Le poulet fāfā
Parler de
cuisine traditionnelle en Polynésie, c’est dire aussi que les recettes se
transmettent de génération en génération. Dans la famille de Lola, originaire
de l’Île Vanille, chacun des membres peut prendre en charge le mā'a ou
repas : pas de distinction de genre.
Le
« poulet
fāfā », mets bien connu et affectionné, allie volaille, feuille et fruit
dans un onctueux et savoureux dosage. Energétique, il ne se concocte dans la
parenté de Lola que pour les grandes occasions. Chacun ses
rites culinaires !
Donc, pour vous faire part de cette
recette à la saveur et au fumet délicatement délicieux, nous laissons la place
au savoir-faire. Cette petite série gastronomique s’intitule : « Les
recettes à Lola »….
Une recette typiquement locale
Le « poulet fāfā », recette
tutélaire, n’utilise que des produits locaux : poulet, fāfā et lait de
coco pour l’essentiel. Voyons-en l’origine.
Le
poulet aurait laissé des traces il y a plus de 3 000
ans
dans les archipels du nord-ouest (Vanuatu) et à l’est du Pacifique (Tonga). Il
y aurait été introduit avec les premières vagues d’immigration : mais ceci
est une autre histoire… que présentent
différents sites archéologiques ou universitaires.
Quant
à notre coq
bankiva,
l’espèce qui résiste et se développe sur la plupart des archipels de Polynésie
française : il est doté de spécificités à nulles autres pareilles. L’animal
vit en liberté dans les jardins, en ville et dans les forêts. Son vol est
performant et il chante de jour comme de nuit ; excepté à la saison des
pluies quand s’épanchent les averses. Pour
ce qui est du poulet, si vous n’avez pas la chance d’en attraper un, les
supermarchés et les petites boutiques vous fourniront des produits d’élevage
local ou importés d’Australie.
Pour
qui ne dispose pas de fa'a'apu, le fāfā fait partie des légumes de base en
Polynésie, abondant sur tous les marchés. Pour la consistance et pour le goût,
il est comparable à l’épinard (légume-feuille) dont la tige fond à la cuisson. Il
peut être remplacé par le taruā, autre genre de tubercules. De plus il est
pourvu d’une onctuosité qui le fera
utiliser dans des agrémentations bien surprenantes comme les desserts.
Si
vous ne faites pas partie de ces cuisinières athlétiques qui font leurs muscles
en râpant la chair des noix, le lait de coco est disponible en bouteille dans toutes
les petites alimentations du fenua. Avec
ces trois ingrédients, dont le dernier est un fruit qui entre dans la
composition des plats salés ou sucrés, vous êtes assurés de vous régaler
typiquement naturel.
« La recette à Lola »
Pas
la peine de vous embarrasser d’une batterie de cuisine, ni d’ustensiles
sophistiqués. La recette s’adresse aux gourmets amateurs. Lola, vient de
recevoir ses derniers SMS, juste pour confirmer la véracité de sa recette :
ce n’est que peu à peu que nous ferons apparaître les petits secrets gourmands.
Il
faut savoir avant tout que les proportions sont à adapter aux appétits. Une
portion tahitienne équivaut à deux portions métropolitaines. A vous de
jouer ! Pour 3 personnes, Lola fonctionne au feeling.
La
botte de fāfā
1.
Disposez
sur la table, une magnifique botte aux feuilles vertes qui diffusent encore les
rayons du soleil. Détachez les tiges et retirez-en la mince pellicule qui se
tortille en volutes : taillez-les à la dimension d’un bout-filtre de
cigarette. Tranchez les plus grandes feuilles en deux. Lavez.
2.
Plongez-les dans une cocotte d’eau bouillante.
Laissez bien cuire jusqu’à ce que les feuilles se foncent : entre
« vert épinard » et « vert Véronèse ». Soit une bonne
demi-heure. Laissez égoutter.
3.
Remplacez
par les tiges coupées en dés. Vous savez qu’elles sont cuites quand elles s’engloutissent
dans le fond de la marmite. Faites égoutter aussi.
4.
Emincez
en lamelles la moitié d’un gros oignon. Déjà, chatouillent vos narines, les
effluves mêlées de vos végétaux…
La « Recette à Lola », c’est ça ! (montage)
Le poulet
1.
Pour
ne pas y passer la matinée, même dans le cadre le plus paradisiaque des fare ouverts à toute brise, choisissez du
poulet désossé de préférence. Il ne vous reste plus qu’à le couper en petits
cubes approximatifs.
