Pages

lundi 16 décembre 2024

Motu magazine

L'ÎLE Ô ARTISTES  : des pages vitales 


                          Motu L’Île Ô Artistes, l’indispensable agenda culturel de poche qui circule sur le fenua depuis plusieurs mois... justifie largement son lancement au nombre d’événements culturels qui émergent au fenua. Mais aussi, vu la disparition alarmante de la presse écrite : ce coup de génie –désolée de le dire, à l’encontre des informateurs, influenceurs & autres lanceurs d’alertes restés en rade–, pourra-t-il s’étoffer et durer grâce au soutien local ou étatique ?  

 

                  L’initiative est signée Delphine Barrais, journaliste free-lance bien connue à Tahiti & ses îles depuis une dizaine d’années : sur papier, à la radio, etc...  Le nouveau-né date de juin 2024 & vu sa taille, il ne risque pas de combler les étagères qui –initialement–, ne se sont jamais destinées à alimenter de bibliothèques domestiques les fare polynésiens. Les foyers restent fidèles à une culture essentiellement orale. Le réflexe culturel insulaire n’a jamais vraiment adopté le papier imprimé –en dehors de la Bible ou autres volumes confessionnels–, depuis son introduction au 18ème siècle. Même si Motu Magazine se livre mensuellement sur papier glacé, plus résistant au climat humide & chaud...  Taille gros smartphone, l'agenda interactif –lui aussi–, vous interpelle autrement & au jour le jour.

Delphine Barrais – rédactrice–, invitée à Fare Mā'ohi

            Souvent, aucune visibilité n’accompagne les manifestations artistiques qui, faute de public abondant, –nous sommes moins de 300 000 insulaires–, ne se reproduisent pas dans l’immédiat, ni dans le même lieu... Les événements culturels passent donc inaperçus. Le minuscule fascicule qui ne déformerait pas une poche,  prévient au jour le jour des manifestations d’ordre créatif. C'est en toute discrétion et gabarit hyper pratique que le fait culturel participe de votre espace coutumier.

            Éclectique, ouvert à toute forme d’art et tout type d’artiste, le fascicule rend compte de toute formule de création : qu’elle rencontre le public en mode vivant ou à travers des œuvres exposées ou en cours de réalisation ou de performance... Tout ce qui se produit au fenua –objet, animation ponctuelle dans un lieu convivial, scène ouverte ou manifestation calibrée aux normes des espaces de spectacle–, occupe sa place, se repère facilement, au long des pages... 


En Format Poche Papier 

              Dans l’air du temps, minuscule comme ces formats de nouvelles, vendues sur tous les quais de gare du Vieux Continent, –bien sûr, nous ne pouvons totalement comparer, vu l’absence de ce mode de déplacement–, les agendas culturels mensuels se lisent & se cochent, le temps d’un trajet... ou d’une attente au magasin... Projetant le calendrier du mois en cours, il vous permet de programmer vos sorties... Sans donner dans les paillettes V.I.P., les soirées branchées vides du trop-plein à la consommation mais en s’octroyant une vue d’ensemble et au cœur de tout ce monde de la création authentique, sous les feux des projecteurs.

          Il semblerait donc, que les artistes poursuivraient leur accomplissement en s'adaptant à la dimension étriquée du territoire. Ce point primordial se trouve heureusement et enfin souligné par L’Île Ô Artistes. Les artistes se répandraient comme une onde, subrepticement & à leur suite ce carnet illustré : poussant les portes des lieux de restauration, en pointillés, y conjuguant leur apport festif, leur intervention ou leur revendication. Particularité de la Culture Insulaire contemporaine ? Dégustation mentale & gastronomique s'allieraient en toute connivence de sensations et de plaisirs communautairement partagés !

