Jimmy Marc Ly
Jimmy Ly vient de me faire savoir par
blogues entrecroisés combien il avait été ému par mon article précédent.
Combien l’avait surpris « la justesse de l’analyse d’une popa’a (peau
blanche, non originaire) n’ayant jamais vécu en Polynésie ».
Le malicieux sourire de Jimmy M. Ly
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L’objet du délit, son recueil de
nouvelles 2006, intitulé : Histoires
de feu, de flamme et de femmes.
Juste pour le fun, je ne manquerai pas
l’occasion ici d’en rajouter un peu.
De l’esprit, des esprits aussi
De l'esprit ! De l’esprit à
revendre, en discrètes touches, chez l’auteur Jimmy M. LY. Toute la narration
se déroule en finesse. L’art de l’allusion s’y négocie comme au sommet d’un
château de cartes. Rien ne viendrait perturber ce fragile équilibre, ni heurter
les lecteurs issus des différentes communautés qui peuplent Tahiti.
Dans le temple chinois de-Papeete...
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Mais le piquant de l’histoire, c’est
cette navigation entre réalité cruelle et intrusion du fantastique, rationnel
et superstitions. De nombreux esprits hantent Histoires de feu, de flamme et de femmes : noces pluriethniques qui
ne sont pas sans étincelles !
Un parcours dans le monde mystérieux des différentes
spiritualités qui cohabitent en Polynésie. Le récit, lui, les fait se
solidariser ou se concurrencer … à la manière des humains.
Des rencontres : spectres, anges féminins croisés au
Mayanna* mais aussi personnalités éthérées, incendiées aux feux de l’amour. Nez
à nez avec sa propre mort, le personnage s’éclipse. Il n’y volette pas de feux
follets, mais ceux de l’Apocalypse
nucléaire du Pacifique*, comme une menace.
Le livre de tous les
esprits !
Tout ce petit monde s'entrecroise avec un brin
d'humour.
Nouvelles de
l’immigration Hakka
Les nouvelles de Jimmy M. Ly puisent
leur source au cœur de l’exode des lettrés et guerrier hakkas, « devenus les plus
pauvres des pauvres ».
Ce cinquième livre de l’essayiste et
nouvelliste est un perpétuel va-et-vient entre les habitudes et les rites
communautaires qui se côtoient en Polynésie. Ils peuvent se résumer rapidement
ainsi : l’administration est française, carrée, vrombissante quand elle décolle
pour Mururoa. L’année du Dragon (1987), dans la communauté chinoise Hakka
prédit les incendies d’octobre. L’exorciste Ah Foui se frotte au tahua (guérisseur) ma’ohi. Le pasteur à
sa mort.
Pérégrinations Hakka…
De Chine, on pénètre, sur ces terres
insulaires, par paquebot, avec les maigres bagages embarqués mais surtout la
photo du promis de Mui Fong (Fleur de Pêcher).
« Un de ces endroits mythiques où, selon
les légendes, poussaient les pêchers de six mille ans et dont les fruits qui
donnent la vie éternelle ne sont réservés qu’au seul plaisir des yeux » (p.53)
On y découvre l’univers des coolies, du
commerce et des plantations, de la marine et des dockers : le petit monde
besogneux ; mais aussi celui de la jeunesse dorée des sixties.
Nouvelles
de l’intégration
Avec ce contenu très ouvert sur les aspects variés
des sociétés qui s’y imbriquent, on peut se demander pourquoi l’écrivain publie
alternativement à compte d’auteur et dans les maisons d’édition polynésiennes
depuis 1996. Ne figure-t-il pas au fronton des littératures polynésiennes ?
Une présence comme une ombre… marché de Papeete
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D’ailleurs, Jimmy M.Ly n’a-t-il pas été
co-fondateur (en 2002) et collaborateur occasionnel de la revue Littéramaohi,
Ramées de Littérature Polynésienne ?
Ce livre s’inscrit en plein dans la
récente histoire de la Polynésie, même s’il n’y fait que des allusions rapides,
sauf pour les manifestations incendiaires de 1987. Recueil de nouvelles
métissées et étirées dans le temps, il vogue du siècle dernier à la veille de
notre ère.
S’y mêlent événements et naufrages, mais
aussi superstitions :
- où les esprits du marae* interviennent plus ou
moins favorablement
- où le pasteur s'entretient avec la mort sous
l’allure d’une vieille femme tenant un « panier marché ».
Nés
ou pas sous le signe du cheval de feu
Et l'auteur s'amuse avec les signes, les mots, les
noms symboliques de ses personnages.
Le nouvel an chinois à Tahiti
Si elles sont filles elles sont femmes de tête… mais
vouées à la malédiction par le fait même. L’amour d’un fa’amu* et c’est la
sanction du suicide : « la fin définitive de ses tourments ».
Et commente l’auteur : « les drames
sentimentaux des jeunes générations d’il y a 50 ans semblent ne plus concerner
celles du 21ème siècle, débarrassées des contraintes traditionnelles de la
communauté hakka qui semblerait se fondre et entrer en osmose avec l’atmosphère
ambiante ».
Jusqu'à l'illustrateur, Jean Charles Hyvert, qui en
rajoute, avec ses croquis, sur l'épaisseur du songe, l'évanescence du trait, ce
monde en demi-teinte.
Le gardien du tempple |
"Toute ressemblance avec des personnes ou des événements connus ne serait évidemment que pure coïncidence" souligne Jimmy M. Ly à la fin de chaque nouvelle... ou presque.
La fleur de feu du Pacifique remplaçant celle du
Pêcher Chinois ou du Tiare Ma'ohi.
La
sagesse du conte ?
Les nouvelles sont menées comme des contes.
Délicatement, tant dans le choix des mots que dans leur propos : jamais
d’expressions triviales ; des euphémismes ou des ellipses pour atténuer la
résignation, la souffrance, la mort.
La cruauté des situations ancestrales communautaires
quelque peu estompée, ainsi que les tabous, les nouvelles jouent sur les
proverbes hakka ou ma’ohi qui les annoncent. Mais la morale n’y est jamais présente.
Pas de leçon à donner.
Au lecteur de se positionner. Ou comme l’auteur, de
les déjouer par l’ironie, la taquinerie.
Notes :
* Mayanna :
boîte de nuit ouverte dans les années 60
* Apocalypse
nucléaire du Pacifique : lire CEP (Centre Expérimental français du Pacifique)
*marae : temple
ancestral ma’ohi (pour en savoir plus, cliquez ici)
*fa’amu : adoptif
Un article de Monak
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