Le 17ème FIFO au taquet*
Les
écrans du Festival International du Film-documentaire Océanien, à près d’une
semaine de son ouverture, se porte bien. La
Maison de la Culture de Tahiti, Te Fare Tauhiti
Nui, est en pleine effervescence et s’apprête à accueillir le Village du FIFO
du 1er au 9 février 2020.
Pour sa 17ème
édition, la programmation fait fort avec 13 films en compétition, 25 films hors-compétition, dont la
section des Écrans océaniens. Elle s’étoffe de la section Fenêtre
sur courts avec 9 mini-docs et de
la 11ème Nuit de la Fiction avec 12 mini-fictions océaniennes. Elle se clôt par la soirée
Avant-première du FIFO, soit 2 fictions
des enfants du pays : L’Oiseau de Paradis de Paul Manate… et Vaiora de la lauréate du 4ème Marathon
d’écriture (2019) Itia Prillard, coréalisé avec Emmanuel Jean.
Tour d’horizon 17ème FIFO, Tahiti
Une grosse semaine donc,
pour vous immerger visuellement dans ce vaste continent insulaire étalé sur le
Pacifique sud. Mais aussi pour y rencontrer les réalisateurs, vous ouvrir aux
personnalités venues d’ailleurs dont : le Président du Jury, le français Éric Barbier, par le biais de son dernier
film Petit
Pays et le co-scénariste Gaël Faye,
nous plongeant dans l’horreur du génocide rwandais. Plus de trois continents
viennent échanger en Polynésie française.
Mais le FIFO n’est pas qu’une rétrospective ou un panorama, il
s’inscrit dans le présent et le futur du cinéma d’Océanie avec des colloques,
des Ateliers ouverts et encadrés par les professionnels tahitiens de
l’audiovisuel (ATPA) et l’Association polynésienne des Techniciens de
l’Audiovisuel et du Cinéma (APTAC).
Une sélection bouleversante
Si vous suivez
l’ordre du programme des 13 films en compétition, force est de constater que
les 7 premiers ne baignent pas dans l’optimisme. Ils dressent un portrait
bouleversant de l’Océanie qui n’est pas sans rappeler la situation mondiale aux
relents dévastateurs. Et s’ils sont marqués géographiquement, ils traitent de
sujets généraux qui tournent autour de l’engagement politique et des droits
basiques qui concernent tout humain : la guerre (films 1, 5, 6, 7 &
9), la liberté dans le contexte colonial français, la survie (2) et
l’impérialisme de certaines grandes puissances, la violence conjugale (3), la
fin de la vie (4), la ségrégation des minorités (5, 8 & 12). La mort, la
mort sous toutes ses formes, toujours elle…
En fait, bien
des sujets qui fâchent et dont la résolution passée n’en achève pas moins leur
actualité. À l’autre bout de la
guerre (1- les EFO) ouvre le
dossier de la 2nde Guerre mondiale et montre des îles lointaines
engagées pleinement dans un processus de résistance que pourrait envier une
Métropole, assujettie à l’idéologie pétainiste. Un dossier historique pas très glorieux ! Blue Boat (2) dénonce le piratage des eaux territoriales de
Nouvelle-Calédonie par des flottilles qui n’étant plus maîtresses de leur
propre ZEE, sont contraintes de rapiner ailleurs pour survivre. Bombardées (3-NC) montre la chaîne ininterrompue des
traumatismes indélébiles qui affectent mères et enfants, suite aux sévices
perpétrés par les maris. From
Music into Silence (4-Aust) nous
confronte à nos heures dernières, car sans nul doute, nous nous y projetons.
Merata, femme, mère et cinéaste d’exception
In My blood It Runs (5)
reprend de l’intérieur, au niveau du parcours d’un enfant de 10 ans,
cette commotion de l’Aborigène qui, exclu de son propre pays par une éducation
officielle qui ne prend pas en compte sa particularité culturelle, est en échec
scolaire, fugue, se révolte. Pourra-t-il s’en guérir ? Vapnierka (6-NZ), encore une séquelle des conflits mondiaux, relate l’assassinat
d’un conscrit disparu sans laisser de traces sur les champs de bataille
européens. Lost Rambos (7) nous dresse
le bilan des guerres intestines en Papouasie Nouvelle Guinée : désolation
et anéantissement.
Une pointe d'espoir ?
Si la précédente
session insistait sur les menaces environnementales, il semble que la 17ème
édition se concentre majoritairement sur les dangers intrinsèquement humains,
qu’ils soient individuels ou collectifs, comme nous venons de le voir. En
contrepartie, les films suivants de la sélection induisent à une reconstruction
identitaire : que le combat soit âpre, dans cette partie du monde issue de colonisations diverses, qu’il s’agisse
d’une reviviscence des valeurs traditionnelles.
Mère et Māori,
rien n’est simple pour une femme cinéaste en N-Z ; mais ses enfants la
soutiennent et l’approuvent malgré les dommages que leur a fait subir la
société, dans Merata : How Mum Decolonized The Screen (8). Après le conflit meurtrier qui a secoué la
région de Bougainville (Salomon) Ophir (9) s’interroge sur la difficile alliance entre culture autochtone et
exploitation minière étrangère. Ruahine : Stories in Her Skin (10) relate in extenso la rappropriation par les
Femmes māori (N-Z) du tatouage ancestral qui les distingue.
Quand le racisme est un sport national australien…
Dans la même
atmosphère festive, Rurutu, terre de ‘umuai (11), fait perdurer les mariages collectifs
coutumiers dans l’archipel des Australes. À l’inverse, The Australian Dream (12) montre la problématique cohabitation, entre
le public raciste des stades et les joueurs aborigènes de footy (12). Eating Up
Easter (13) à Rapa Nui n‘est pas
sans évoquer le difficile équilibre entre manne touristique facile,
développement durable et promotion de la culture autochtone.
La couleur, la douleur humaines...
Même si les
films de la compétition sont de niveaux très variables, que certains pèchent
par leur manque de structure, ou leur approximation formelle… tous convergent
vers cette réhabilitation de la valeur et de la dignité humaines.
Et ce n’est
certainement pas par manque d’attention, de générosité, de solidarité,
d’empathie que le FIFO accueille à son bord, ces drames des individus ou des
peuples d’Océanie. Il fera couler bien des larmes.
Traumatisés à vie par la violence maritale…
L’image, le
vécu, l’injustice, l’horreur, s’invitent sur les écrans... et d’autant plus
cruellement qu’aucune situation ne semble se résoudre... que l’humiliation des
peuples ne cesse de s’ancrer dans l’actualité, que la régression politique,
sociale ou psychique prend ses quartiers dans le monde d’aujourd’hui. Ne
flottent encore, à travers ces témoignages, par le biais des réalisateurs, que
ces petites lueurs d’espoir, inscrites sur la route de ces navigateurs aux
étoiles... Souhaitons que le docu FIFO puisse impacter sur la situation globale
des pays de l’Océanie…
Un article de Monak et Julien Gué
*Pour reprendre et compléter la métaphore marine de la « pirogue du
FIFO », développée dans son édito par la présidente de l’AFIFO, Miriama
Bono.
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