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mardi 14 février 2012

Le palmarès du FIFO 2012


 Entre logique et consensus

C’est dans la soirée du vendredi 10 février que le jury 9ème Festival International du Film documentaire Océanien (FIFO) a rendu son verdict devant les huit cents spectateurs que peut accueillir le Grand Théâtre de la Maison de la Culture.

Le public à l’annonce du palmarès du FIFO 2012
Un palmarès sans surprise, mais qui semble satisfaire tout le monde : jury, compétiteurs et public. Voyons donc cela en détail…

Le prix du meilleur pitch
Initiative intéressante que ce prix qui récompense le projet le plus intéressant par un chèque (ce qui est toujours bon à prendre !) et surtout une médiatisation auprès d’éventuels producteurs et coproducteurs.

Le meilleur pitch à Nunë Luepack et Sylvain Dern pour Imulal
Pour cette édition, ce sont les jeunes Nune Luepack et Sylvain Derne qui se sont vus honorés pour leur projet Imulal soutenu par Sanosi production.

Un documentaire donc que l’on verra peut-être sélectionné par le FIFO dans un an ou deux…

Le prix du public
C’est sans surprise aucune que le public du festival a choisi de récompenser un film mettant à l’honneur l’un des hommes les plus chers au cœur des Polynésiens : Pouvana’a  Te Metua – L’élu du peuple.


Pouvana'a a O'opa de Marie-Hélène Villierme
Sans surprise car le public, polynésien dans son écrasante majorité, ne pouvait que pencher pour une œuvre relatant des événements douloureux encore très frais dans les mémoires. D’autant que la réhabilitation de Pouvana’a a O’opa est à l’ordre du jour, venant s’immiscer jusque dans la campagne des présidentielles, puisque M. Sarkozy se sert de cet argument pour caresser l’électorat polynésien dans le sens du poil.

Pourtant, le film ne nous apprend strictement rien de nouveau, mais son traitement très conventionnel, tant du point de vue de l’image que des commentaires, en fait un excellent outil pour les professeurs d’histoire. De là à en faire une œuvre d’art digne d’un prix dans un festival de l’importance du FIFO, il y a un pas que personnellement je n’aurais pas franchi.

Les trois prix spéciaux du jury
Il fallait bien que la Polynésie française figure au palmarès de ce FIFO, c’est donc le film d’Eliane Koller, Ma Famille adoptée, qui a été choisi.

Il est incontestable que le sujet traité est particulièrement intéressant et qu’il soulève un véritable problème de société en Polynésie. Tout comme il effleure le problème, occidental celui-là, des familles en mal d’enfant.

Ma famille adoptée d’Eliane KOLLER
Hélas, le traitement cinématographique est, là aussi, par trop conventionnel pour véritablement soulever l’enthousiasme. D’autant que les vraies questions sont à peine esquissées et que les émotions des personnes filmées, pour être bien réelles, sont utilisées de manière trop prévisible et mélodramatique pour véritablement toucher le spectateur.

Dans un style totalement différent, Ochre and ink est un film australien de James Bradley qui traite très finement d’un sujet étonnant.

La bande annonce de Ochre and ink
A vingt-trois ans, l’artiste sino-australien Zhou Xiaoping, le sujet du film, a réalisé un parcours artistique plus qu’étonnant et pour le moins controversé. Il est vrai que son travail en partenariat avec les aborigènes a de quoi déranger bien des esprits conservateurs, de quel que bord qu’ils soient. En attendant, le film est remarquable et la réalisation au niveau de l’originalité de l’œuvre (celle de Xiaoping) qu’elle défend et met remarquablement en valeur.

Troisième prix spécial du jury de ce FIFO 2012, The Hungry Tide, de l’Australien Tom Zubrycki traite d’un sujet pour le moins dans l’air du temps : les changements climatiques. Mais surtout la montée des eaux et ses conséquences pour ceux qui y sont déjà confrontés quotidiennement : Les îles Kiribati sont d’ores et déjà condamnées.

La bande annonce de The Hungry Tide
Un sujet poignant, et tout particulièrement pour les insulaires directement menacés à court terme que nous sommes tous dans le Pacifique Sud. Bien des choses sont dites et montrées dans ce film qui devaient l’être. Hélas, une fois encore, la réalisation par trop prévisible et porteuse de trop de clichés n’est pas à la hauteur des ambitions du réalisateur.

Un grand prix du jury incontestable
            La plus haute récompense de ce festival, par contre, ne souffre absolument aucune contestation et fait quasiment l’unanimité autour d’elle. Celle du jury comme celles du public et des professionnels.

Le grand prix du jury pour Natasha Gadd et Rhys Graham
Encore un film australien, me direz-vous, que ce Murundack songs of freedom de Natasha Gadd et Rhys Graham… Et vous aurez raison ! Mais là, que d’émotions, que de magie, que de délicatesse dans le traitement de ce film rare !

D’abord, qui, en dehors des Australiens, connait l’existence de cette exceptionnelle formation musicale aborigène ? Et d’ailleurs, qui connait la réalité de l’histoire, ancienne et contemporaine, des aborigènes d’Australie ?

La bande annonce de Murundack songs of freedom
Deux semaines après avoir vu le film, l’émotion m’étreint au seul fait d’y repenser. J’ai découvert, traitées sans condescendance aucunes, une insoutenable misère alliée à une inconcevable noblesse. D’esprit et de cœur. Bien au-delà du talent incroyable de ces musiciens, chanteurs, auteurs sortis du bush sans autre formation que celle de leurs tribus, il y a la discrétion et l’infini respect qui se dégage de l’intégralité du film.

Ce sont là 82 mn de pur bonheur cinématographique que le public du FIFO a vécues. Surveillez la programmation des chaînes de télévision du réseau France Outre-mer : vous ne le regretterez pas, je vous le garantis.

Un bilan contrasté
            Cette édition 2012 du FIFO, laisse malgré tout un sentiment mitigé.

Si la réussite publique, commerciale et médiatique de cette neuvième édition est incontestable, et l’on ne peut que s’en réjouir, le bilan artistique est lui beaucoup moins évident. Non que la qualité des films soit discutable, mais deux aspects laissent un peu d’amertume et ternissent légèrement ce bilan.

Tout d’abord, on peut être déçu de ne voir, contrairement aux années précédentes, quasiment que des films australiens et néo-zélandais sélectionnés. D’autre part, et je l’avais souligné dans un précédent article, on est en droit de se demander comment des productions française peuvent être sélectionnées dans un festival censé être consacré au cinéma documentaire océanien…

Tous les films en compétition pour le FIFO 2012
            Il n’y aurait donc pas eu un seul film documentaire de qualité produit dans l’ensemble des républiques insulaires du Pacifique Sud cette année, Indonésie et Hawaï comprises que l’on aille chercher deux films français ?

Ceci étant dit, ne boudons pas notre plaisir : le FIFO est l’une des plus belles manifestations culturelles de Polynésie et elle s’améliore d’année en année. Et d’ailleurs, heureusement qu’elle est là pour faire parler de nous autrement que pour des faits de corruptions d’élus…

Alors, à l’année prochaine !


Un article de Julien Gué

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