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jeudi 23 janvier 2020

FIFO 2020


Le  17ème  FIFO  au  taquet* 


Les écrans du Festival International du Film-documentaire Océanien, à près d’une semaine de son ouverture, se porte bien. La Maison de la Culture de Tahiti, Te Fare Tauhiti Nui, est en pleine effervescence et s’apprête à accueillir le Village du FIFO du 1er au 9 février 2020.

          Pour sa 17ème édition, la programmation fait fort avec 13 films en compétition, 25 films hors-compétition, dont  la section des Écrans océaniens. Elle s’étoffe de la section Fenêtre sur courts avec 9 mini-docs et de la 11ème Nuit de la Fiction avec 12 mini-fictions océaniennes. Elle se clôt par la soirée Avant-première du FIFO, soit  2 fictions des enfants du pays : L’Oiseau de Paradis de Paul Manate… et Vaiora de la lauréate du 4ème Marathon d’écriture (2019) Itia Prillard, coréalisé avec Emmanuel Jean.

Tour d’horizon 17ème FIFO, Tahiti
        Une grosse semaine donc, pour vous immerger visuellement dans ce vaste continent insulaire étalé sur le Pacifique sud. Mais aussi pour y rencontrer les réalisateurs, vous ouvrir aux personnalités venues d’ailleurs dont : le Président du Jury, le français Éric Barbier, par le biais de son dernier film Petit Pays et le co-scénariste Gaël Faye, nous plongeant dans l’horreur du génocide rwandais. Plus de trois continents viennent échanger en Polynésie française.

Mais le FIFO n’est pas qu’une rétrospective ou un panorama, il s’inscrit dans le présent et le futur du cinéma d’Océanie avec des colloques, des Ateliers ouverts et encadrés par les professionnels tahitiens de l’audiovisuel (ATPA) et l’Association polynésienne des Techniciens de l’Audiovisuel et du Cinéma (APTAC).

Une sélection bouleversante

         Si vous suivez l’ordre du programme des 13 films en compétition, force est de constater que les 7 premiers ne baignent pas dans l’optimisme. Ils dressent un portrait bouleversant de l’Océanie qui n’est pas sans rappeler la situation mondiale aux relents dévastateurs. Et s’ils sont marqués géographiquement, ils traitent de sujets généraux qui tournent autour de l’engagement politique et des droits basiques qui concernent tout humain : la guerre (films 1, 5, 6, 7 & 9), la liberté dans le contexte colonial français, la survie (2) et l’impérialisme de certaines grandes puissances, la violence conjugale (3), la fin de la vie (4), la ségrégation des minorités (5, 8 & 12). La mort, la mort sous toutes ses formes, toujours elle…

            En fait, bien des sujets qui fâchent et dont la résolution passée n’en achève pas moins leur actualité. À l’autre bout de la guerre (1- les EFO) ouvre le dossier de la 2nde Guerre mondiale et montre des îles lointaines engagées pleinement dans un processus de résistance que pourrait envier une Métropole, assujettie à l’idéologie pétainiste.  Un dossier historique pas très glorieux ! Blue Boat (2) dénonce le piratage des eaux territoriales de Nouvelle-Calédonie par des flottilles qui n’étant plus maîtresses de leur propre ZEE, sont contraintes de rapiner ailleurs pour survivre. Bombardées (3-NC) montre la chaîne ininterrompue des traumatismes indélébiles qui affectent mères et enfants, suite aux sévices perpétrés  par les maris. From Music into Silence (4-Aust) nous confronte à nos heures dernières, car sans nul doute, nous nous y projetons.

Merata, femme, mère et cinéaste d’exception
          In My blood It Runs (5)  reprend de l’intérieur, au niveau du parcours d’un enfant de 10 ans, cette commotion de l’Aborigène qui, exclu de son propre pays par une éducation officielle qui ne prend pas en compte sa particularité culturelle, est en échec scolaire, fugue, se révolte. Pourra-t-il s’en guérir ?  Vapnierka (6-NZ), encore une séquelle des conflits mondiaux, relate l’assassinat d’un conscrit disparu sans laisser de traces sur les champs de bataille européens. Lost Rambos (7) nous dresse le bilan des guerres intestines en Papouasie Nouvelle Guinée : désolation et anéantissement.

Une pointe d'espoir ?

          Si la précédente session insistait sur les menaces environnementales, il semble que la 17ème édition se concentre majoritairement sur les dangers intrinsèquement humains, qu’ils soient individuels ou collectifs, comme nous venons de le voir. En contrepartie, les films suivants de la sélection induisent à une reconstruction identitaire : que le combat soit âpre, dans cette partie du monde issue  de colonisations diverses, qu’il s’agisse d’une reviviscence des valeurs traditionnelles.

        Mère et Māori, rien n’est simple pour une femme cinéaste en N-Z ; mais ses enfants la soutiennent et l’approuvent malgré les dommages que leur a fait subir la société, dans Merata : How Mum Decolonized The Screen (8). Après le conflit meurtrier qui a secoué la région de Bougainville (Salomon) Ophir (9) s’interroge sur la difficile alliance entre culture autochtone et exploitation minière étrangère. Ruahine : Stories in Her Skin (10) relate in extenso la rappropriation par les Femmes māori (N-Z) du tatouage ancestral qui les distingue.

Quand le racisme est un sport national australien…
        Dans la même atmosphère festive, Rurutu, terre de ‘umuai (11), fait perdurer les mariages collectifs coutumiers dans l’archipel des Australes. À l’inverse, The Australian Dream (12) montre la problématique cohabitation, entre le public raciste des stades et les joueurs aborigènes de footy (12). Eating Up Easter (13) à Rapa Nui n‘est pas sans évoquer le difficile équilibre entre manne touristique facile, développement durable et promotion de la culture autochtone.

La couleur, la douleur humaines...

        Même si les films de la compétition sont de niveaux très variables, que certains pèchent par leur manque de structure, ou leur approximation formelle… tous convergent vers cette réhabilitation de la valeur et de la dignité humaines.

       Et ce n’est certainement pas par manque d’attention, de générosité, de solidarité, d’empathie que le FIFO accueille à son bord, ces drames des individus ou des peuples d’Océanie. Il fera couler bien des larmes.

Traumatisés à vie par la violence maritale…
       L’image, le vécu, l’injustice, l’horreur, s’invitent sur les écrans... et d’autant plus cruellement qu’aucune situation ne semble se résoudre... que l’humiliation des peuples ne cesse de s’ancrer dans l’actualité, que la régression politique, sociale ou psychique prend ses quartiers dans le monde d’aujourd’hui. Ne flottent encore, à travers ces témoignages, par le biais des réalisateurs, que ces petites lueurs d’espoir, inscrites sur la route de ces navigateurs aux étoiles... Souhaitons que le docu FIFO puisse impacter sur la situation globale des pays de l’Océanie…


Un article de  Monak et Julien Gué

*Pour reprendre et compléter la métaphore marine de la « pirogue du FIFO », développée dans son édito par la présidente de l’AFIFO, Miriama Bono.

Tous droits réservés à Monak et Julien Gué. Demandez l’autorisation de l’auteure avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.




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