UN HYMNE AUX CORPS
«Je suis fier.e ! nous sommes fier.e.s !» résonne en ovations d’allégresse, comme autant de voix émergeant du Pacifique en coda du film FIER.E.S. Documentaire, incontestablement, où Raynald Mérienne déchire d’un coup le voile du silence identitaire, perpétré depuis plus de 200 ans, à l’encontre du genre non inscrit dans la Bible... Film, à n’en pas douter, dans la mesure où l’œuvre de composition résulte d’une véritable mise en scène visuelle où se projette le spectateur à l’unisson ou a contrario... Image goûteuse à souhait, en toute candeur de naturel, de sentiments... Scénario co-écrit entre caméra muette & chair vive des affligé.es... Voix que clôt le poème de Maheamai, en faveur des Amazones du Pacifique...
ALLELUJAH à la Léonard Cohen tant s’exprime cet hymne au corps réhabilité. «Je suis fier.e !» ponctue un documentaire qui nous lamine les tripes ! Plus éprouvant que la réalisation de Raynald Mérienne, tu meurs ! Car la discrimination ne réside pas seulement dans les faits du quotidien, elle entretient ses hordes de détracteurs "musclés" et ses huées de diffamations embouchées par tous types de prêcheurs & de tribuns en mal d’électorat.
À peine passé en prévisualisation en octobre 2024 sur la chaîne TV officielle que le documentaire de Raynald –FIER.E.S– devient emblématique du fenua, faisant réagir la jeune génération à tout rassemblement de loisirs ou de prévention, & raflant 2 Prix au 22èFIFO de février 2025 : 2ème Prix spécial du Jury + Prix du Public. Pourquoi un tel engouement dans un pays réputé de tradition culturelle inclusive sur le sujet de la diversité des genres, du fait de l’ancestral māhū ?
Abjection, déshonneur, honte, ignominie, autant de maux dont sont affublés les minorités de genre et d’identité sexuelle, jusqu’à la lie. Un travers sociétal –totalement illégal–, entretenu par des obsessionnels de la violence et de «la pensée unique pour tous».
Dans le même temps, le mini festival des Jeunes au FIFO décerne le 3ème Prix pour TRANSparence à la classe de BTS Communication du lycée TE TARA O MAIO de Pirae. Le mini-film de 3mn s’achève par le suicide d’une raerae harcelée... ! Ce genre de voie de fait entériné sans appel ! Clair, net & sans bavure !
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à LA 1ère du FIFO |
Suite à la désintégration de la société ancestrale et du remplacement de ses valeurs par des dogmes chrétiens et des concepts de supériorité coloniale, la notion de 3ème genre ou d’inversion mythique des genres et surtout de leur homologation & de leur «acceptation» dans la vie courante, s’affaiblit MAIS (!) en laissant des traces ! ! ! La société polynésienne se trouve désemparée. Elle éprouve un bouleversement total, au point de se renier & de rejeter toute forme ancienne d’acquiescement, analyse l’anthropologue conviée à l’écran : Vahi Tuheiava Richaud. D’où l’opprobre infligée à toute catégorie humaine qui ne soit pas référencée par la Bible et ses gloses restrictives & contrites. L’humain, la personne –qui peut être son essence ou son masque– se trouve dès lors défiguré, conspué, flétri, voire fustigé, blackboulé, molesté, martyrisé sous le narthex : réduite à une catégorie bannie.
Évitant toute polémique entretenue dur comme fer par certains illuminés & autres gourous, le réalisateur vient puiser auprès des postulants qui acceptent de se confier à une caméra. Ce qui n’est pas si simple aux dires des intéressés, mais garantit l’objectivité requise du documentaire.
Conscience de soi
Ni préambule, ni théorisation, ni commentaire. Le propos est livré tel quel ! FIER.E.S n’est ni une doctrine, ni un système, ni de la propagande. Avec naturel, sans artifice, les porte-parole se lancent sans ambages dans leur propre histoire, après une mise en bouche de présentation succincte. Cherchez le réalisateur... il s’absente totalement, privilégiant ainsi la communication directe avec le spectateur. Et les locuteurs en tremblent d’autant plus qu’ils savent s’adresser à leurs frères insulaires. Et qu’ils peuvent le faire pour la 1ère fois !
