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jeudi 18 février 2021

en Compétition 18èFIFO

L'écriture de tous les destins

 

       Langage, communication ! Le cinéma a son langage : celui de l’image ; l’alphabet de ces signes ou de ces sens audiovisuels. Une écriture que capture la caméra et que restitue l’écran.  De quoi parle-t-on dans les films en compétition du 18ème FIFO ?

 

        Depuis sa création (2004) le FIFO a pressenti le rôle que pouvait jouer le film documentaire océanien : espace d’expression, vitrine d’exposition, il est aussi une tribune. Mais il ne s’en contente pas. Sa fonction ? conscientiser et engager le spectateur et le monde sur les réalités et les problèmes qui incombent, déséquilibrent et noyautent nos sociétés.

          Les évidences, la réalité océanienne, elles sont forcément identitaires. Qui mieux que soi pour parler de soi ! Que s’opère ce renversement du regard de l’Autre : passer enfin à l’ère de la culture qui éradique définitivement la doctrine de l’assimilation (qui se trouve loin d’être égalitaire !), comme la notion de civilisation dans les territoires anciennement ou encore colonisés.


                                    L’écriture de la Terre

Les pages d’histoire du 18èFIFO, rétrospectives ou contemporaines, avèrent parfois très crûment que « l’assimilation, ça signifie l’aliénation, le refus de soi-même », dixit Césaire que j’approuve. Rappelons : Eden Tribal (NK), Roch Pidjot, le souffle de la dignité (NK), The skin of others (AUS), et dans les Films hors compétition :  4 Nov 2018 – Le temps de l’identité (NK), Gambier, le crépuscule des idoles (PF), La route des Arts et enfin Tahiti, l’invention du Paradis (FR).

 

écrire au FIFO

Ou en d’autres termes : Quelle culture ? Citons à nouveau Aimé Césaire, puisque le FIFAC a ouvert cette 18ème session : « à tort ou à raison, j’ai toujours pensé que l’arme pour nous - on n’y croyait pas suffisamment -, c’est la culture. On opposait alors civilisation à sauvagerie.

Mais les ethnologues et l’expérience nous ont appris qu’il y a la culture. Je définis la culture ainsi : c’est tout ce que les hommes ont imaginé pour façonner le monde, pour s’accommoder du monde et pour le rendre digne de l’homme. »

                                                    L’identité culturelle n'est pas vénale

Et pour conclure : « Il faut relire le Discours sur le colonialisme [6] — nous sommes en 1955 — et sa dénonciation de la société occidentale, européenne et américaine, son ethnocentrisme, son idéologie « chrétienne » mystifiante, son « humanisme formel et froid » dans lesquels, dit Césaire, « la perte de l’Europe elle-même est inscrite » si elle n’y prend garde. » (Albert Gauvin)

        Ce qui présuppose une coopération évidente entre bailleurs de fond et réalisateurs qui peut s’avérer contradictoire : quand les demandes de subventions à la création soulèvent l’épineux dilemme de ne pas heurter la politique de l’état bailleur. À condition de ne pas se trouver en butte à la censure. Tel est le dilemme auquel se trouve confronté le film d’impact !

 

                                                  Makatea : les blessures de la terre

Il est des tatouages qui blessent : la terre s’en souvient et peine à cicatriser ses injures : Makatea,terre convoitée ne peut en boucher tous les trous. Il est des pages que l’histoire n’aurait pas voulu tourner : soit qu’elle n’a pas fini de s’accomplir comme pour Roch Pidjot, le souffle de la dignité ; soit qu’elle s’inscrive autrement Loimata, Shot Bro.

 

écrire ou réécrire l'histoire

Il est des pages que l’histoire a souillées : et la honte résonne encore sur les générations sacrifiées. The skin of Others. Qui sont “ces autres” que la pudeur ne peut nommer. « cet autre soi-même, devenu étranger à soi». Ces autres humains auxquels ne sont accordées que des droits civiques tronqués.

