Pages

jeudi 27 octobre 2011

A la Toussaint en Polynésie


Les cimetières sont en fête


   Pour le jour des morts, en Polynésie française, les tombes couvertes de sable blanc s'illuminent d'une myriade de bougies...

Une tombe dans le cimetière chinois de Pirae à Tahiti     
     En Polynésie française, le 1er novembre n’est vraiment pas un jour comme les autres.

    Il suffit, pour s’en convaincre, de s’offrir une ballade de cimetières en lieux de mémoire : pas un seul qui n’échappe à l’effervescence générale!

   Quelle que soit la religion affichée par les uns et les autres, catholiques, protestants, mormons, adventistes, sanitos, témoins de Jéhovah, bouddhistes, bahaïstes et juifs, personne en Polynésie n’échappe à la ferveur de ce jour de mémoire.

     L’évènement fait la une de tous les médias et occupe les pensées de tous les Polynésiens.

    Sur les marchés, le quartier des fleuristes voit sa surface tripler en quelques jours, débordant sur les trottoirs et envahissant tous les espaces disponibles.

   Au bord des routes, et bien sûr tout particulièrement aux abords des cimetières, apparaissent d’étranges tas de sacs en toile beige… Ce sont des sacs de ce sable blanc indispensable à la décoration des tombes.

Préparatifs d’un jour pas comme les autres

    Durant la semaine qui précède le jour des morts, tous les cimetières et leurs abords vibrent d’une activité étonnante.

Sur le sable, une bougie pour la mémoire
     Les premiers à investir les lieux sont les maçons et les peintres. Rien ne doit être laissé au hasard et chaque famille se doit de présenter le monument funéraire le plus pimpant possible.
Ainsi, dès que les petits (ou gros) travaux de remise en état sont terminés, les peintres s’emploient à blanchir tout ce qui peut l’être sur chaque monument funéraire.

   Ce travail achevé, ce sont les jardiniers qui entrent en action. Sarclant, binant, arrachant les mauvaises herbes et ratissant les allées, ils sont bientôt rejoints par ceux qui, dans chaque famille, ont été chargés de la corvée de sable.

    Car pour ce jour important entre tous, chaque tombe se doit d’être recouverte d’une couche de sable blanc parfaitement propre. Et puis, à Tahiti comme dans toutes les îles hautes de Polynésie, hormis pour le sable de la plupart des plages, le noir n’est pas de mise. Nous sommes ici au royaume de la couleur.

   Une fois le sable étalé, soigneusement ratissé et débarrassé de la moindre impureté, feuille, gravillon, brindille ou autre, arrivent les familles au grand complet, les bras chargés de fleurs coupées, de fleurs en pots, et d’étranges petits paquets rectangulaires, tous identiques…

Ici, les enfants aussi ont leur place près des défunts
     Alors que les jeux des enfants emplissent les allées de cris, de rires et de mouvement, les femmes se concentrent sur la décoration des lieux. D’abord, placer les fleurs aux meilleurs endroits, les arranger, les débarrasser des feuilles inutiles ou abimées. Rien ne doit être laissé au hasard…

     Lentement, le soleil s’apprête à se glisser entre les draps de l’océan tout proche. C’est le moment où la magie va s’emparer discrètement des cimetières.

    Avant qu’il ne fasse nuit, chacun s’empresse d’ouvrir les étranges paquets de carton… et de placer délicatement les innombrables bougies de ménage qu’ils contiennent un peu partout sur les tombes.

La Toussaint, une nuit de ferveur et de recueillement

    Alors que la douceur de la nuit tropicale enveloppe délicatement les îles, de cimetière en cimetière, de tombe en tombe (car nombreux sont les Polynésiens qui sont enterrés sur leurs terres, dans leur jardin, voire parfois au sein même de leur maison) la multitude des lucioles de cire illumine progressivement la demeure des ancêtres, où qu’ils reposent.

Durant l’office les enfants dansent sur les tombes
     Commence alors une longue nuit de prières, de recueillement, et de lutte acharnée contre le vent (et parfois la pluie) afin de conserver les flammes de la mémoire.

    Tout au long de cette nuit particulière, on se relaie près des tombes afin qu’elles ne soient jamais seules et que les bougies soient toujours allumées et remplacées dès que cela s’avère nécessaire.

Le jour des morts : une fête pour les vivants

    Non, décidément, en Polynésie française, le 1er novembre n’est vraiment pas un jour comme les autres.

     Dès le matin, après le culte, quel qu’il soit, les cimetières se remplissent d’une foule endimanchée, bariolée et pleine de vie.

     Bien des gens ne se voient qu’une fois par an à cette occasion.

    Au milieu de la cohue bon enfant, entre les jeux des enfants, les embrassades des retrouvailles, ceux qui mangent un morceau et ceux qui entretiennent la flamme des bougies, il y a ceux qui se recueillent, totalement insensibles à l’animation et le bruit qui les entourent, ils sont en communion profonde avec leur passé. Rien ne saurait les distraire de ces instants privilégiés où ils retrouvent leurs chers disparus dans des échanges dont eux seuls connaissent la teneur.

     Ainsi va se passer cette journée sans que jamais les lieux ne se dépeuplent et sans que jamais ne s’éteignent les bougies, malgré le vent et la pluie qui souvent s’invitent à ces cérémonies.
Quelques instants avant le coucher du soleil, une procession d’hommes et de femmes tout de blanc vêtus pénètre dans les cimetières. Le silence se fait comme par magie et tous se regroupent autour des nouveaux arrivants…

L’office, au milieu des fleurs et des morts
   Commence alors une longue et fervente cérémonie au cours de laquelle chaque tombe, sans exception aucune, est bénie par le prêtre ou le pasteur suivis de leurs officiants et entourés par la foule des vivants en prière.

     La longue procession s’achève dans l’un des rares espaces dégagés du cimetière, souvent à l'abri d’un arbre majestueux, pour une messe œcuménique à laquelle chacun participe à sa manière, souvent en restant près de la tombe que l’on est venu honorer.

    La cérémonie du culte achevée, le cimetière se vide très lentement, chacun rejoignant son foyer heureux d’avoir, une fois encore, été là pour se souvenir de ceux qui ne le sont plus.
Peu à peu la nuit, le vent et l’humidité font en sorte que s’éteignent une a une les bougies de la mémoire.

     Jusqu’à l’année prochaine…

A lire aussi :

Un article de Julien Gué




2 commentaires:

  1. je cherche le nom Tahitien de la Toussaint

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Après quelques recherches, chère Maimiti, la seule réponse cohérente qui m'ait été donnée (par un homme d'église de Taha'a est la suivante
      Toussaint : oro'a .no .te mau taata pohepohe
      Mais si quelqu'un à une ou plusieurs autres propositions : le débat est ouvert !
      Julien

      Supprimer

Cet article vous a fait réagir ? Partagez vos réactions ici :