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lundi 7 novembre 2011

Calamités naturelles ou humaines


Les écuries d’Augias

    Un automne particulièrement désastreux. Et aux grands dépoussiérages politiques succèdent certains reflux marécageux. Chez les détenteurs de la pensée unique, sévir s'harmonise avec « assainir», dans toute la rigueur du terme.

     Calamités naturelles s’allient à règlements de compte, condamnations ou châtiments en direct dans la plus pure tradition du voyeurisme.

Une atmosphère perlée d’eau 

     On aurait pu affubler cette déferlante, d’un titre à l’emporte-pièce du style « Inondations Inch’Allah », tant elles s’apparentent aux déluges bibliques ou mythologiques.

Pas de gerbe sur la tombe de la Liberté

     Force cataclysmes hygrométriques sanctionnent à l’aveuglette bon nombre de contrées du monde en cette période : des déluges de mousson d’Asie du Sud-est (Thaïlande, Vietnam, Cambodge…) aux coulées de boue du pourtour Méditerranéen (Maghreb, Italie, neuf départements français…) en passant par les tropicales et diluviennes pluies de Polynésie et du Honduras…

     Faute de pouvoir accorder aux éléments déchaînés un crédit de nettoyeur du ciel, force est de recourir aux héros de notre temps. On vient de les fêter dans tous les cimetières du monde, on écrase une petite larme pour les sauveteurs de l’humanité et on versera le sang ovin pour l’enfant épargné.

    Sauf que… « J’ai oublié de déposer une gerbe sur la tombe de la Liberté », s’écrie un internaute anonyme, suivi par une multitude imposante d’approbateurs. Et qu’effectivement elle semble bien chancelante et ne dispose pas de cérémonie pour en ranimer la flamme.

    Sans tomber dans le mythe de l’éradication systématique - tristement célèbre - et autres formules lapidaires, la tradition de la «place nette» remonte à l’Antiquité.

… la poésie au pouvoir (Pour voir la vidéo, cliquer ici)

   Les genres karcher qui induisent nettoyages juridiques, ethniques et autres, suscitent nombre de disponibilités mises en œuvre par notre humanité « souventement » désoeuvrée. Reste la poésie… Qu’elle envahisse la rue !

La mythologie était déjà écolo

     Les modes opératoires n’ont pas ménagé les moyens de radicalisation. Suivent différentes modalités, depuis le balai de coco de TA’ATA, de bouleau, de genêt, de crin, de plumes, de sorcière, sans oublier le plus récent balai aspirateur de piscine.

    Mais le plus efficace semble avoir été l’ingénieux détournement des cours d’eau par Héraclès. La mythologie était écolo avant l’heure et désapprouvait déjà la pollution animale, rapportent les écrits de l’antiquité Grecque : « (...) les pâturages de la vallée se trouvent totalement recouverts d’excréments bovins et la couche nauséabonde empêche non seulement le labourage des terres d’Elide mais en plus, elle commence à asphyxier les peuples voisins.»

Oued en crue ou fleuve détourné ?

      En déviant l’Alphée et le Pénée, le cinquième des Travaux d’Hercule réhabilite la cité d’Elis (Ouest du Péloponnèse) et la magnificence du souverain Augias.

     L’amélioration des lieux de vie n’est pas uniquement confiée aux héros, ni aux seuls artisans de la vie publique, mais incombe comme un principe aux artistes. Du moins revendiquent-ils ce rôle d’inventeurs d’utopies.

Les artistes de la Caverne

      Un collectif d’artistes tunisiens, réunis sous le nom de « Ahl El Kahf » (Les Gens de la Caverne) s’étant mobilisé, accompagne publiquement la campagne pour le vote.

    Sur l’avenue Bourguiba, principale artère tunisoise, Najet Gherissi installe sa sculpture le 18 octobre 2011. Une géante blanche destinée à recevoir les graffitis et tags des plasticiens et du public. L’événement « L’avenue vote » se lance, face à la réinstauration de la galerie de l’Information.

Notre Mère, la Terre des votes de Najet Gherissi

    Au corps épais et stylisé, cette géante de papier mâché a les allures de ses sœurs à la Niki de Saint Phalle. Elles se sont répandues un peu partout dans les jardins publics du monde. Sauf qu’ici, en ce jour d’« Art citoyen », le public semble manipulé par quelque éminence grise… et sort de sa réserve pour conspuer l’œuvre et la rejeter.

      Le coup de balai est magistral ! L’art déclaré malsain !

     La statue regagne sa caverne : ce n’était pas que les artistes aient penché pour un retour à la préhistoire. Non ! Les Gens de la Caverne, en fait ce sont les Sept Dormants. Un sommeil mystique aurait sauvé sept jeunes gens de la persécution à Ephèse (249-251). Leur tombeau serait aussi à Chenini, dans le Sud tunisien.

     Ils se seraient réveillés 200 ans plus tard ! Tout comme l’Art, plongé dans la léthargie… pour s’éveiller dans combien de siècles ?

« Marche vers la Liberté »

      Par solidarité pour les femmes tunisiennes, toutes, artistes comprises, un plasticien tunisien, Wissem Ben Hacine conçoit une « Installation » dont les Maquettes 1 et 2 ne seraient certainement pas réprouvées par les islamistes.

      Car c’est bien d’irrespect et d’humiliation dont il s’agit, quand une œuvre et son auteur sont annihilés de la sphère publique et proscrits ; quand l’esprit républicain est nié en toute illégalité.

     C’est bien en toute connaissance de soi, de son ressenti vis-à-vis de sa corporalité, du message qu’elle transmet à travers son travail que la plasticienne a œuvré. Qui ose prohiber la liberté d’expression ?

Les envahisseuses voilées de Wicem Ben Hassine
     Cette Marche vers la liberté, qui devrait se tenir sur la même avenue Habib Bourguiba représente humoristiquement un recul, une véritable rétrocession de pensée. Une procession de géantes uniformisées (en safsari ou en burqa) quadrille l’espace.

    Et pour reprendre dans les mêmes termes l’initiative intégriste de la destruction, un cartel de verre propose cette injonction gravée : « tu peux me détruire si tu en as envie ! ».

Quand ne reste plus que l’Art

     Après le bombardement par Israël du quartier général de l’OLP, réfugié en Tunisie, il fut déploré 68 victimes et une centaine de blessés tunisiens et palestiniens. C’était à Hammam Chott en 1985.

      A ce « nettoyage » d’octobre (aussi), succède un immense Monument aux victimes. Réalisé en bronze (1990) par le sculpteurBrahim Konstantin, son moule et son modelage figurent encore dans la cour de l’Académie Konstantini d’Arts et de Métiers (AKAM).

Aux martyrs palestiniens de Hammam Chott en Tunisie
(1990 : bronze patiné)

    Najet Gherissi comme Brahim Ksontini (ainsi appelé plus communément) sont partis de la même inspiration : la Terre qui enfante …. de ses enfants sacrifiés ou de ses idées.

      L’une traite de l’ensemble du corps matriciel, l’autre de la naissance.

     Va-t-on démanteler hystériquement les bouddhas comme sous le régime taliban d’Afghanistan en 2001 ? Burqa contre Bouddha !

      La liberté de l’instant quand il ne reste plus rien à perdre, ça se surfe !!!


Un article de MonaK


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