La Culture : Enfin !
L’AFIFO(Association du FIFO) a réussi un coup de maître, a su mobiliser ses partenaires malgré la covid. La Culture enfin ! Et avec un grand "C" ! Celle de l’engagement et de l’authenticité. Pour sa 18ème édition, le Festival International du Film documentaire Océanien nous la sert sur un plateau ! Et pas des moindres : ce n’est pas de la tarte… Le programme n’est pas franchement rigolard. Le documentaire, c’est tout de même une incitation à réfléchir, à s’informer, à apprendre ! à vous émouvoir sur des situations plus qu’éprouvantes (hélas !).
Le public polynésien, alias "fifoteurs", bien rôdé depuis les premières années du 21ème siècle et partie prenante de l’engagement des fondateurs à faire fonctionner une plateforme de visibilité internationale où se dire, exprimer sa réalité, ses aspirations, émettre par soi-même, rétablir la vérité sur les mensonges et les détournements de l’histoire géopolitique, attend avec beaucoup d’intérêt ce rendez-vous annuel de février. Curieux de découvrir ce qu’on lui cache derrière la barrière de corail, impatient de se reconnaître identitairement chez ses frères du Pacifique, de se réapproprier une image qui ne soit pas déformée, il ne s’en lasse pas. Même virtuels, malgré l’absence réelle qui crée les liens, les cinéphiles en redemandent.
Le 5ème continent des documentaristes a répondu présent à l’initiative de Tahiti, malgré la récession, malgré les difficultés de produire. Une 18ème session exclusive sur le net où réalisations, colloques et autres prestations, sont à portée de main, au choix du click : internautes à vos claviers ! Pas de guichet fermé pour les cinéphiles : pas de déception d’audience ! Et que cette opportunité de l’accessibilité mondiale d’un festival perdu dans le Pacifique Sud puisse se proroger pour la prochaine session !
Le OFF : du Pacifique aux Caraïbes… |
Une session qui ouvre à grand fracas international les portes de l’exceptionnel et entre à plein dans l’histoire évolutive d’un FIFO particulièrement affecté et affectionné.
FIFO de tous les défis
Toujours est-il que les organisateurs se révèlent au top de leur tâche : investis depuis des mois, ils en récoltent déjà les fruits, de par l’affluence des internautes aux premières heures de la diffusion des programmes du "Off" et du "Short". À déplorer cependant, la panne réseau des abonnés de la fibre optique : elle a bien eu lieu sur l’agglomération de Papeete, en ce 1er jour de la diffusion des films "en compétition" qui ouvre avec panache le Festival. Dans le pays aux abonnements internet les plus chers du monde, la hotline peine à rétablir le contact. Ceci n’étant pas imputable au FIFO !
à déplorer aussi les dégâts dits collatéraux de la covid qui ne font que plonger davantage le pays organisateur, le pays d’accueil, Tahiti et le continent dans la crise économique : le FIFO, manifestation de la culture vivante, de la culture en marche, celle qui se crée à partir des rencontres, accuse un déficit. Une grande partie de l’infrastructure qui fait vivre le FIFO n’a pu être mise en place, vu les restrictions sanitaires. Seuls les participants actifs de l’événement, le jury, les animateurs de colloque et les médias sont à pied d’œuvre. Adieu donc les emplois temporaires qui venaient prêter main forte au bon déroulement de l’événement.
à déplorer enfin & plus que jamais avec le Président « virtuel » d’un jury « virtuel », sous « la maigre peau des apparences, la victoire sans appel des plateformes* » numériques : comment tolérer encore ces plages de pub qui émaillent chaque accès au visionnage des films ? Et comme le souligne Luc Jacquet, président confiné : « Quel point de vue différent peut tolérer un média dont le seul but est de vendre de la pub au plus grand nombre ?* »
Miriama Bono : la "Force vive" de l’AFIFO |
Adieu donc la convivialité, le brassage international des foules, la prodigalité des partages interculturels. La proximité avec les professionnels, la familiarisation avec le quotidien du tournage : les incidents, comme la richesse des personnalités anonymes captées à l’objectif, comme les angoisses vécues derrière la caméra. Adieu pour un temps seulement, la parenthèse du Festival qui retrouvera son espace festif dans un an. Reste donc le "live" diffusé en direct sur écrans. Parallèlement, une réduction prévisible de la visibilité des programmes en milieu scolaire, les conditions n’étant pas toujours optimales pour mener l’action pédagogique attendue. Demeurent les solutions de remplacement et les aménagements que parviendront à inventer les récipiendaires de la culture cinématographique.
FIFO à l'affiche
En cette période qui ouvre l’année 2021 sur un nouveau confinement de la métropole française et la fermeture de l’espace aérien polynésien, il y a de quoi hurler à l’incompétence et à l’inconséquence des instances dirigeantes. La culture se trouve piétinée sans état d’âme, privée des moyens qui la font vivre et se trouve vouée au rôle de bouc émissaire agonisant des gestionnaires de la crise qui en agitent les pseudo résolutions en toute imposture.
L’AFIFO par contre, et c’est tout à son honneur, a su faire preuve d’une ingéniosité sans pareille. Le 18ème FIFO a accouché dans la douleur de solutions de remplacement tronquées et fait contre vents et marée et mauvaise fortune bon cœur ! Le programme se voit amoindri quantitativement, mais non qualitativement.
Le plateau-colloque scénarisé au Petit Théâtre |
Dans l’ensemble, par dépit, humeur ou en raison du contexte global peut-être, la sélection semble affectée du critère de la contestation. Le FIFO assume donc sa part d’agitateur culturel dans la sphère pacifique et mondiale. Dans nombre de films ressort et s’exprime cette exaspération qui ébranle la planète, et particulièrement les états océaniens. Finie l’aimable politesse du dominé, le dominateur se trouve pointé du doigt sans ménagement. La colère gronde et l’âpreté réprobatrice ne ménage plus les fauteurs de trouble.
La parole de l’image se libère et dénonce. Va-t-elle être entendue et prise en compte par ceux qui cherchent encore à la museler ? Quelles conséquences vont découler de cet état de fait ? C’est peut-être ce que révèleront l’avenir proche de la planète et la prochaine session du FIFO.
Un premier coup de chapeau à Miriama Bono, présidente de l’AFIFO, pour avoir tenu bon, s’être saigné les veines, avoir « endossé les règles implacables* » des contraintes sanitaires, ramé à contre-courant pour réussir ce DéFI incroyable ! (p. 12. du programme : édito de Miriama Bono). Le jury, constitué de ceux qui n’ont pu passer qu’en partie au travers des mailles de cette forme d’"assignation à résidence" que prennent les confinements divers, relève du choix par défaut. Remercions tout de même les membres du jury d’avoir donné de leur personne pour faire aboutir le FIFO.
C’est donc dans une ambiance morose que démarre ce 18ème FIFO. Reconnaissons que les organisateurs se mettent en quatre pour rebondir et porter haut les couleurs de la création documentaire océanienne et des peuples concernés. Et chapeau pour ceux qui, clament les valeurs « indispensables* », « la chaleur des salles* », « l’humain* », ces cultureux « classés non-essentiels* » (sic Luc Jacquet) Merci encore et bravo !
Un article de Monak & Julien Gué
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NB – les astérisques (*) reprennent les citations de l’édito percutant signé Luc Jacquet, président du jury du 18ème FIFO. (Cf. le programme édité par l’AFIFO)
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