Te fare te Anuanua
Te Fare Anuanua, le Centre Arc-en-Ciel LGBTI de Polynésie inaugure son local à Papeete ce 22 janvier 2022. Face au chevet de la Cathédrale, il existe, enfin, un lieu d’écoute, de réunion, d’information, d’entraide et d’assistance. Soyons lucides, les droits de l’homme sont loin d’être respectés – sur la terre comme au ciel, ajouterai-je, hélas ! – en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre : maltraitances, violences et ségrégations professionnelles ou sociales victimisent jeunes et adultes
Plus communément connue sous l’appellation Cousins Cousines de Tahiti, l’Association créée en mars 2007 rassemble toute diversité de genre : car il s’agit pour elle de promouvoir l’égalité individuelle pour tous, selon la norme légale et de traiter de toute forme discriminatoire. Notons qu’ici comme souvent ailleurs la communauté LGBT a mauvaise presse dans l’opinion publique. Grâce à la reconnaissance étatique, à son soutien, elle a enfin pignon sur rue.
Expliquer, comprendre : tout un programme |
Comme pour tout autre territoire de par le vaste monde, la société polynésienne se trouve confrontée à l’émergence de l’identité de genre, à sa légimité, à sa protection juridique et, à l’inverse, à sa discrimination. La notion n’est pas nouvelle : elle date du 19ème siècle où scientifiques et juristes se penchent sur la question. Ce n’est qu’à la moitié du 20ème siècle que la dimension humaine – biologique, psychique et éthique – sera totalement perçue.
Même la catégorie traditionnellement ancrée dans la culture tahitienne, attestée par les légendes depuis la nuit des temps, – les hommes efféminés ou māhū – ne sont pas plus épargnés par les mentalités comme dans la cellule familiale. Eux aussi se font agresser.
Nombre cris de détresse se font entendre sur le téléphone de l’Association, nombre appels… trop de situations dramatiques, d’agressions, de traques haineuses… insensées, aberrantes !
Un Refuge !
La différence inquiète ; pire, elle terrifie. Dans la pratique, elle exacerbe. Objet de déni, elle engendre toute une série de comportements malveillants et castrateurs. Chacun se targuant de mettre bon ordre à ce qui est réprouvé expéditivement par une soi-disant morale, surannée tout de même !
Inutile de décrire les maltraitances que peuvent subir tout Polynésien, fille ou garçon, en matière de rejet, d’abus ou de violence. Au collège, même si manquent totalement les statistiques, nombreux sont les adolescents dont le parcours est connu des copains et du corps enseignant et dont les signalements restent lettre morte : véritables esclaves sexuels ou domestiques au sein des familles, ils subissent les pires opprobres en raison de leur orientation identitaire.
Fugues, châtiments, représailles sont le lot quotidien de jeunes qui ne savent plus où se faire entendre, s’ils ne sombrent pas dans la dépression ou le suicide.
Petit local pour grands espoirs |
Bien que les différentes catégories soient répertoriées et normées du point de vue juridique, les parents s’attribuent le droit de jeter à la rue leur progéniture, pour des convictions religieuses ou par simple ignorance – interrompant leur scolarité – sans que les jeunes puissent demander protection auprès des services sociaux.
D’autre part le harcèlement « genré » ne touche pas que les mineurs, il sévit aussi dans le milieu professionnel.
Le tout étant soigneusement occulté : soit pour des prétextes moraux, perçus comme des tabous, soit par excès de pudeur.
Question de culpabilité ?
Les questions-tabous – celles que ne peuvent poser les enfants à leurs parents, celles que refuse d’entendre une bonne partie des adultes – génèrent chez les « personnes différentes » un complexe de culpabilité. Durant l’enfance, qui ne se sent pas en conjonction avec son corps de naissance ou avec une orientation sexuelle conformiste se sent rejeté, sans pouvoir même l’exprimer.