Face à la caméra qui sont iels ? De différents genres... pour ne pas user d’un lexique situé sous la ceinture (des Cartes d’Identité). L’«orientation sexuelle» est malheureusement accusée & gravement entachée de déviation, de pornographie, de concupiscence ou de péché de chair ! ! !
Iels se trouvent donc absurdement plus ou moins ségrégués. C’est-à-dire qu’iels se trouvent stigmatisés en dehors de tout fondement rationnel. Effectivement : «Pourquoi rechercher une cause à quelque chose qui n'est ni un problème, ni une maladie et ni une perversion ?».
Cousins Cousines de Tahiti n’intervient que pour assurer un appui en cas de discrimination, de harcèlement, de maltraitance, d’homo ou de transphobie... mais... existe !
Parmi la centaine de pressentis, le réalisateur s’est concentré sur 5 intervenants majeurs représentatifs de la diversité genrée polynésienne. Du māhū, efféminé (Loïc), à l’homosexuel, aux multiples transgenres raerae (MTF) –Reretini, Maheamai, Lalita–, du lesbianisme au transgenre (FTM) féminin–Tehau & sa compagne–. Les catégories réelles ou choisies restent volontairement fluides, car tel est le cas... Surtout que ce documentaire relève des sciences humaines et ne se circonscrit pas à une étude de rats de laboratoire. Rappelons que : «scientifiquement une femme correspond à un taux d’œstrogènes ; et point-barre» !
N’entrons pas dans les polémiques : il n’en est soulevée aucune !
Le DOC de Raynald Mérienne est humain à 100%...
Êtres à part entière, iels se déclarent tel.le.s qu’iels sont : pas comme des objets rangés dans des cases. En toute lucidité, avec leurs idéaux, leur parcours spirituel, leur envie de vivre, leur inaccompli. Pionniers d’un monde qu’ils édifient sans véritable modèle & qu’ils nous invitent à partager.
Manuarii ne manque pas de relever le débat social : elle nous plante le décor des dénigrements et pose les questions qui fâchent. Qui est à «soigner» ou «corriger» dans notre société : les harceleurs, les agresseurs ou les victimes que la bêtise désigne ?
Les repères sont plantés : se conformer à la norme ou disparaître...
Confiance en soi !
Pourquoi culpabiliserait-on d’être soi ? La question reste entière & posée en filigrane. C’est que dès l’âge tendre, les enfants du berceau polynésien sont conditionnés à subir & qu’à l’âge adulte ils n’osent pas davantage inverser les forces, même s’ils sont dans leur bon droit !
Le sujet est brûlant et met en cause l’intolérance d’une société qui s’en prend aux minorités de genre : soit dans le huis-clos des familles, soit dans l’espace public où les préséances font office de loi... & de savoir-vivre ! ! !
Humains de plein droit, il serait temps que Gabriel ne se fasse plus cracher dessus !
Quant à celui que tu chéris en toi –avec ta nouvelle mise au monde–, il fait partie des surprises de la transition ; tout comme pendant l’adolescence.
Abel Haouata reste cependant intransigeante : réalisant CELLE que tu deviens...
Elle ne refait pas la création : ELLE est ELLE !
Un film qui ne nous laisse pas une minute de répit –intérieurement, il nous fait bouillonner– : car tout le possible rencontre des obstacles superflus. T’es queer, tu te ramasses les inconvénients.
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On se détend au village FIFO |
Quant à l’équilibre du documentaire, il alterne apaisement & tensions. Atteint son paroxysme à coups de rebondissements dramatiques & poignants qui nous arrachent des larmes. Tout en sachant nous ménager des plages de récupération : soit par des incursions dans le quotidien normalisé du loisir en famille, soit par un intermède typiquement artisanal, symboliquement ancré dans la tradition culturelle. Soit par un moment de détente, de plaisanterie, de sourire...
Respirations puisées à la source locale : l’espace ouvert sur l’horizon, à sa fluidité, à la mentalité baignée de convivialité comme une seconde nature... Le végétal apaise... Il rassure!
Reretini «n’est pas une erreur de la Nature !»
Confiance en LUI !
Lui ? C’est Raynald Mérienne : compréhensif, conciliant, généreux, prévenant, cordial surtout ! Artiste & hypersensible, tout en sachant vers où mener sa barque, il a su déclencher la parole de ses interlocuteurs, quel que soit le back ground de chacun. Quelle que soit sa diversité !
