C’est
dans la soirée du vendredi 10 février que le jury 9ème
Festival International du Film documentaire Océanien (FIFO) a rendu son
verdict devant les huit cents spectateurs que peut accueillir le Grand Théâtre
de la Maison de la Culture.
Le public à l’annonce du palmarès du FIFO 2012 |
Un
palmarès sans surprise, mais qui semble satisfaire tout le monde : jury,
compétiteurs et public. Voyons donc cela en détail…
Le prix du meilleur pitch
Initiative
intéressante que ce prix qui récompense le projet le plus intéressant par un
chèque (ce qui est toujours bon à prendre !) et surtout une médiatisation
auprès d’éventuels producteurs et coproducteurs.
Le meilleur pitch à Nunë Luepack et Sylvain Dern pour Imulal |
Pour cette édition, ce sont les jeunes
Nune Luepack et Sylvain Derne qui se sont vus honorés pour leur projet Imulal
soutenu par Sanosi production.
Un documentaire donc que l’on verra
peut-être sélectionné par le FIFO dans un an ou deux…
Le prix du public
C’est sans
surprise aucune que le public du festival a choisi de récompenser un film
mettant à l’honneur l’un des hommes les plus chers au cœur des
Polynésiens : Pouvana’a Te Metua – L’élu du peuple.
Pouvana'a a O'opa de Marie-Hélène Villierme
Sans
surprise car le public, polynésien dans son écrasante majorité, ne pouvait que
pencher pour une œuvre relatant des événements douloureux encore très frais
dans les mémoires. D’autant que la réhabilitation de Pouvana’a a O’opa est à
l’ordre du jour, venant s’immiscer jusque dans la campagne des présidentielles,
puisque M. Sarkozy se sert de cet argument pour caresser l’électorat polynésien
dans le sens du poil.
Pourtant,
le film ne nous apprend strictement rien de nouveau, mais son traitement très
conventionnel, tant du point de vue de l’image que des commentaires, en fait un
excellent outil pour les professeurs d’histoire. De là à en faire une œuvre
d’art digne d’un prix dans un festival de l’importance du FIFO, il y a un pas
que personnellement je n’aurais pas franchi.
Les trois prix spéciaux du jury
Il
fallait bien que la Polynésie française figure au palmarès de ce FIFO, c’est
donc le film d’Eliane Koller, Ma Famille adoptée,
qui a été choisi.
Il est
incontestable que le sujet traité est particulièrement intéressant et qu’il
soulève un véritable problème de société en Polynésie. Tout comme il effleure
le problème, occidental celui-là, des familles en mal d’enfant.
Ma famille adoptée d’Eliane KOLLER
Hélas, le
traitement cinématographique est, là aussi, par trop conventionnel pour
véritablement soulever l’enthousiasme. D’autant que les vraies questions sont à
peine esquissées et que les émotions des personnes filmées, pour être bien
réelles, sont utilisées de manière trop prévisible et mélodramatique pour
véritablement toucher le spectateur.
Dans un style totalement différent, Ochre
and ink est un film australien de James Bradley qui traite
très finement d’un sujet étonnant.
La bande annonce de Ochre and ink
A
vingt-trois ans, l’artiste sino-australien Zhou Xiaoping, le sujet du film, a
réalisé un parcours artistique plus qu’étonnant et pour le moins controversé.
Il est vrai que son travail en partenariat avec les aborigènes a de quoi
déranger bien des esprits conservateurs, de quel que bord qu’ils soient. En
attendant, le film est remarquable et la réalisation au niveau de l’originalité
de l’œuvre (celle de Xiaoping) qu’elle défend et met remarquablement en valeur.
Troisième
prix spécial du jury de ce FIFO 2012, The Hungry
Tide, de l’Australien Tom Zubrycki traite d’un sujet
pour le moins dans l’air du temps : les changements climatiques. Mais
surtout la montée des eaux et ses conséquences pour ceux qui y sont déjà
confrontés quotidiennement : Les îles Kiribati sont d’ores et déjà
condamnées.
La bande annonce de The Hungry Tide
Un
sujet poignant, et tout particulièrement pour les insulaires directement
menacés à court terme que nous sommes tous dans le Pacifique Sud. Bien des
choses sont dites et montrées dans ce film qui devaient l’être. Hélas, une fois
encore, la réalisation par trop prévisible et porteuse de trop de clichés n’est
pas à la hauteur des ambitions du réalisateur.
Un grand prix du jury incontestable
La plus haute récompense de ce
festival, par contre, ne souffre absolument aucune contestation et fait
quasiment l’unanimité autour d’elle. Celle du jury comme celles du public et
des professionnels.
Le grand prix du jury pour Natasha Gadd et Rhys Graham |
Encore un film
australien, me direz-vous, que ce Murundack
songs of freedom de Natasha Gadd et Rhys Graham… Et vous aurez raison !
Mais là, que d’émotions, que de magie, que de délicatesse dans le traitement de
ce film rare !
D’abord, qui, en
dehors des Australiens, connait l’existence de cette exceptionnelle formation
musicale aborigène ? Et d’ailleurs, qui connait la réalité de l’histoire,
ancienne et contemporaine, des aborigènes d’Australie ?
La bande annonce de Murundack songs of freedom
Deux
semaines après avoir vu le film, l’émotion m’étreint au seul fait d’y repenser.
J’ai découvert, traitées sans condescendance aucunes, une insoutenable misère
alliée à une inconcevable noblesse. D’esprit et de cœur. Bien au-delà du talent
incroyable de ces musiciens, chanteurs, auteurs sortis du bush sans autre
formation que celle de leurs tribus, il y a la discrétion et l’infini respect
qui se dégage de l’intégralité du film.
Ce
sont là 82 mn de pur bonheur cinématographique que le public du FIFO a vécues.
Surveillez la programmation des chaînes de télévision du réseau France Outre-mer :
vous ne le regretterez pas, je vous le garantis.
Un bilan contrasté
Cette édition 2012 du FIFO, laisse
malgré tout un sentiment mitigé.
Si
la réussite publique, commerciale et médiatique de cette neuvième édition est
incontestable, et l’on ne peut que s’en réjouir, le bilan artistique est lui
beaucoup moins évident. Non que la qualité des films soit discutable, mais deux
aspects laissent un peu d’amertume et ternissent légèrement ce bilan.
Tout
d’abord, on peut être déçu de ne voir, contrairement aux années précédentes, quasiment
que des films australiens et néo-zélandais sélectionnés. D’autre part, et je l’avais souligné dans un
précédent article, on est en droit de se demander comment des productions
française peuvent être sélectionnées dans un festival censé être consacré au
cinéma documentaire océanien…
Tous les films en compétition pour le FIFO 2012
Il n’y aurait donc pas eu un seul
film documentaire de qualité produit dans l’ensemble des républiques insulaires
du Pacifique Sud cette année, Indonésie et Hawaï comprises que l’on aille
chercher deux films français ?
Ceci
étant dit, ne boudons pas notre plaisir : le FIFO est l’une des plus
belles manifestations culturelles de Polynésie et elle s’améliore d’année en
année. Et d’ailleurs, heureusement qu’elle est là pour faire parler de nous
autrement que pour des faits de corruptions d’élus…
Alors,
à l’année prochaine !
Un article de Julien Gué
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