Un chorégraphe à fleur de peau
Moment magique, inoubliable, présence extraordinaire,
pétillante de vie, de chaleur humaine et de maestria. Dithyrambique je vais
être mais profondément sincère.
Pas de photos, pas de vidéo… mais tout est là, ancré
dans ma chair, ma conscience, mon expérience d’interprète en danse contemporaine.
Et rien ne pourra me faire renier cette chance de témoin pour cette répétition
publique dans les studios du Pavillon Noir
d’Aix-en-Provence.
Deux sur le plateau, « deux hommes »,
précise Angelin Preljocaj sourire malicieux en guise de bienvenue à l’assistance
et de présentation : Fabricio et Baptiste, ses « célestes
Mustangs ».
Angelin Preljocaj
Dans le silence acquis par ce clin d’œil, un brin de
voix qui ne se départira pas de son calme et de sa chaleur, tout du long de la
répète.
Au festin de cet été indien, l’étincelle de la
complicité fulgure à plein entre chorégraphe
et le duo, d’un niveau et d’un répondant incontestables : action/réaction
au quart de tour.
Comme pour s’excuser de ses exigences, Preljocaj nous
commente ses arrêts, ses relances, se reproche sa tyrannie, lançant un bon gros
mot d’autodérision pour détendre la tension. « Car ce n’est pas facile
pour eux de se commettre en apprentissage sous vos yeux ».
Centaures, images en gémellité
Rien d’hautain, tout en douceur, l’empathie au cœur
étaie son duo de Centaures,
galopant et piaffant sous l’effort. Et le miracle opère. De la neutralité
initiale ils passent à une prise en charge assumée. La phrase gestuelle se délie,
se tonifie, se contraste, flashe en accents. Le mouvement prend du caractère.
La beauté affleure.
Avec toute son humilité de star palpitante à l’écoute des
corps, de son pupitreur Youri et de ses partenaires, en courtes pauses
ponctuant l’effort, il se réjouit du talent des danseurs et s’émerveille, comme
la toute première fois, à la musique de Györgi Ligeti qui a inspiré ce ballet.
Avec tout autant d’humilité reconnaît-il que puiser
dans un répertoire déjà daté n’est pas régresser. Mais je le soupçonne, avec Les Centaures (1998), tiré de son
ballet-phare, de ne pas se lasser de sa symbiose avec La Peau
du monde.
Funambule du rêve
Cool dans ses godasses, Angelin ne se contente pas de
visualiser et de diriger, il démontre. Et là ! Respiration coupée, la
salle se suspend en apnée.
Preljocaj en solo dans "Le
Funambule" de Genet
Tout en vibration, en sensibilité : dans ce décor
nu et sans projecteurs, il nous transporte déjà dans les aubes radieuses du
spectacle.
En « impulsion d’archet » ou d’archer (!?!),
il est à la fois l’un et l’autre de ses danseurs, de ces
« hommes-chevaux », de ce mythe « biomécanique » :
tout en « gémellité ».
« Lorsqu’il n’y aura plus rien
Lorsqu’il ne restera plus que le désert, le sable, et le vent
Lorsqu’on aura défroqué le monde
Soigneusement rasé la pilosité terrestre
Quand la vallée nue comme un ventre
Sera fendue par le soleil de midi et la gelée de minuit
Quand la Nature aura perdu sa nature
Que la terre comme une boule de cuir
Tannée, usée, séchant au fil du temps
Sera le dernier territoire des cavaliers
Les hommes debout entre chien et dieu
N’auront de cesse de trouver l’air qui leur manque
Et leurs poumons sauront trier le sable
Inévitablement mêlé à l’air brûlant
L’eau sera l’or, l’or sera la boue
Et les cavaliers aux chevaux morts
Péripatéticiens fatals aux rêves de galops
Seront des derniers à penser le monde
Il ne leur restera alors qu’à tout réinventer
Grâce au vide, au silence, au désert
Et profiter de cette nudité extrême
Pour se coucher au sol contre la peau du monde »
Les Cavaliers
Angelin Preljocaj
|
La même sensibilité
dans les mots
Net, rapide, précis, à bloc, fulgurant. L’émotion
jusqu’au bout des figures. La perfection au…
Ce n’est pas pour nous surprendre qu’il s’est lancé
dans un solo, il y a moins de 3 ans : Le
Funambule
où il réalise chorégraphiquement, comme une peau qu’il endosse, le texte
qui l’a toujours obsédé : mêlant monologue et mouvement.
Dans la veine de l’humour preljocajien et afin de
réjouir nos amis polynésiens, son Haka
de danseuses (2007), pour recevoir les All Blacks.
Haka pour talons-hauts
Un voyage dans
la peau de l’autre…
Un article de Monak
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