        Tirant sur le vert amande pistaché, parmi des motifs traditionnels, le minuscule livret n’hésite pas à dispenser les secrets de la création. 5000 exemplaires gratuits déferlent aux points de distribution indiqués sur le net... près de 2000 abonnés... le score est honorable. Des rubriques conférences, vernissages, premières, concerts et invitations à l’échange sur scène ouverte, vous informent sans tergiverser.

Motu Magazine : dehors, dedans...

           Se découvrent les tendances actuelles de la musique au Fenua... mais aussi la rétrospective sur les grands noms incontournables. À l’image du pays, sont dénichés les Groupes sans grands moyens –ce qui est encourageant–, car ils pullulent et témoignent de la vivacité créative du pays.

         Concis, ciblés tous publics, les portraits d’Artistes, font le tour de la question au mieux d'un  éclairage débordant de l'intérieur.  Ainsi nous initient-ils à l'univers propre à chacun des artistes ou technicien de l'Art, les pieds dans les Archipels. Un numéro Cinéma sort en milieu de mois.  Manqueraient les Groupes de Danse... Ce qui ne saurait tarder...  certainement.



...Comme En ligne

              En toute transparence sur le site, Facebook ou Instagram, le magazine se tourne les pages ! Facile d’accès, de manipulation aisée. L’équipe se présente. Réduite au strict minimum : avec maquettiste, caricaturiste, rédaction, photographes & commercial, le magazine tient en l’état, grâce à ses annonceurs... Urgentes, les subventions des institutions culturelles lui assureraient longévité, croissance et propagation souhaitées ! Car l’intrusion dans le monde artistique et sa diffusion n’est pas un luxe : elle manquait ! La preuve ? Ce bouillonnement entre acteurs de la culture et spectateurs témoigne de son dynamisme et de son évolution.

             D'un clic ! Sur le net, vous visualisez adresse, plan, contacts, sites de chacun des événements... Ce qui vous garantit la billetterie, la participation aux jeux interactifs : une véritable mise en relation entre l’artiste et son public, par le biais du magazine médiateur. Déjà, les accrocs du net demandent des points de distribution dans les Centres Commerciaux.


Des  informations claires et accessibles pour tous

     La cible semble atteinte. Le public est réactif. Mise en page aérée,  photos d’ambiance, recomposées pour un graphisme ludique, et un visionnage  amélioré...  Le net compense par le détail de l’image, l’efficacité de l’objet-papier...


Complémentaire ???

          Net & papier, la culture se commente enfin : s'octroie la liberté de se regarder dans le miroir, de se parler à visage découvert. L'information, de s'adapter à la densité du phénomène : elle intervient sur tous les fronts. Elle se joue, elle se pense, elle s'accorde des critiques et des ratés... Entrerait réellement dans l'ère de la Critique au fenua ?

        À la fois sérieuse et de loisir elle semble se positionner au rang du sport en Polynésie... Il était temps de refuser le narcissisme exclusivement dévolu à ses loisirs familialement et hebdomadairement concentré sur ses boules de pétanque. Grâce à ce gadget, pratique, sur mobile comme dans la poche, Motu Magazine redonne sa place à une Culture, dont on ignore l’existence, faute de pouvoir en être avisé, pour la regarder et en comprendre les rouages.

 

MOTU  MAGAZINE  : des mots  sur les images

               Plateforme polymorphe, où les Artistes d'ici parlent aux Artistes, se donnent des rendez-vous ponctuels par le biais de l'informateur, au détour d'un site méconnu : du moins révèlent-ils enfin leur existence. Dans L’Île Ô ARTISTES, l'acte culturel est identifié, ses paramètres définis. L'ère du musicien bouche-trou, de la musique qui ne s'entend plus, –saturée de basses ou au bon cœur de la rue–, tant les vapeurs d'alcool vous obstruent les tympans, serait-elle révolue ??? 

