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dimanche 29 juillet 2012

Le Festival d’Avignon 2012

La passion théâtre

Avignon, revêtue d’un patchwork d’affiches sur tout ce qui s’apparente à une façade, se joue son carnaval d’été. Soixante-cinq ans après la création du festival, tohu-bohu dans la ville surpeuplée : elle joue la carte touristique à fond. Sous mistral et cigales, s’effeuillent les spectacles.

 

Le patchwork s’effeuille

Avignon, rush de tout ce qui aurait pour nom expression scénique, plus ou moins proche du théâtre, le festival draine jusqu’à la plus infime des compagnies de France et de Navarre.

 

La tendance étant de mêler sur plateaux et planches les différentes disciplines des arts vivants : place est faite pour qu’elles y soient invitées à part entière ! Comment intituler réellement ce festival tous arts ? Comment définir actuellement le Théâtre ? En revenir aux tréteaux du théâtre forain ou enrichir l’image par les techniques multimédias ?

 

Le théâtre se conçoit-il à partir des impératifs lucratifs des programmateurs ou répond-il à une esthétique intrinsèque ? Sachant qu’une trentaine de spectacles remplissent le « In » et que le « Off » s’étoffe de la valeur d’un annuaire téléphonique : routine ou tournant pour le festival ?

                                Théâtre : foire d’empoigne

Il semblerait, dans les sondages, que les attentes du public s’accordent avec les propositions des compagnies en matière de créations contemporaines. Ce qui paraît évident pour un Théâtre qui se veut vivant ! Par contre, ce qui reste totalement aberrant, c’est que les spectateurs interrogés occultent presque en totalité la tranche « Jeune Public » !

 

Immersion en « Théâtrie »

Comme s’il paraissait inutile d’initier les enfants au théâtre, voit-on se pointer une forte envie des décideurs pour la musique, la chanson, la danse et le cirque.

 

Il faut dire que le festival étant le seul moment fort de l’année en Avignon, les habitants se lassent des périodes de latence culturelle. Dans la même logique, les compagnies théâtrales vivotent.

 

La vitrine des productions théâtrales n’est plus qu’un leurre. L’art de l’éphémère - cet art de la représentation qui évolue chaque soir, de manière différente, la magie du théâtre - risque-t-il de passer réellement dans la catégorie du provisoire ?

 

Le statut de l’éphémère

Intermittents sont-ils nommés pudiquement, et leur condition professionnelle tient de l’escroquerie dans cette fête du théâtre qui n’est pas rose pour tout le monde. L’alerte est donnée avec la « Charte du Off » :

« Ce qui se passe en Avignon concerne tous les professionnels de France même s’ils n’y sont jamais allés. Avignon est une vitrine de la création théâtrale en France et les pratiques qui y ont cours sont symptomatiques de ce qui se fait partout ailleurs. C’est aussi pour beaucoup un passage obligé pour faire connaître et diffuser leurs spectacles. C’est d’une part parce qu’on y trouve un public toujours plus nombreux d’amoureux de notre art, mais aussi parce que la présence d’un spectacle en Avignon permettrait de le tourner par la suite. C’est au nom de cette exploitation future que beaucoup sont prêts à y venir à tout prix, y compris en faisant de la rémunération des artistes la variable d’ajustement de leur budget. Or cette pratique n’existe pas seulement en Avignon mais également dans les petits théâtres à Paris et dans les grandes villes. Cette situation conduit de plus en plus les lieux qui accueillent des spectacles en tournée à faire baisser les prix, voire à demander aux compagnies de jouer à la recette comme c’est le cas en Avignon. Les compagnies se mettent dans une situation d’hyper concurrence et il y a parfois un aveuglement sur les conséquences de ce qu’on accepte. C’est ainsi que l’on est en train de scier la branche sur laquelle on est assis en « dé-professionnalisant » nos métiers. »

Circulez : il y a à voir !

En dehors des « grosses machines » (à effets et à diffusion) du « In », toutes les compagnies qui peuvent se le permettre s’entourent de bénévoles (famille, amis) pour bricoler ou distribuer leur flyers.

 

L’incontournable parade ?

Le travail harassant, revient à la parade. Elle ne peut être assurée que dans les troupes qui comptent des rôles secondaires. Tantôt bon enfant, tantôt en défilés silencieux.

 

Parader pour survivre

L’acteur devient démarcheur ! Comme si ce rôle lui incombait en plus du sien ! Certaines compagnies organisent même des apéritifs conviviaux, pour créer le contact. D’autres se profilent en costume, distribuant leurs propres tracts.

 

Faut-il souligner que vingt jours à ce rythme, tiennent du miracle pour assurer la viabilité du spectacle qui va suivre ? Le théâtre : une culture du racolage sur voie publique ?

 

Des pénitents de pacotille ?