          Comment l’histoire a-t-elle pu autoriser de telles abjections ? confiner les autochtones comme des animaux dans des concessions, les occulter comme le dénonce Roch Pidjot en 1945 ! à l’ère technologique, de la thermodynamique, des recherches spatiales, de tant de progrès…

 

                                                                " Deux couleurs, un seul peuple " 

          Comment a-t-on osé s’appuyer sur la théorie aberrante de l’infériorité des ethnies locales, du code de l’indigénat qui reproduit de fait le système de l’esclavage antique : où des privilégiés exploitent le travail d’esclaves qui n’ont pour tout salaire que l’aléa de survivre à la fosse aux lions des arènes officielles !

          Roch Pidjot assume, à la tête de l’UICALO (Union des Indigènes Calédoniens Amis de la Liberté dans l’Ordre) puis député (1964 à 86), malgré la surdité et les humiliations de la métropole, un rôle d’intégrité  en vue de la réappropriation d’un patrimoine en partie confisqué : dont le festival Mélanésie 2000 (en 1975) pourrait en être le symbole.

 

l'écriture de la vie 

Il est des parcours de vie que le suicide stoppe  brutalement. Jess Feast, la réalisatrice des fééries aquatiques de Mana Moana3, amorce Shot Bro (NZ) par une noyade sur fond d’incantations. Prenant le relais du one-man show de Rob Makaraka, elle nous alerte sur ce fléau qui ravage massivement les pays d’Océanie. Un taux impressionnant qui touche la minorité māori de Nouvelle-Zélande. La Polynésie française n’est pas épargnée.

Étonnant, - ce qui en fait sa force poignante -, le documentaire s’appuie sur deux fils conducteurs : il suit la tournée théâtrale de l’acteur, son investissement, la charge émotionnelle qui s’en dégage, les ressorts qui créent le contact direct ; d’autre part, il va investiguer les déclencheurs du suicide, les traumatismes refoulés, à travers le témoignage de Rob Makaraka, mais aussi dans les rencontres avec les publics vulnérables auxquels son spectacle est destiné : groupes de parole, Associations de prévention, centres de détention. 

 

                                                                  Le combat pour la vie   

            C’est que Rob Makaraka, survivant d’une tentative qui a défrayé la chronique en 2009, tente avec son spectacle de provoquer un dialogue interactif, de reconnecter, d’écouter ceux que le silence enferme dans la spirale du suicide. « Drôle, sombre, réaliste » sa pièce ; sincère, il se livre. Le retour est chaleureux.

 

l'écriture de soi

Il est des pages vierges où s’accomplir résonne à l’écho des voix de la communauté. Où l’espace de le faire est si proche qu’il vous entoure. Gerard Elmore vous convie à en découvrir le rituel avec Ka Huaka’i : The Journey to Merrie Monarch. C’est aussi l’histoire de la restructuration de la Troupe qui vous est contée, celle d’un idéal.

Limité à Hawaï, pour qu’il garde son authenticité, le hula ancien, marque de la troupe, varie selon la lignée familiale : ici, la transmission est féminine. Gestuelle, pas, déhanchement, chants et interprétation rigoureusement codés racontent une histoire destinée à informer, passer un message ou s’entretenir avec les dieux. Seuls pahu et pūʻili les cadencent. Disparu sous la pression religieuse, illégal même, il revient en force à partir de 1874. Monarch ? car il est dédié au roi qui le réinstaura.

 

                                                                Un voyage transcendantal

        Que cherchent Tatie Launa et les danseurs aguerris ? au-delà de la technique, le dépassement, une fusion mystique, un voyage transcendantal.

         De plus en plus impacté et impactant, le film documentaire océanien soulève de plus en plus de problèmes de fond. Son propos se durcit et ménage de moins en moins d’instances. Belle évolution que ce 18èFIFO ! 

 

Un article de  Monak

 

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À voir absolument : Shot Bro  https://storybox.co.nz/project/shot-bro/

 

 

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