          L'artistique serait-il devenu une Planète à part entière ?  Que des journalistes, reporters investiguent sérieusement et auquel ils consacrent du temps, du papier, une toile pour leur donner la parole... et ne se contentent pas de faire juste vendre la machine à bruit qui tue le temps... Diversification semble le maître-mot de L’Île Ô Artistes ... mais surtout d’une réalité dont les artistes sont trop souvent écartés. Il n’est pas inutile que les artistes puissent se reconnaître dans une Culture en perpétuelle mouvance.

             L’initiative de l’équipe du Magazine en sert de preuve ...


Un article de  Monak

 

Tous droits réservés à Monak. Demandez l’autorisation de l’auteure avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.


vendredi 13 décembre 2024

22è. FIFO 2025


                              Destination Océanie 

                Continuité jubilatoire à l’océanienne & proximité relationnelle à tous les échelons, la 22è Session poursuit sa dynamique à Tahiti. Du 31 janv. au 09 fév. 2025, visions, détermination, évolution de l’image de soi se concrétisent, quelles que soient les intempéries. Et dans le Pacifique, nulle île ne se trouve à l’abri d’un déversement céleste –voir les déferlements de l’an dernier–, ni d’une avarie de câble. Depuis les vagues d’épidémie isolant l’événement, le Festival International du Film Documentaire Océanien (FIFO) multiplie ses interventions sur le net, les écrans télé et les ondes radio –parant à toute éventualité–, mais soigne son "présentiel", à la  Maison de la Culture de Tahiti – Te Fare Tauhiti Nui, car il est le cœur réel de l’aventure.   

 

           Le 22è FIFO diversifie ses échanges avec réalisateurs documentaristes et majore ses activités avec le public potentiel, scolaires ciblés en priorité. Les mentalités & regard sur l’autre –son voisin compris–, évoluant positivement grâce à , l’ouverture des perspectives.

         Le staff France Télévisions Polynésie 1ère, producteur du FIFO, mobilise ses rédactions & chaînes au service de la communication, déjà sur le pied de guerre : Stella Taaroamea –avec le Journal du FIFO–, poursuit «sa mission de ré-écriture de notre histoire et de reconnaissance mutuelle des peuples du Pacifique» ; Tepiu Bambridge –à la direction éditoriale–, nous promet le Clip mobilisateur, les synopsis de Michèle de Chazeaux, et l’intrusion en Ateliers ;  Noella Tau à l’Antenne se réjouit de marteler les ondes de l’hymne du FIFO, à l’écoute de «ceux qui font le FIFO» .

 

L’hymne du FIFO , toujours d’actualité

                    Jean-Philippe Lemée, Directeur régional, démarre ce FIFO, par le 60ème anniversaire de la Chaîne Tahitienne –cadeau annoncé de & par l’instigateur des essais nucléaires du Pacifique–. Piqûre de rappel, non sans séquelles brutales, sur l’environnement, la santé, le sociétal qui ont explosé en chaîne –dans tous les sens du terme–, s’il était besoin de le préciser. Le Festival ne cesse de s’adapter et d’innover constamment depuis sa création à Tahiti par l’équipe de Wallès Kotra (2004). Un travail de longue haleine entre chaque session, le tout maïtrisé –mine de rien depuis 2 ans–, par la Déléguée générale de l’AFIFO, Laura Théron...

Destination Tahiti  

           Depuis peu, le FIFO gagne un jour supplémentaire par session. Au bonheur des FIFOTEURS qui ne se trouvent jamais assez rassasiés par la manne du documentaire océanien et qui en redemandent. Car le FIFO, est un lien de chair entre ces communautés de l’eau éparpillées au gré du Pacifique Sud. Un même état d’esprit pour ces familles linguistiques ou ethniques proches. C’est sur place qu’il prend tout son sens : une manière d’être et de se reconnaître avec les mêmes codes.

          Renforcé en parallèle, par la proximité numérique, le Festival joue l’intimité Outre-Mer, Métropole, Océanie... C’est qu’il s’attèle, depuis sa création, à se raconter et à renforcer son unité culturelle... La matière est dense et ne pourra totalement comparaître sur les écrans.

