Ce 6 décembre 2019 est une grande date pour Julien Gué. Elle
conclut presque 20 ans de résidence en Polynésie française et deux ans de
"parcours du combattant de la plume" avec la publication de son livre
aux éditions l’Harmattan : "De
la mer aux Hommes : Manifeste pour Tahiti et ses
îles".
Un titre significatif pour un peuple
méconnu, disséminé dans la vastitude du Pacifique. Métropolitain né au Sénégal,
élevé au Maroc, l’auteur est familier de ces communautés minuscules adossées à l’infini des zones désertiques. Du
sable à l’eau, juste un pas à franchir. Et qu’y découvre-t-on ? Les
héritiers d’une culture, ô combien riche et étonnante, à l’origine d’une
science et d’une pratique de la navigation aux étoiles, du surf et du tatouage
tant prisés de nos contemporains.
Quel impact sur notre façon de
voir ? Un total dépaysement dû à leur hospitalité et leur solidarité
inénarrable. La fusion entre la couleur et
la nature, le sens de l’intériorité et d’un temps déjà consigné derrière
l’insondable du sourire. L’énigme du silence. Le mutisme d’une culture qui
peine à reconstruire les valeurs piétinées par l’évangélisation
et la colonisation.
Que reste-t-il d’eux, de leur grandeur et de leur dignité ? Quel baume
appliquer sur les blessures, les traumatismes du nucléaire ? Quel espoir
de survie face aux conséquences d’un bouleversement sociétal qui a détruit leur
fondement originel ?
Le dessous des cartes...
Bien des voies
peuvent s’envisager pour appréhender un pays, son peuple et sa culture. Cette
contrée ultramarine, aux antipodes de l’Hexagone, est étrangement occultée à
ses concitoyens. Aborder un territoire insulaire par la voie maritime n’est pas
afféterie d’auteur mais une démarche élémentaire. La réalité insulaire se vit
les pieds dans l’eau. Une évidence nommée Pacifique, alizés, récif et lagon qui
engendre bien des comportements coutumiers !
C’est aussi,
à travers l’histoire, suivre le sillage des lointains ancêtres autochtones mā'ohi
qui ont apprivoisé et peuplé ces terres encore vierges, leur fenua
(Mère-patrie), depuis près d’un millénaire. Un moyen de faire le point en
revisitant les idées reçues, les pratiques acculturantes que lui ont enjointes
les découvreurs occidentaux, navigateurs et colonisateurs de surcroît.
Ce n’est pas
sans rappeler un certain Diderot tentant, dans son "Supplément
au voyage de Bougainville"
(1772), de renverser l’image dévoyée de la "Nouvelle Cythère" et des
"Otaïtiens", concept instauré par Bougainville dans son récit "Voyage
autour du monde" (1769). La
Polynésie française ne parvient pas à se débarrasser de ce cliché qui colle à
la peau des vahine et à leurs îles.
Sauf que ces
pages et ces photos sont la résultante d’un constant dialogue avec les
habitants, leurs chroniqueurs, l’apprentissage de leur cadre de vie et de leur
environnement. Une somme de ressentis et de sensations au quotidien.
Du constat... au manifeste
Ce n’est pas
le seul point de vue original que propose le livre de Julien Gué. L’actualité,
certaines explosions politiques ou nucléaires, certaine dérive effarante jailli
d’un isolement trop palpable, parfois insoutenable, certains phénomènes
sociétaux, secouent l’emblème bourré d’exotisme bon marché dont ces archipels
océaniens sont saturés. D’autres
éclairages, parfois inattendus, parfois saisissants de beauté, émaillent ce
rapide panorama des îles. Car si la menace de submersion ou d’engorgements
polluants se profile, le cadre reste attractif et enchanteur. Et si Julien Gué
fait œuvre de journaliste, ce n’est pas seulement perception de voyageur qu’il
communique au lecteur, mais son attachement, les sentiments partagés avec une
communauté qui l’a résolument intégré.
Notamment cette disposition à la neurasthénie des
Polynésiens concrétisée par le terme "fiu", acquis par la langue
française en 2017, et qui signifie en tahitien originel :
"repu", "désabusé" et bien d’autres vagues à l’âme… Nous
sommes loin de l’Eden annoncé ! Et Julien Gué en témoigne au travers de
pages bien sombres. Et la grille de lecture qu’il propose se coule à loisir
dans les circonvolutions d’une mentalité et d’une philosophie de la vie bien
étonnantes.
Sur le ton du conteur, l’auteur
vous invite de façon alerte à vous plonger au hasard des pages d’un livre de
bord, frétillant et coloré comme les poissons du lagon.
Un article de Monak
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l’autorisation de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou
des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.
* Fenua : (en
tahitien) île, pays, territoire ; terre, séjour des hommes ; terre,
domaine, propriété.
** Les photos de Julien Gué qui ont échappé à l’édition…
** Les photos de Julien Gué qui ont échappé à l’édition…
Pour vous procurer le livre
de Julien Gué, outre les bonnes librairies, le site des éditions
L’Harmattan : "De
la mer aux Hommes : Manifeste pour Tahiti et ses îles"
Et si le cœur vous en dit, n’hésitez pas à partager vos impressions sur
la page Facebook "De la mer aux hommes"…
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