Toutes les personnalités qui ont contribué à ce film lui sont reconnaissantes de les avoir mis.es à l’aise pour se livrer & de ne pas avoir déformé leurs propos. J’ajouterai d’avoir su axer le rendu visuel sur l’essentiel de chacun.e.
«Choral» ou galerie de portraits «aux destins entrecroisés», le documentaire flirte avec le systématisme de l’émergence sur fond noir, sans jamais s’y enliser. Le parti pris de ne jamais importuner le témoin de sa présence, est tenu magistralement par Raynald, qui laisse libre champ à ses personnages, grâce à une qualité de l’image qui sait se renouveler avec chacun.
La baguette du maestro Raynald, donne le ton et implique chaque personne avec la mélodie d’un instrument particulier, à chaque fois reconnaissable. Chaque moment est doté d’une partition différente : et amorce un nouveau rendez-vous avec le partenaire que nous avons quitté un peu plus tôt. Le rythme Raynaldien est fascinant ! tout en conférant son unité au film.
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PRIX du PUBLIC au 22èFIFO |
Un film, à l’esthétique soignée & délicate... qui se coule & n’agresse pas. L’image est d’une chair incontestable : chair, d’abord, sinon sensuelle ; parfois frivole & légère, encadrant des séquences d’une cruauté acerbe, dégageant une émotion débordante, difficilement supportable.
«Au feeling artistique incroyable & rassurant», commente Maihamai. Achevant le film comme une guerrière de l’ombre, suintant de la grisaille des jours : le mythe de l’AMAZONE renouvelé... avec sa touche de poésie... elle passe le flambeau.
«Et pourtant ce n’est pas si facile de se dire, parfois en cachant le plus dur ! car nous ne sommes pas là pour nous plaindre ! La parole qu’il nous a donnée nous a rendu.es plus fort.es ! Nous avons osé nous dire !», résume Reretini qui a ENFIN su se débarrasser de tous les pollueurs et inquisiteurs avec son «Qu’ils aillent se faire foutre !»
Et ne nous laissons pas berner : sa jovialité ne nie pas sa souffrance, elle la minimise. Dans une île isolée, comptant moins de 200 habitants... Croyez-vous qu’elle soit passée au travers des chantages & des pressions de ses pairs ou des plus âgés ???
L’objet artistique
Inutile d’épiloguer sur les ruptures, ouvertures fleuries donnant sur un moment d’apaisement : la transition de Tehau et l’acceptance de sa compagne ! Une véritable leçon de savoir-vivre ! L’Arche florale de Sailali pour nous rappeler celle de Noé qui conclut la fin des hostilités divines... ou associées. Lalita-HINANO, son pareu rouge et blanc, d’emblème nationale limité à la buveuse de bière, le mythe de la vahiné soi-disant heureuse sur ces îles édéniques aux relents de châtiments & de géhenne promise, comme le pile du face-paradis.
Le cœur du film, centré sur les violences insoupçonnables subies par Sailali & Lalita, mineures, pour leur choix identitaire. C’est courant, incalculable, toujours actuel : tout le monde le sait. Mais personne ne condamne : l’omerta totale ! Le père pasteur martyrise son gamin, le mutile avec une pince coupante, le «rosse» à coups de bois à clous, le harponne... SAILALI est recueillie par une vieille voisine Et tout du long de son calvaire, l’enfant n’a pas même reçu la solidarité des enseignants de l’école de Bora Bora... Un traitement démentiel au vu & au su de tous et de tout un village insulaire complice ! ! !
Que les filles aient osé en parler & le dénoncer : c’est une GRANDE PREMIÈRE ! ! !
Lalita, enfant de la misère, vendue à une mère adoptive, abusée par les mâles de la famille, subira un viol collectif en internat à Rangiroa, jetée à la rue à 15 ans, survit en se prostituant & malgré une formation, ne sera jamais embauchée jusqu’à présent... Ce qui t’use, c’est la solitude... Personne pour te défendre, te protéger !
S’abstenir d’afficher de tels sévices ? impossible ! Puisqu’ils continuent à se produire en famille, en établissement scolaire, dans les quartiers, dans les clubs sportifs... et personne ne réagit...