Le staff FIFO & ses supporteurs médiatiques  

          Les critères de sélection n’étant pas thématiques, une foison de sujets s’offre aux documentaristes : entre politique de restitution des terres ou d’indépendance actée ou à venir... racines ou liberté retrouvées, retour au pays... rituels communautaires, résurgence réelle d’un contexte enfoui dans les mémoires, noirceurs comme prodiges sociétaux, les réalisateurs interrogent le décalage persistant entre autochtones et dominants et bien d’autres discordances qui perturbent une évolution encore défigurée par les enjeux concoctés par les puissances concurrentes.

            Le comité de sélection, représenté par Teva Pambrun, à la 1ère conférence de Presse du 22è FIFO, a fait le tri à la qualité et aux films qui bouleversent. Avouant sa satisfaction de compter un afflux de documentaires polynésiens retenus –soit 1/3 né au fenua–, sur les 10 films en compétition, et presque autant pour les 18 films hors-compétition. Pour les 10 courts-métrages de Fenêtre sur courts et les 10 short-fictions, la diversité s’impose..

à la barre du 22èFIFO 

De l’officiel...

          L’abondance venue d’ici, en même temps que la saison des pluies, faut-il en trouver la cause entre l’émergence de nouveaux réalisateurs ou la concrétisation d’une nouvelle politique culturelle au fenua ? Entre identités discriminées –FIÈR.E.S–, revendications exacerbées sur un espace légitiment vital contesté –TE PUNA ORA–, et réappropriation des origines –SURF–, des documentaires polynésiens de choc & engagés... Qui s’en plaindrait !?!

       À la table du jury, préside Ben SALAMA, originaire d’Afrique du Nord, sélectionné précédemment (2014, 11èFIFO), pour un documentaire brûlant sur la Nouvelle-Calédonie... Coïncidence ou autre prétexte, peu importe : l’indépendance de la moitié de la communauté du Pacifique n’étant pas résolue... les séquelles de ses sociétés à deux vitesses risquent encore d’alimenter la toile durant de sombres années, à l’instar de l’Irlande ou de la Palestine.

                                          Ben SALAMA & les coulisses  de l’histoire  calédonienne

           Si la parité de genre ne s’applique pas au jury, –étonnamment cette année–, la personnalité de Rachel Perkins (Australie) le compense largement –avec 30 ans de cinéaste engagée–, qui dit entre autres : «Le pouvoir du cinéma permet de marcher dans les souliers de quelqu’un d’autre, de voir à travers les yeux de quelqu’un d’autre. Un médium qui vous émeut, vous touche le cœur, l’esprit aussi. C’est par cela que j’ai choisi de mettre en avant le combat aborigène et il semble que cela ait marché».   

        L’ensemble des jurés appartient au monde de l’image, pour la créer, la commenter, en rendre compte au petit écran.  Nunë Luepack (Nouvelle-Calédonie) une jeune carrière entre documentaire et fiction...  Toa Fraser (fidjien de père), vient mettre une touche Néo-zélandaise entre un parcours de dramaturge puis de réalisateur talentueux. Certains ont dû vous interpeller, vu leur palmarès. Jone Robertson (Fidji), dans le domaine de la promotion commerciale de l’industrie du cinéma, contribue à la visibilité fidjienne dans le domaine. Caroline Fahri, journaliste télévisuelle complète les représentants de la Polynésie avec Minos (Teiva Manoi), conteur, acteur et 'ōrero (orateur traditionnel), une touche artistique en arts vivants...

...À l’officieux. 

        Déjà les réseaux sociaux glosent à propos de cette nouvelle session FIFO 2025... Ce n’est jamais tendre, la critique est sévère et s’enferre dans le salé... jouant les effarouchées aux jumelles encapuchonnées de l'affiche... laissant poindre un soupçon de racisme... aux demoiselles originaires d'Aotearoa.

