Un film pas comme les autres…
“Nous, Tikopia”,
sélectionné dans la catégorie Hors-compétition avait choisi le FIFO pour
sa sortie en 1ère mondiale, tout comme le film samoan “Leitis
in Waiting”. S’étant immergé pendant 9 mois dans cette île polynésienne de
l’archipel des Salomon, le réalisateur Corto Fajal se faisait une fête de
côtoyer les autres mondes océaniens.
Coutumier
du tournage au long cours, comme pour Jon face au vent (2011), il s’en
explique : « Faire des films est un moyen de vivre des expériences
extraordinaires : c’est la raison pour laquelle je préfère prendre mon temps et
vivre pleinement l’aventure de chacun de mes films ».
Tikopia, cette grande dame qui nous parle… |
Mais ce n’est pas pour jouer les
prolongations que Nous, Tikopia dure 101 minutes, c’est-à-dire presque
deux fois plus que le 52-minutes imposé par les Télévisions. Raison pour
laquelle il ne pouvait figurer dans la Compétition FIFO. Ainsi que le souligne Guillaume
Soulez, professeur et chercheur à l’Ircav (Institut
de recherche sur le cinéma et l’audiovisuel), à propos du film documentaire :
« l’élargissement du format peut donc être vu, paradoxalement, comme une
bonne nouvelle, celle d’une prise de
conscience d’un certain nombre d’enjeux liés à l’existence d’une parole
documentaire dans l’espace public… ». Soit dit en clair, créer la
synergie du documentaire en salle et des débats collectifs.
Un documentaire-fiction ?
Le
véritable argument, Corto Fajal le livre ainsi : « à force de fréquenter les habitants de
Tikopia, évoquant le dialogue qu’ils entretiennent avec leur terre, l’île s’est
imposée comme un personnage ». La voix off est celle de l’île. Mais que
dit-elle ? Son discours, est tiré des légendes et du travail de scribe que
le réalisateur-scénariste a effectué auprès de ses initiateurs tikopiens. À
partir de là, le format long métrage devenait une évidence. D’autant que le
scénario bien construit n’amène aucune redite, qu’il suit une progression
narrative évidente : qu’il passe de l’âge de l’implantation des habitants sur
l’île, au mode de vie traditionnel contemporain puis aux problématiques d’avenir…
Les gestes du quotidien |
Le
réalisateur introduit cette nouveauté pour un documentaire, de se faire initier :
clin d’œil au Brésilien Carlos
Castaneda, mais bien davantage, réel envie de connaître de l’intérieur… Ses
interlocuteurs insulaires n’ont cessé de lui répéter qu’il lui appartenait
d’écouter sa terre originelle ; que s’il ne savait pas le faire, c’est qu’il
l’avait oublié ; eux, ne pouvaient qu’entendre la leur. « Depuis 3000
ans, les Tikopiens considèrent leur île comme un être vivant qui les abrite,
les protège et les nourrit. Ils ont bâti avec elle une relation particulière
faite de droits et de devoirs réciproques. Son avis est régulièrement sollicité
lors des grandes décisions concernant la vie sur l’île ». Ce n’est pas
anodin !
Corto
Fajal a donc appris à vivre dans un contexte où « l’argent et les
administrations centrales n’existent pas, où le droit d’usage est plus
important que la propriété. » Il percevait entre autres, que « du
fait de leur isolement, ils (les Tikopiens) devaient prendre en compte leur
milieu de vie… »
Un cinéaste responsable :
C’est
donc à lui, en retour de l’hospitalité reçue, que revient la responsabilité de
porter le message qu’ils lui ont transmis. Et de leur être solidaire :
c’est ainsi qu’il a mené « l’opération Tikopia » en France, avant
de revenir boucler le tournage. Une façon de concrétiser l’aventure de cette
rencontre.
Corto Fajal, le réalisateur, au FIFO |
Exerçant
un métier dont les contraintes le poussent à être technicien de l’image autant
que concepteur, vu les conditions extrêmes de tournage, il est habitué au
dénuement. D’autre part, être cinéaste, c’est aussi communiquer avec le public.
À la seule projection du FIFO, ce mardi, avant vos verdicts : il était
impatient de partager anonymement les impressions d’une assistance qui ne le
connaît pas…
L’échange solidaire |
Pour
vous laisser déguster la dernière projection de ce samedi au petit théâtre à 10
h 35, et ne pas préjuger de votre opinion… je ne vous susurrerai que quelques
éléments de Nous, Tikopia : des images soignées dans le détail ; des
moments grandioses d’apnée entre mer et volcan… toutes prises sur le vif… Une
poésie du texte et de l’atmosphère. Une immersion organique où vous ressentez
jusqu’à la musique de la nature. Mais aussi celle des drames, du deuil, celle
de la menace des éruptions ou des typhons, celle du manque. L’insolite des
jeux, des comportements et des gestes familiers que le réalisateur a attrapés
au vol pour vous baigner de ces sensations qui ont été les siennes. Le teaser sur ce lien.
Et
puis, bien entendu, cette réflexion en filigrane sur le devenir d’un microcosme
que sollicite la modernisation… la grande expectative !
Un article de Monak
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