« Dans notre société du non-dit, ce dont on ne parle pas est perçu comme mauvais. Et si le désir devient discriminatoire, la souffrance est d’autant plus forte qu’elle n’est pas expliquée »
Face à l’inaction des instances éducatives ou des pouvoirs sociaux, à l’abstention ou la non-intervention des témoins de scènes d’agression physique ou verbale en groupe se légitime l’existence d’une telle association : elle est d’abord espace de parole. Ensuite espace d’éducation. Enfin, espace de protection. Destinée aux jeunes comme aux adultes qui s’interrogent, l’association remporte le Prix 2019 pour le projet : « Le livre pour l’égalité et éduquer contre l’homophobie »
L’identité à part entière |
Les cas de suicides pour « différence » étant pléthore en Polynésie, ainsi que les agressions discriminatoires, il est donc temps que la société polynésienne prenne en charge l’éducation des parents, l’information des éducateurs, la protection de chacun, quelle que soit son identité.
D’ici là, l’heure est à l’urgence. à signaler fort heureusement la prise de conscience et le sens de la responsabilité collective quand la récente 14ème Conférence des Femmes du Pacifique (avril 2021) soulève « l’égalité de genre ». Il ne faut donc pas désespérer !
Maltraitances LGBT font parfois l’objet de plaintes. Ce qui n’est pas toujours le cas et pose d’énormes problèmes aux mineurs du fait de la confusion entre autorité parentale et omnipotence. En principe, le préposé qui reçoit la plainte « doit » être un référent LGBT (dixit la loi depuis 2018 !).
Stop méfiance !
Ils sont différents, on s’en méfie ! Homophobie, transphobie : aversion pure et simple qui se traduit par du mépris ou de l’hostilité. C’est aussi un délit ! Et là, il semble que chacun s’en arrange sans aucun remords.
Santé physique, santé mentale ! il semble que le statut du genre soit à l’ordre du jour de la formation des professionnels de santé : « Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) remet ce jour son rapport - Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique - au ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier VERAN et à la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, Élisabeth MORENO. » (le 15 déc.2020)
Face au refus, au rejet, au déni, une éducation préventive serait la bienvenue au sein des établissements scolaires, car il en va de l’avenir de nos enfants. « Dehors, jetés à la porte, déscolarisés, SDF : c’est ce qu’on offre à ceux que l’on a procréés ? »
Des livres pour le dire … |
Ainsi, L’association, grâce à sa récente visibilité en plein cœur du Centre Ville de Papeete, se dote-t-elle d’ouvrages consultables sur place et qui puissent faire aussi l’objet de débats publics organisés. Des conseils, des questionnements : comment vivre sa différence dans un monde qui vous renie. Le droit à l’intégrité pour tous.
En ce jour d’inauguration du local, des parents se présentent déjà pour s’informer de la situation de leur enfant : un couple homosexuel vient chercher de la documentation pour garantir à leur enfant une forme de quiétude face au harcèlement qui pourrait lui advenir à l’école comme dans le voisinage. Rien n’est simple. Mieux vaut prévenir.
Les procédures de changement d’identité, les dépôts de plainte, les hébergements d’urgence, ce sera un autre jour – sauf impératif – l’heure est à la prise de contact.
La Raeraephobie tue… |
L’Association, actuellement présidée par Teriihauroa Karel Luciani, adopte ce principe de tolérance qui devrait être représentatif de la diversité de notre société : chaque genre ayant son siège au bureau, Shelby Hunter y représente les Trans.
Tout comme le paréo, vêtement unisexe – qui serait marque d’égalité – depuis des siècles dans la société traditionnelle polynésienne, souhaitons que cette sagesse ancestrale vestimentaire puisse prendre tout son sens symbolique et culturel et soit réappropriée par tous.
Un article de Monak
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https://www.radio1.pf/un-espace-associatif-dedie-aux-lgbtqi-pour-plus-de-visibilite/
http://assocousinscousinestahiti.blogspot.com/2010/
sur le genre : https://journals.openedition.org/revdh/755
https://www.facebook.com/cousinscousinestahiti
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