       C'est que les spectateurs s'approprient les images, comme les intentions ! Thésaurisent le moindre accent de la fraternité océanienne... Arborant les allergies aux costumes qui ne sont pas franchement conformes au déshabillé océanien... Les potins vont bon train sur la composition même de l’affiche, pourtant tirée du court-métrage de fiction néo-zélandais :  TAMANAU ... et primé lors du 21èFIFO ! ! !

                                                           Un petit délice de Taratoa Shappard...

               Reste comme d’habitude à s’immerger dans les créations du FIFO et déjà jeter un coup d’œil sur la programmation.

             À la veille des vacances scolaires, les jeunes spectateurs espèrent enfin retrouver leurs grands écrans, les réalisateurs et les figures qui vont à nouveau, cette année, entrer dans leur espace de rêve et de connaissance.   

             BON FIFO !

Un article de  Monak

 

NB : la programmation, https://www.fifotahiti.com/selection-des-films-2025/  

Tous droits réservés à Monak. Demandez l’autorisation de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.


mercredi 19 juin 2024

Troupe des Manants


ANÁΓKH TAHITI

 

          Conçue, créée, représentée, appréciée, quelques années auparavant ailleurs, 'ANÁΓKH* ou FATALITÉ, libre adaptation contemporaine de la fiction hugolienne Notre Dame de Paris, joue la mise en abyme, avec son préambule participatif. Dans cette nouvelle version à la tahitienne, la pièce s’invite à l’ouverture du 3ème Festival Théâtral du Lycée Diadème - Te Tara O Maiao -, puis joue les prolongations, une semaine après les épreuves du Bac-Spécialité Théâtre.

       La Troupe des Manants, collectif regroupant, à quasi parité métro-locale, enseignants (de Gauguin aussi...) & artistes, entame sa 1ère production.

Une chimère d’affiche

        Un bon moment d’euphorie partagée avec tous publics : lycéen, familial, etc. Burlesque, style Commedia dell’arte pour l’atmosphère populaire, les jeux de mots, les adresses au public, la succession des rôles pour chaque acteur, les licences verbales, de code & de situation, le spectacle nous plonge au cœur du 6 janvier1482 «jour des rois & fête des fous».

        Le ton est donné : le code «verlan» (argot d’à-l’envers), dans cette Cour des Miracles, où l’insensé est couronné pape, l’infirme guéri & l’étranger admis. Mais le comique ne suffit pas à détourner le couperet de la fin. Le réel, funeste, l’inscrit dans les conventions du drame romantique édictées par Hugo, combinant grotesque & sublime. Affleurent les principes de ce grand précurseur incontournable du 19ème siècle, anti-esclavagiste et libertaire dans ses 3 premiers romans. 

  

Un lavis à la Hugo 

        Faisant écho à nos problématiques sociétales océaniennes, ἈΝΆΓΚΗ  concrétise une attitude d’intégration et de lutte «contre la discrimination, qu’elle soit physique (monstres), sociale (paupérisme des quartiers), identitaire (bohémiens, étrangers)».  Sur la scène du Diadème, salle de classe aménagée en presque totalité par les enseignants de la Spécialité Théâtre, la proximité plateau / assistance est presque confidentielle. Préparant, par hasard & nécessité, les lycéens aux Théâtres de Poche & Mouchoirs de Poche du Festival off d’Avignon ! eh bien oui, il faut le savoir, les Classes de Spécialité Théâtrale de l’agglomération de Papeete, n’ont pas encore retrouvé le libre accès des salles de la Maison de la Culture...

Vous avez dit théâtre ? 

           À la ville, sur scène, & surtout en pleine chimère médiévale, Les Manants déballent joyeusement leur solidarité : dans des quiproquos où le changement de personnage ne supporte aucun délai, juste un volte-face, un attribut qui le distingue dans un flot d’actions qui se chevauchent. Les actualisations au contexte typique y fonctionnent à plein entre fatalité, connotation fatwa et Fataua...  entre autres colorations de paréos, de danse tahitienne & de conférencière à l’UPF.

