement entre différents modes de perception. S’en tenant à une
vision désuète et sectaire, certains ont parfois voulu jouer au petit
juge : n’admettant pas que le noir Kanak Simane ose recourir à un art contemporain
auquel n’accorder aucune légitimité traditionnelle. Pourtant le slam
tient de la même veine que le 'ōrero ; le théâtre, de ces longues
mises en scènes rituelles qui officialisent les relations tribales ; la street
dance n’est pas si loin de ces danses originelles présentant l’univers
symbolique des protagonistes s’affrontant.
Enfin, une frange d’étudiants polynésiens
s’est reconnue et projetée dans la démarche d’un artiste au parcours qui les
touche. Il est fondamental pour eux d’apprendre à se définir identitairement par
eux-mêmes, suite aux séquelles d’un passé colonial funeste.
La voix des exclus
Les
éléments précédents étant posés, le film se concentre sur la tranche jeunesse,
toutes ethnies confondues. Représentative de plus de 35% de la population
totale, elle est abordée sous l’angle de son besoin de poser ses propres enjeux
par des actes culturels concrets, au travers d’associations diverses. Et dans
le cas présent, oui, ces communautés ont l’air de coopérer ensemble sans
complexe, dans le no man’s land de la capitale !
Un réalisateur à l’écoute… |
Curieusement,
à peu près le même pourcentage statistique s’applique à la population kanake
(39%). Occasion pour le réalisateur d’adopter le point de vue de Simane,
héritier de la chefferie Qanono (à Lifou), qui projette à long terme à
concilier, avec les atouts culturels de son métier artistique, son futur rôle
de guide coutumier. Pour lors, il cherche à créer un espace d’expression verbale
et chorégraphique « toutes ethnies confondues » : caldoches,
kanakes et autres, dans cet espace de l’exode urbain.
En
effet, quelle place reste-t-il à la jeunesse dans cette crise socio-économique
léguée par leurs aînés ? En « perte de repères,
en déshérence »,
le malaise se fait sentir davantage. Ce malaise, Simane le sublime, seul dans
son écriture, dans ses compositions slam… Collectivement, dans ses
chorégraphies, ou comme acteur de théâtre, de cinéma.
Avec les porteurs de parole… |
Simane
n’est pas qu’instigateur, il participe à la pièce Paroles de Thio, dont le texte est
un recueil de témoignages : « Ils sont trois sur
scène. Mais ils portent la parole d’une multitude. Celle des déracinés, celle
des jeunes qu’on prend pour des délinquants, celle des vieux restés tournés
vers un passé enjolivé, de ceux qui ne voient pas d’avenir tant le présent est
oppressant. Celle de ceux qui maugréent, de ceux qui prient, de ceux qui
voudraient rêver. »
Hors des ghettos, le Hip Hop
« C’est
sur des tournages, à propos de projets culturels en cours, que le réalisateur découvre
et colle au parcours de Simane, au plus près de sa réalité, fait sa souris avec
ses caméras, sur le montage de son spectacle. »
Contrairement
au paysage sociopolitique calédonien, le panorama des danseurs de Simane
Wenethem est pluriethnique. La raison en est simple et c’est là qu’elle prend
tout son sens. La culture rap et hip hop, issue du mythique
ghetto de Harlem, recommence son histoire sous toutes les latitudes des mondes
ghettoïsés. Elle a pour vocation de faire disparaître pacifiquement les
exclusions et le sectarisme. C’est un héritage d’unité, une culture du
dépassement de soi et « par ricochet, le désir de faire évoluer la
société »
Revivre mes origines… in Chemin Kanak 2.0
Ce
n’est pas un hasard si, au creux des vallées perdues, « naît un mouvement
informel de jeunes créateurs en slam, en rap, et autres genres proches des
jeunes ». à part la parenthèse
du rap-égotrip, ou gangsta bling-bling entre autres, le rap correspond
à une démarche philosophique : « un esprit critique, subversif, qui opère la
construction d’une idée et d’une œuvre par la déconstruction des raisonnements
déjà établis ».
Ce
n’est pas un hasard si le tandem Guilhem Chamboredon- Simane Wenethem, revisitent le
patrimoine calédonien, dans le désert de la grande ville, du pavé, de la nuit…
Un clip sur un slam de Simane et un scénario de Guilhem… une combinatoire où
s’exprime leur conviction commune : « L’art est un
désir »…
La politique peut-elle le devenir ?
Alors,
évidemment, amorcer, construire un avenir rassembleur, ça dérange…
Demain, pourquoi pas ?
Être
"petit chef", ce n’est pas une
vue de l’esprit, (comme pourrait l’entendre un auditoire européen) c’est tout
un programme co-défini par la
Nouvelle-Calédonie et la France. Simane ne songe pas à y déroger. « Il
parle beaucoup de cette brisure intergénérationnelle, de l’errance des jeunes,
rappelle éric Michel. Le
phénomène est assez fréquent : se pose le problème de la transmission ».
Page de slam |
Déjà,
le jeune danseur-chorégraphe a réussi à intégrer, sans que personne n’en fasse
cas… et à la différence de l’ensemble du pays encore trop accroché à ses
communautarismes, des caldoches de Nouméa,
d’autres immigrés océaniens… Serait-il en bon chemin vers cet idéal qui figure
en tête de tous les objectifs politiques d’avenir : « Un destin commun » ? L’avenir
le confirmera.
« D’ici
là, Simane continue son travail de dialogue interdisciplinaire, de rassembleur
interculturel ; explore le patrimoine kanak au rythme des pulsations de
son art ; tend à faire émerger ces expériences résolues de façon
interactive ; éprouve, continue à douter… »
S’ouvrir les étoiles… |
Le
défi est lancé. Comment Simane et d’autres chefs éviteront-ils « de se
retrouver dépositaires de rites et de formules vides de leur contenu », comme
les mettait en garde Jean-Marie Tjibaou (in Cibau
Cibau, Kamo pa Kavaac, Agence de Développement de la Culture Kanake 1998) ?
Comment réussiront-ils à recréer une unité culturelle à multiples
visages ? Souhaitons-leur de trouver les solutions… L’atmosphère du film
n’est pas au pessimisme… alors…
"petit chef"* : une page d’histoire et voir pour aujourd’hui, page 23, une notion expliquée,
« Les pouvoirs des chefs ».
Un article de Monak & Julien Gué
Tous droits réservés à Monak & Julien Gué.
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texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.
Very helpful information.!Thank you so much for the detailed article
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