L’initiative de Raynald Mérienne valait le coup d’être tentée... Dans les lycées, l’impact est sensible depuis la 1ère diffusion télévisée d’octobre 2024. Les adolescents compatissent d’abord... même s’ils n’éprouvent pas d’empathie particulière. Seraient-ils les seuls ? face à des adultes implacables ? Les victimes d’abus sexuels en parlent ! ! !
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" Fragilité, ton nom est FEMME" (Shakespeare) |
Alors la partition de Lalita, lancée sur Tik Tok, sous-titrée indifféremment «je ne suis pas votre ennemie» ou «Lalita a vécu l’enfer», est devenue virale. Au soir de sa 1ère diffusion durant le FIFO elle a fait le buzz... des millions de like... Pourquoi ? Du voyeurisme ou un désir de justice ??? Et l’obtention du PRIX DU PUBLIC, un hasard ???
Plus qu’un concours de circonstances, un métier. Raynald Mérienne a tout mis en œuvre pour mettre en valeur ses "actants" –ceux qui actent, qui font–, face à la caméra.
Pour Lalita c’était éprouvant ! Il n’était pas question de jouer les starlettes ! Elle n’avait rien de gai à raconter : que des perversions endurées, que des brutalités ! Mais un challenge aussi : faire comprendre, demander des comptes. Parler aux anonymes qui l’ont violée, les yeux dans les yeux ! La vérité sans masque : prostituée signifie tout de même qu’elle procure du plaisir aux humains qui en manquent ! Ce ne sont pas des clients pour elle, mais des humains en manque d’amour. Alors ? D’humain à humain : ainsi se lit le Doc.
Pour Raynald Mérienne aussi ce n’est pas un sujet qu’il défend, mais ce sont des personnes ! Il craignait le "retour" du public : des moqueries possibles. En fait, les spectateurs, quel que soit leur âge n’ont pas pris de distance négative dans le cadre des projections publiques du FIFO. Ailleurs, dans les familles, il a peut-être été interdit de récepteur à l’heure du repas ! ! ! Qui sait !
La Parole utilisée, portée, ainsi que chacun.e le ressentait, sans filtre, sans canevas : un grand moment où le regard se fixe dans une atroce douleur.
INOUBLIABLE ! CE REGARD !!!
«Je m’aime, je m’aime, je m’AIME !»
Quelle qu’ait été la couleur de la diversité sur l’échelle du drapeau arc-en-ciel des genres ou des orientations, de la lesbienne au transgenre, Raynald les soigne tout autant : le cadre, les proches... la parole ! ! ! la personnalité... Chacun.e dans son écrin !
Comme dirait l’autre, ce ne sont ni des anonymes, ni des catégories, mais des entités humaines à part entière... Alors ! ne nous permettons pas d’en rogner ne serait-ce qu’un iota : le changement d’identité n’a pas besoin de mutilation...
Sans les enfermer dans des catégories : les contestataires, les battantes... Sailali, Reretini... Manuarii, Lalita... Pour elles, pour les plus jeunes...
Elle s’est apaisée, Lalita : après les applaudissements, les témoignages de soutien du public qui lui aussi pleurait ! ! ! C’est qu’elle revient de loin : «De l’enfer», comme ils commentaient sur Facebook. Et qu’elle pleure à chaque projection !!!! Ce n’est pas rien, c’est sa vie ! S’en remettra-t-elle ? Raynald parle avec beaucoup d’estime de ses collaborateur.trices à l’écran : il évoque leur «fragilité». Le Doc aborde leur fragilité.
De Loïc à Lalita, le drame affleure ! ! !
Une vérité, une image au plus fort de l’action, sans bavure au plus près du drame, dans la vérité de la douleur, de l’action...
Lalita qui l’exorcise par la danse
Des expressions de soi, de visage ! Clap ! On arrête de jouer les sucrées pour la série télé ! On est soi ! avec la franchise d’avouer «je suis méchante!» Avec des projets qui vous détruisent encore plus ! Un corps qui se donne car au-delà des mots ce sont les sentiments qui priment...
«j’ai décidé de me venger !» un regard qui tient tête, un regard qui tue...
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Avec VAHI |
Un véritable manifeste, une nouvelle conjugaison à décliner ! « Je M’aime ! Je M’aime ! Je M’Aime !» L’avenir se dessinerait-il de façon plus favorable ? Effacerait-il les coups, les violences, les sévices, cette négation du Queer...
Un article de MonaK
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