Le public se flatte, d’une part, d’y braquer sous projo, la face cachée des «habilités de théâtre, enseignants au lycée» ayant déjà plongé dans la marmite avec Annabelle Fouqueray, Vaiana RV; & pour Mathieu Beurton - entre un parcours de professionnel & de formateur -. D’autre part, raffolant d’y redécouvrir ses propres ressortissants artistes musiciens sous un autre registre : «Christian Chebret dit "Kion", Taloo Saint Val... et Vaiana RV, issue du théâtre de rue»   

Kion à la corde

         Dès l’entrée de jeu, vous vous sentez appartenir à l’espace scénique car le guitariste Kion, perché dans l’assistance, réagit - en toute sincérité d’acteur - comme un spectateur lambda, concocte bruitages & atmosphères sonores, ainsi qu’un accompagnement musical, tiré du fonds tahitien et consort : " Haere Maina." (qui s’identifierait peut-être à la Love Song de Mutiny of the Bounty) ; un Requiem improvisé à la base ; & Te mau metua, ainsi que d’autres apports que teste Kion.  

        Quant à la biographie réelle de l’équipe des Manants, ils ne s’en soucient guère : sont à plein dans le présent qu’ils forgent au jour le jour ... Il faudra vous y faire ! L’attitude est totalement symptomatique de cette Océanie du Sud.

 

ἈΝΆΓΚΗ autrement  

          À partir d’un roman Gothique** «fortement dialogué» dixit le dramaturge Mathieu Beurton, a pris forme cette «Comédie - qui arrache tout de même quelques larmes -, où après avoir distribué l’imbroglio des rôles, chorégraphié à la seconde & au millimètre près le déplacement des comédiens s’imbriquant dans un puzzle où action-réaction, ficelées au quart-de-tour», ne cessent de nous surprendre.

       «La conférencière se plie aussi à cette logique - où chacun des protagonistes abdique face à la fatalité de l’amour-, &se fait  happer par l’objet de sa passion». Rien n’excuse le crime, ni la condamnation capitale. Le grotesque signale une aberration s’écartant de la norme par le bas.  Ce n’est pas un hasard si l’Église met à l’index la première édition de Notre-Dame de Paris, parue chez Gosselin le 16 mars 1831. Elle n’est pas dupe de cette lutte que mène Hugo contre l’absolutisme politique (ses dérives, la censure) et l’arbitraire de la religion, sur les consciences...

Quasimodo

          Hugo nous livre quelques clés dans ses romans... contre la peine de mort (1829). Ce n’est pas seulement un destin inversé que propose l’allégorie de cette Cour des Miracles où les handicaps se guérissent comme par magie (les mendiants abandonnant leur infirmité de circonstance). Mais une subversion, celle d’un ordre abusif. Le nom de l’assassin, Frollo, signifie "faisandé". Le terme ‘ANArKH n’est pas inconnu du fonds littéraire français avec le roi ANARCHE -velléitaire- in Pantagruel !

Paradoxes & dichotomies 

           Interrompue par la révolution de 1830, l’écriture de N-D de Paris ne reprendra  que quelques mois plus tard, «précédée d'une brève préface où Hugo évoque l'inscription, gravée en lettres grecques majuscules "ἈΝΆΓΚΗ" (c'est-à-dire Ananké, qu'il choisit de traduire par "Fatalité") qu'il aurait vue « dans un recoin obscur de l'une des tours » 

        Quant à l’anarchie, tirée du terme ANArKHÊ  (= sans commandement), la notion du régime à démocratie directe apparaît en 1840 avec le 1er ouvrage de l’économiste Proudhon.

