Les écuries d’Augias
Un automne
particulièrement désastreux. Et aux grands dépoussiérages
politiques succèdent certains reflux marécageux. Chez les
détenteurs de la pensée unique, sévir s'harmonise avec
« assainir», dans toute la rigueur du terme.
Calamités naturelles
s’allient à règlements de compte, condamnations ou châtiments en
direct dans la plus pure tradition du voyeurisme.
Une atmosphère perlée d’eau |
On aurait pu affubler
cette déferlante, d’un titre à l’emporte-pièce du
style « Inondations Inch’Allah », tant elles
s’apparentent aux déluges bibliques ou mythologiques.
Pas
de gerbe sur la tombe de la Liberté
Force cataclysmes
hygrométriques sanctionnent à l’aveuglette bon nombre de contrées
du monde en cette période : des déluges de mousson d’Asie du
Sud-est (Thaïlande, Vietnam, Cambodge…) aux coulées de boue du
pourtour Méditerranéen (Maghreb, Italie, neuf départements
français…) en passant par les tropicales et diluviennes pluies de
Polynésie et du Honduras…
Faute de pouvoir accorder
aux éléments déchaînés un crédit de nettoyeur du ciel, force
est de recourir aux héros de notre temps. On vient de les fêter
dans tous les cimetières du monde, on écrase une petite larme pour
les sauveteurs de l’humanité et on versera le sang ovin pour
l’enfant épargné.
Sauf que… « J’ai
oublié de déposer une gerbe sur la tombe de la Liberté »,
s’écrie un internaute anonyme, suivi par une multitude imposante
d’approbateurs. Et qu’effectivement elle semble bien chancelante
et ne dispose pas de cérémonie pour en ranimer la flamme.
Sans tomber dans le mythe
de l’éradication systématique - tristement célèbre - et autres
formules lapidaires, la tradition de la «place nette» remonte à
l’Antiquité.
Les genres karcher qui
induisent nettoyages juridiques, ethniques et autres, suscitent
nombre de disponibilités mises en œuvre par notre humanité
« souventement » désoeuvrée. Reste la poésie…
Qu’elle envahisse la rue !
La
mythologie était déjà écolo
Les modes opératoires
n’ont pas ménagé les moyens de radicalisation.
Suivent différentes modalités, depuis le balai de coco de TA’ATA,
de bouleau, de genêt, de crin, de
plumes, de sorcière, sans oublier le plus récent balai aspirateur
de piscine.
Mais le plus efficace
semble avoir été l’ingénieux détournement des cours d’eau par
Héraclès. La mythologie était écolo avant l’heure et
désapprouvait déjà la pollution animale, rapportent les écrits de
l’antiquité Grecque : « (...) les pâturages de la
vallée se trouvent totalement recouverts d’excréments bovins et
la couche nauséabonde empêche non seulement le labourage des terres
d’Elide mais en plus, elle commence à asphyxier les peuples
voisins.»
Oued en crue ou fleuve détourné ? |
En déviant l’Alphée
et le Pénée, le cinquième des Travaux d’Hercule
réhabilite la cité d’Elis (Ouest du Péloponnèse) et la
magnificence du souverain Augias.
L’amélioration des
lieux de vie n’est pas uniquement confiée aux héros, ni aux seuls
artisans de la vie publique, mais incombe comme un principe aux
artistes. Du moins revendiquent-ils ce rôle d’inventeurs
d’utopies.
Les
artistes de la Caverne
Un collectif d’artistes tunisiens,
réunis sous le nom de « Ahl
El Kahf » (Les Gens de la Caverne)
s’étant mobilisé, accompagne publiquement la campagne pour le
vote.
Sur l’avenue Bourguiba,
principale artère tunisoise, Najet Gherissi installe sa sculpture le
18 octobre 2011. Une géante blanche destinée à recevoir les
graffitis et tags des plasticiens et du public. L’événement
« L’avenue vote » se lance, face à la réinstauration
de la galerie de l’Information.
Notre Mère, la Terre des votes de Najet Gherissi |
Au corps épais et
stylisé, cette géante de papier mâché a les allures de ses
sœurs à la Niki de Saint Phalle. Elles se sont répandues un peu
partout dans les jardins publics du monde. Sauf qu’ici, en ce jour
d’« Art citoyen », le public semble manipulé par
quelque éminence grise… et sort de sa réserve pour conspuer
l’œuvre et la rejeter.
Le coup de balai est magistral !
L’art déclaré malsain !
La statue regagne sa
caverne : ce n’était pas que les artistes aient penché pour
un retour à la préhistoire. Non ! Les Gens de la Caverne,
en fait ce sont les Sept Dormants. Un sommeil mystique aurait
sauvé sept jeunes gens de la persécution à Ephèse (249-251). Leur
tombeau
serait aussi à Chenini, dans le Sud tunisien.
Ils se seraient réveillés
200 ans plus tard ! Tout comme l’Art, plongé dans la
léthargie… pour s’éveiller dans combien de siècles ?
« Marche
vers la Liberté »
Par solidarité pour les
femmes tunisiennes, toutes, artistes comprises, un plasticien
tunisien, Wissem Ben Hacine conçoit une « Installation »
dont les Maquettes 1 et 2 ne seraient certainement pas
réprouvées par les islamistes.
Car c’est bien
d’irrespect et d’humiliation dont il s’agit, quand une œuvre
et son auteur sont annihilés de la sphère publique et proscrits ;
quand l’esprit républicain est nié en toute illégalité.
C’est bien en toute
connaissance de soi, de son ressenti vis-à-vis de sa corporalité,
du message qu’elle transmet à travers son travail que la
plasticienne a œuvré. Qui ose prohiber la liberté d’expression ?
Les envahisseuses voilées de Wicem Ben Hassine |
Cette Marche vers la
liberté, qui devrait se tenir sur la même avenue Habib
Bourguiba représente humoristiquement un recul, une véritable
rétrocession de pensée. Une procession de géantes uniformisées
(en safsari ou en burqa) quadrille l’espace.
Et pour reprendre dans
les mêmes termes l’initiative intégriste de la destruction,
un cartel de verre propose cette injonction gravée : « tu
peux me détruire si tu en as envie ! ».
Quand
ne reste plus que l’Art
Après le bombardement
par Israël du quartier général de l’OLP, réfugié en Tunisie,
il fut déploré 68 victimes et une centaine de blessés tunisiens et
palestiniens. C’était à Hammam Chott en 1985.
A ce « nettoyage »
d’octobre (aussi), succède un immense Monument aux victimes.
Réalisé en bronze (1990) par le sculpteurBrahim Konstantin, son moule et son modelage
figurent encore dans la cour de l’Académie Konstantini d’Arts et
de Métiers (AKAM).
Aux martyrs palestiniens de Hammam Chott en Tunisie (1990 : bronze patiné) |
Najet Gherissi comme
Brahim Ksontini (ainsi appelé plus communément) sont partis de
la même inspiration : la Terre qui enfante …. de ses enfants
sacrifiés ou de ses idées.
L’une traite de
l’ensemble du corps matriciel, l’autre de la naissance.
Va-t-on démanteler
hystériquement les bouddhas comme sous le régime taliban
d’Afghanistan en 2001 ? Burqa contre Bouddha !
La liberté de l’instant quand il ne
reste plus rien à perdre, ça se surfe !!!
Un article de MonaK
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