Ils s’avèrent aimables et amènes, les comédiens ! Même si leur espace d’évolution en pleine rue est balayé par la foule. Ils s’enquièrent auprès de leur public potentiel. Ce sont eux qu’ils font parler.

 

Ils y croient ! Et leur costume de pénitent n’est qu’une défroque de plus, dans leur parcours de saltimbanque.

 

La mort du Théâtre ?

Si les thèmes récurrents du Festival tournent autour de l’identité, l’atmosphère est aussi entachée par la crise : la financière. Celle de l’économique et non celle des valeurs !

 

Beaucoup de premier degré dans ces expériences de l’écriture collective, du portrait contesté, mis en dérision, des a priori déchiquetés. Le tragique, c’est dans l’humour qu’il semble prendre son assise.

 

Une mort voilée

L’adrénaline coule à flots, dans les veines des théâtreux. Comme des funambules, ils jouent leur vie ; par personnage interposé. Par idéal aussi.

 

Des groupes d’enfants et d’adolescents, eux aussi y croient dur comme fer, au théâtre ! Ce voyage en Théâtrie consacre leur année de pratique dans des ateliers théâtraux.

 

Le marathon des spectacles mobilise autant les professionnels que les amateurs : en trois jours, les jeunes ont collectionné cinq spectacles. Le dernier jour, certains se sont endormis. Mais ils ne céderaient pas leur place !

 

La passion du théâtre

Les récidivistes enchaînent un bon demi-siècle de rendez-vous avec gradins ou strapontins. Les auberges de jeunesse ne désemplissent pas de ces festivaliers quinquagénaires tous horizons qui vivent la jeunesse du théâtre, en ce centenaire de la naissance de Jean Vilar.

 

Alors : La mort du théâtre ne serait qu’une maladie, semblable à celle de l’amour ? Comme le prouverait ce dialogue charnel signé Marguerite Duras : « Entre jeu et chorégraphie ».

 

Une maladie dont on ne revient pas : le théâtre !

 

Un art qui se vit

Alors : ça se dit, ça se braille, ça se suggère le théâtre ? Ça se voit, ça s’exhibe, ça se laisse deviner ? Ça se joue, ça se respire, ça se palpe ? Ça se goûte, ça se comprend, ça s’éprouve ?

 

Sur les esplanades hors les murs, les troupes se font des « italiennes ». Les « générales » rassemblent leur petit monde de privilégiés invités.

 

Le théâtre continue-t-il à ronronner parmi ces bars, ces studios, ces arrière-boutiques réaménagées en scènes qui ne cessent d’engloutir et de recracher à la chaîne leur lot de spectacles et de spectateurs ?

 La maladie du théâtre

Quoi de neuf ? On s’y essaie, on y débat, on se confronte sous chapiteaux : entre l’immanquable fonction politique du théâtre et les écritures des sociétés traversées par l’esclavage.

 

Il investit les architectures profanes et sacrées, il squatte l’espace urbain, il réhabilite les zones : il nomadise. Mais il semble qu’on n’ait pas posé la question qui a brûlé cette année les planches d’Avignon à Paris : sans limites ces commandos de sectaires qui s’en prennent physiquement aux acteurs ?

 

Pas toujours du goût de tout le monde… non plus. Quant aux spectacles excentrés, ils demeurent un peu aléatoires. Fort prisés, ils ne réussissent pas toujours à honorer leurs listes d’attente.

 

Les ombres du Palais

Au pied du Palais des Papes, la nuit sera longue. Le pavé miroite aux lanternes. Le plain-pied, les réflecteurs en pleine face, les badauds éblouis se jouent la comédie du bonimenteur.

 

Puis, dans ces moments qui épuisent le flot des passants, la poésie d’un mime, étoiles à portée de mains. Les ombres ne s’estomperont qu’au petit matin.

 

La parole se donne-t-elle le droit à l’insurrection, à l’instar de son artiste phare Vilar ?



Un article de MonaK

3 commentaires:

  1. tres justement exprimé

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  2. Merci pour ce très beau résumé ! Je le partage avec mes amis...

    Cdt,
    Julien

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  3. à "Annuaire Avignon"

    Merci à vous. Très touchée que cette rapide synthèse de l’événement ait rencontré votre approbation. Il n’est jamais aisé de soulever les points sombres d’une manifestation pérenne et d’une telle envergure.
    J’en profiterai aussi pour remercier tous ceux qui ont accepté de me répondre, pour mener à bien cette analyse, qu’ils fassent partie des participants, des officiants ou du public ; ainsi que les Avignonnais, pour leur accueil, qu’ils appartiennent aux différents staffs de communication, ou qu’ils aient assumé un rôle de guide à titre privé (un salut tout particulier à la Mamie, demeurant dans l’un de ces modestes logis de la vieille ville).
    La qualité d’accueil étant la mieux partagée au cœur des remparts !
    Monak

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