La conférencière

          Contre l’ordre établi, ses parodies de justice (où la chèvre est co-accusée), les sans-droits, les sous-humains comme Quasimodo & Esmeralda seraient réhabilités par cette Cour du Peuple que représente en sa gestion (Res Publica), l’Anarchie.

        Et pour en rajouter une couche sur un Hugo républicain, laïc (opposé à la Loi Falloux 1850) & libertaire, rappelons sa déclaration du 9 juillet 1849 à la tribune de l’Assemblée nationale : «Vous avez fait des lois contre l’anarchie, faites maintenant des lois contre la misère !»

Bon spectacle !

Un article de  Monak


Tous droits réservés à Monak. Demandez l’autorisation des blogueurs avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.

Notes :

* ANArKH vs ANANKÈ : «En 1866, Victor Hugo indiquera que trois de ses principaux romans sont unis par le même thème : « anankè des dogmes (Notre-Dame de Paris), anankè des lois (Les Misérables), anankè des choses (Les Travailleurs de la mer) ».

**Le genre Roman gothique s’attelle à un type de récit à thèmes médiévaux et terrifiants, à la mode en Angleterre à la fin du 18è siècle (1764), précurseur du romantisme noir en France avec Notre-Dame de Paris (1831) de Victor Hugo.

*** Mathieu Beurton : auteur, acteur, metteur en scène, enseignant, formateur (Cours Florent)

 

 

vendredi 8 mars 2024

Fatima Maaouia, Palestine


SUAIRE RENOUÉ DE SES CENDRES

 

                    Près d’un siècle que le drapeau blanc de la trêve se voit ensanglanter par l’ennemi implacable qui le recrache fripé comme un suaire... Traumatisme international dénoncé par les ONG humanitaires et autres témoins rendus inopérants par entraves, alliances politiques et faute d’ouverture des frontières...

     Fatima Maaouia, résistante convaincue, récidive en poème avec la cause palestinienne. L’OLIVIER EN DEUIL n’a rien d’une élégie. L’auteure défie le malheur en s’accordant, comme au lecteur, comme aux victimes, un répit. Parmi les décombres, elle arme ses mots et balance à la tête des tortionnaires des poignées de rêves, dans le bac-à-sable mortifère que deviennent les terres occupées par Israël. 

             Mère, elle l'est aussi, dans sa façon d'aborder l'enfance sacrifiée à la guerre... à travers ces sursauts de comptines et de conscience magique des petits d'homme... Mais sa perception est plus large. 22 ans que Fatima Maaouia, tente de réconcilier les frères-ennemis par un conte poétique : Les Frères Siamois...  Réconciliation des peuples sémites de la même terre originelle : son premier livre publié. 20 ans qu’un petit se perpétue dans son frère... dans la réalité de Gaza...





                                 Les Frères  Siamois en musique par Katepudj & Monak à Tunis

           Qui accepterait de se voir rejouer la même agonie ? Qui supporterait de revivre la même scène de violence quand l’oubli du lendemain est un luxe que ne peuvent s’offrir les martyrs palestiniens faute de survivre jusqu’à demain...

        Quand le moindre incident prend la couleur d’un crime de guerre, ne reste à la plume, à l’écrivaine que le désaveu d’un phénomène banalisé et impuni : une vie qui s’éteint sans bruit sous le vacarme des bombardements, des tirs et des explosions.


Un suaire que personne ne peut dénouer

            L’olivier en Deuil de Fatima Maaouia vient en quelque sorte remettre les pendules de l’Histoire à l’heure : secouer la torpeur des observateurs disséminés de par le monde et qui négligeraient de poser les bonnes questions... à savoir le droit de tout peuple à jouir pleinement de son statut...

      Quelle pandémie mentale a agité la Planète pour qu’elle fasse l’impasse sur des accords qui devaient effacer les actes de barbarie entachant l’Occident et lui faisant toucher le fond de la bestialité, de la cruauté, de la tyrannie et de l’inhumain, après des siècles d’esclavage et de colonisation ?