2.
Laissez
mariner dans un mince filet de sauce de soja, colorant la viande d’un léger
hâle. Salez
3.
Dans
une poêle, faites rissoler avec un peu d’huile, une petite partie des oignons.
Puis ajoutez les morceaux de poulet.
4.
La
préparation est prête quand les lamelles d’oignon ont fondu : c’est
magique ! Il est indispensable de goûter et de faire goûter autour de
vous, même s’il est encore tôt, même si vous en êtes encore à l’heure du café
qui accompagne votre tâche. Sinon, la cuisinière se vexe !
Le
lait de coco et le plat à dresser
1.
Dans
un plat creux ou une marmite à couvercle, le principe est celui de la couche :
disposez d’abord les morceaux de poulet
2.
Puis,
masquez-les avec toute la verdure
3.
Ensuite,
décorez avec les lamelles d’oignon.
4.
Enfin,
arrosez le tout avec le tiers d’une petite bouteille de lait de coco.
5.
Couvrez !
Enfournez ! Pendant une bonne demi-heure, davantage si vous préférez une
consistance un peu plus croustillante. Et n’oubliez pas de couvrir… pour que le
mets garde une apparence de ragout.
Il
va de soi, tandis que le plat mijote, que vous puissiez vaquer à d’autres
occupations ou toute autre forme de loisir. C’est le moment de se plonger dans
la lecture de votre quotidien préféré.
Pardon !
Après avoir sacrifié à l’urgence de la vaisselle, car vous avez tout de même
utilisé : une planche à découper, un couteau, un saladier pour le légume,
un autre pour la marinade, une assiette pour l’oignon, une cocotte, une poêle,
un égouttoir appelé ici « épuisette », une spatule, une écumoire, une
cuiller en bois…
Mais
il va de soi aussi que la plonge n’implique pas la cuisinière en chef, mais son
aide conjoncturel.
Les tourments de Lola
La
première préoccupation de Lola, outre l’anxiété que réclame toute offrande
culinaire, car il s’agit bien de cadeau des papilles, quand on aborde cette
vaste opération gastronomique, se situe au niveau des temps de cuisson et de la
réaction des divers ingrédients.
La
seconde, qui est caractéristique des feuilles de taruā, c’est qu’il faut
réprimer vos envies et vous retenir de vouloir goûter les feuilles de fāfā cru. Elles
seraient toxiques ! Nous n’avons pas essayé.
La
troisième, qui n’est pas la moindre, est de vérifier que la bouteille de gaz ne
vous lâche pas en cours de route… Nous avouons que ce léger incident ne nous a
pas épargnés !
La
quatrième, consiste à vider l’eau de la cocotte, ce qui s’énonce ainsi :
« Il me faudrait chavirer mon
eau »
L’avant-dernière,
si vous ne disposez pas de couvercle pour couvrir le plat au four : c’est
que la préparation risque de gratiner et que le mets s’expose à ressembler à un
flan. Ce n’est pas plus mauvais. Et ce pourrait être une variante. La cuisine
est toujours une alchimie !
La
dernière consiste en un souhait de Lola, émis avec la plus profonde humilité :
« Et bon appétit, les amis ! »
Le ballet des mains
de Lola
Quant
à la cuisine tahitienne, elle se pare de toute une harmonie gestuelle.
Rassurez-vous !
La recette est effectivement simple. Elle demande juste un peu d’attention.
Un article de Monak
Tous droits réservés à Monak. Demandez l’autorisation
de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet,
dans la presse traditionnelle ou ailleurs.
-MĀ'A : Nourriture en général, aliment, repas.
-FĀFĀ : (Racine : FĀ =
PETIOLE). Jeunes tiges de "taro" ou "taruā" destinées à
être mangées comme des épinards. Le POTA est fait avec les jeunes feuilles. Cf.
FĀ (2), R"'AU -
FĀFĀ PAPA'Ā = Epinards.
- POTA : 1°) Tout légume vert : chou,
chou-chinois, salade, feuille de "taro", de "taruā".
2°) Plus proprement,
jeunes feuilles du "taro", "taruā" et "kararū".
Cf. FĀFĀ, RŪ'AU.
-FA'A'APU : Plantation.
E fa'a'apu taro tāna i Papeari = Il a une plantation de "taro" à
Papeari.
- FARE : Maison, case, bâtiment.
- FENUA : 1°) Ile, pays. 2°) Terre,
domaine, propriété. 3°) Terre, séjour des hommes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Cet article vous a fait réagir ? Partagez vos réactions ici :