Les "In LOVE" de Roti Make
Un vernissage, en milieu mā'ohi - ou culture spécifique de la population originaire de Polynésie -, commence toujours par une cérémonie d’accueil : où l’un des invités du public vous souhaite la bienvenue, en réponse au cadeau que vous leur offrez - soit l’exposition que vous venez d’accrocher - et que vous ouvrez à Fenua Galeries, pour une petite semaine, février de cette année 2023.
La surprise initiale s’appelle Moana (guide touristique) accompagnée par 2 des membres de son Association TE ARU, Tagitea et Toai - en formation Culture & Patrimoine -. Ils interprètent leur création orale et musicale, destinée à Roti Make : le orero du bonheur.
Le orero du bonheur
Atours végétaux, pū et guitare, ils nous convient à nous unir à leurs souhaits et offrent à l’artiste plasticienne - Roti Make - un plant de ti'a'iri (bancoulier) ... C’est que, pour renouer avec la coutume ancestrale de la bienvenue et s’adapter aux pratiques culturelles du 21ème siècle, les expo débutent par une adresse à l’artiste exposant.
Les "IN LOVE", je vous dis...
Au cours de son élaboration, l’exposition a pris un tournant définitif au nouvel an 2023 où elle a entamé et bouclé sa dernière série, pour se conclure sur un coup d’éclat et lui donner son titre "IN LOVE"... Après avoir épuisé ces derniers mois, un type de figures aux faces striés et surlignées de ridules qui a fait le bonheur de Naty’Art à la Presqu’île en 2022, Roti Make se lance véritablement dans l’épure. Simplifiant au maximum, elle s’en tient à un minimum de traits et joue le symbolisme.
Car elle est spéciale sa dernière série : lisible dans les 2 sens sur le même tableau, elle se compose de 2 profils en vis-à-vis qui s’imbriquent et fusionnent en un seul faciès. Le jeu des profils/faces n’est pas une innovation dans le style de l’artiste. Déjà a-t-elle joué de ces combinaisons qui privilégient les points de vue doubles et en associent les angles.
La série "IN LOVE" |
Une série qui, flirtant avec l’abstraction, en déroute certains. Si l’art traditionnel polynésien est parcouru de signes, le figuratif semble actuellement remporter les suffrages dans l’approche du public. Consent-il parfois à s’éprendre pour une forme de stylisation qui le dépayse, mais préfère-t-il souvent grappiller dans les ressemblances où chacun peut se reconnaître.
Un éphémère qui s’éternise
N’allez surtout pas croire qu’une galerie plein centre de Papeete, même si elle se nomme "éphémère", puisse rester vide et déserte. À Tahiti, la devanture colorée attire et brasse les curieux de tous horizons. Mais ce fait est négligeable, comparé à l’aura de Roti Make.
Car l’artiste propose de partager son espace occasionnel à qui veut l’habiter et en user. Parmi les connaissances et amitiés de la plasticienne, le livre de Christian Pinson et Eric Noble sur les Marquises. Déjà, consacre-t-elle son temps de présence à la galerie pour nous introduire dans le monde multiple de ses créations. Quelques-unes de ses anciennes toiles figurent à côté des nouvelles.
Au gré de la création |
Si nous déplorons l’absence de document imprimé ou interactif sur le parcours artistique de la plasticienne, pouvons nous le retrouver en partie sur la page facebook Exposition ROTI MAKE, et en retrouver quelques traces parmi les œuvres exposées. En effet, l’artiste a développé, à partir de sa propension initiale de portraitiste fidèle qui l’a lancée, une manière qui lui est propre. En privilégiant telle facette de la personnalité et en se l’appropriant autrement, elle lui confère une dimension universelle, la cautionnant d’un contexte tiré des légendes anciennes, du patrimoine sans cesse ravivé, des scènes de la vie quotidienne et de la spiritualité ambiante.
C’est en modelant les différentes empreintes d’une expression, d’une attitude, leur façon de se couler, d’imprégner chaque trait ou chaque angle corporel, en les découpant, en les individualisant que l’artiste a fait évoluer son style : passant du réalisme de base à un monde où l’onirisme intervient puis fait place à un expressionnisme, plutôt original et décalé.
Roti Make, tout en maintenant sa relation à l’autre, son acuité au regard qui interpelle, explore les chemins inconnus de son imaginaire, dans une persistance et une permanence où la communication est reine.
Une famille est née
Une exposition, de l’avis de Roti Make, c’est l’occasion de resserrer les liens de convivialité qui se sont établis depuis ses débuts avec un public qui l’apprécie et revient pour de nouvelles acquisitions. C’est aussi l’opportunité d’ouvrir son univers aux inconnus, anonymes et jeunes générations. L’éventualité aussi de se faire connaître autrement et d’y partager d’autres talents.
Si la peinture, le stylisme, le graphisme adapté à un support font essentiellement partie de son mode majeur d’expression, Roti Make y joint actuellement celui de l’image vivante sur vidéo : l’alimentant de propos mêlés de poésie et d’humour. Car depuis la création de sa radio (dans les années 2000), Roti Make est dotée d’une facilité d’élocution qui l’entraîne actuellement dans des sketchs où elle met en scène les matahiapo : elle en a l’âge et ne s’en prive pas avec les "Mamitasses", dont elle montrera de courts épisodes en cours d’élaboration sur le vif au public du mercredi après-midi. C’est que l'artiste sait allier barbouille et gribouille...
Des animations artistiques touche-à-tout
Le jeudi de sa semaine d’expo, s’improvisera une soirée happy hour sur les chansons de Pito Maori o Havaii, les impros de Sophie au violoncelle et les impromptus de Monak. Belle aubaine pour présenter à l'auditoire les participants de l'improviste, introduire des lignées inconnues dispatchées dans le monde entier... et se constituer une nouvelle famille. Elle aurait pour nom "Nati Au Mau" - soit la tribu du Vrai Amour - et se chercherait des espaces d’évolution pour un projet collectif. De la continuité dans les idées et le parcours vagabond de Roti Make, dans la lignée de ses "IN LOVE" !
L’art, ne se suffit pas de la création solitaire, primordiale pour faire le 1er pas dans le domaine : il se nourrit et accorde beaucoup d’échanges et de partages. Ce que démontre très bien Roti Make.
Un article de Monak
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