          L’impitoyable revanche du ghetto ?

Un enfant assassiné en direct.

       Faciles à décompter, horribles à supporter toutes ces années d’exactions : l’orée du 3ème millénaire signe la mort en direct du jeune adolescent Mohamed Dorra en Palestine... Depuis, rien n’a changé...

    Fatima reprend la plume, au-delà même de ce sursaut du désespoir que ne peut apaiser aucune consolation. Qui ne serait hanté par cette exécution que la transmission télévisée a figée dans nos mémoires et qu’aucun amendement n’est venu blâmer par la suite... ?

La réponse a pour seul verdict que celui de la lâcheté.   


Quelle résistance  ?

      Peut-on encore écrire sur le meurtre gratuit, plus exactement sur le génocide d’un peuple dans le plus troublant des mutismes généralisés ?

     Fatima fait partie de ces auteures engagées qui n’ont jamais lâché, qui n’ont jamais failli à leur mission de contestataire publique quoi qu’il puisse lui advenir. En sachant pertinemment que son œuvre plus élégiaque... que consolatrice : porte en elle blâme, protestation, réquisitoire et coups de semonce que lamentation .

Un relais pour la paix

            Faisant deuil de toute consolation potentielle, tente-t-elle d’humaniser un brin ce moment ultime de l’enfant dont on arrache la vie. Les mythes de l’enfance, prennent le dessus grâce à cette présence duelle de l’adulte modèle...

       Alors, finissent-ils par la croire, les lecteurs... l’espace d’un instant... Comme si la fonction magique de l’enfance reprenait le dessus sur l’horreur...

           Mais le temps s’appesantit et lamine peu à peu ce qui reste de souffle.

Une aube pour demain ?   

         Pas le temps, ni l’occasion, encore moins le plaisir de tergiverser. Tout s’impose en URGENCE. L’écriture de Fatima est un SOS continuel, une dynamique, une dynamite aussi qui tranche dans le confort perpétuel des compromis. Elle se précipite au secours de tout souffle avant qu’il ne devienne dernier.

       Elle casse le son des mots, taillade dans les sens voisins, joue l’inadvertance par ironie, pour les enchaîner en salves de sentiments, de prise de conscience : véritables réquisitoires, ses poèmes mitraillent les échos de leurs voix, descendent dans la rue et manifestent à l’injustice.

..


Les enfants de demain

               Il n’est pas une image qui ne soit épargnée : construits en hyperbole, déconstruits en litanies, ses bribes d’écrits lacèrent l’inertie, l’hypocrisie des alliés mercantiles d’une guerre - officieusement déclarée - et donc cautionnée à perpétuité puisqu’elle assure le bénéfice juteux de ses fomentateurs.

        Mâchées comme des denrées rares, comme des boulettes de terre pour tromper la faim, ses expressions puisent dans les 2 contextes : celui de la langue algéro-tuniso-arabe qu’elle parle, mêlé à la francitude qu’elle gratte, griffonne, et grave des plus innovantes et courageuses des métaphores, multipliant les points de vue comme pour se faire l’écho du murmure des innocents, des badauds ignares, des pires crapules... et de ses convictions

       Ses poèmes, imbriqués dans le discours de ses multiples locuteurs, sans l’oublier, manifestent parfois une douceur extrême, celle de l’humanité recouvrée au milieu du désastre. "Demain" figurera-t-il comme UN possible face à la destruction annoncée... ? Fatima y pose sa pierre d’écrivaine pour dénoncer le présent et... énoncer l’avenir...


Fatima Maaouia 

          Froid dans le dos, larmes assurées aux lecteurs de cet écrit, de cette Palestine chérie, incontournable, attestée, libérée par les "trompettes de Jéricho" qui font trembler les murs...

Un article de  Monak

 

Tous droits réservés à Monak. Demandez l’autorisation avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.