Tunis, entre mer et désert
Depuis la nuit des temps,
les Tunisiens expérimentent l’imbrication des mondes… Et ils s’accommodent de
cette confrontation incessante à d’autres cultures. Au paléolithique, leurs
ancêtres préhistoriques franchissaient le détroit de Sicile à pied.
C’est presque
exclusivement dans la partie nord du pays que s’implantent les différentes cités
souveraines qui assureront la notoriété de la Tunisie, c’est aussi là que
s’effectuent les échanges. Une petite entorse avec cette ville centrale de
Kairouan qui fut capitale pendant deux siècles, juste après la conquête arabe
au 7ème siècle.
Bab El Bahr : la porte de la
Mer
La région, quelles que soient les variations de
son étendue – de territoire nomade fluctuant à Empire circonscrivant la Méditerranée - reste résolument tournée vers la mer.
La tribu autochtone numide
des Maxitani va attribuer son nom originaire à la future capitale de la
Tunisie. "Ténès" signifierait, en berbère, «campement de nuit», «bivouac»
ou «halte». Elle n’est au début, qu’une simple étape avant de se voir annexée à
Carthage, au cours du VIIIe siècle av. J-C.
La toponymie antique
lui associerait différentes localités berbères aux noms similaires et
disséminées sur les grandes voies de communication de l’Afrique romaine.
Totalement détruite, comme Carthage, à l’issue de la 3ème guerre
punique (146 av. J-C), rebâtie sous
l’Empire Romain d’Auguste, elle assura l’évêché de l’Eglise d’Afrique. Vandales,
Byzance, le Patrice Grégoire, des périodes alternativement sereines puis
troublées.
Devenue 2nde
ville de l’Ifriqiya à la conquête et sous l’instauration des califats aghlabides
(VII-IXe siècle), le terme évoluera en arabe en "Tounes", -"Tounes
el Khadhra – Tunis la Verte".
Arcade arabe au Dar Ben Abdallah |
Avec les dynasties
berbères des Almohades, elle passe au rang de capitale en 1160 et le reste sous
l’hafside jusqu’en 1574. Une période d’incursions maritimes face aux croisades suivies
de paix et de prospérité.
Tunis : un nom, des échos
Ouverte vers le
port, à Bab El Bhar –Porte de la Mer-, la vieille médina s’entoure d’une
enceinte, englobe les faubourgs de Bab Souiqa et Bab El Jazira et dote sa capitale
de la Kasbah, le centre gouvernemental.
La capitale, la
tête dans les rivages italiens… excentrée vers le nord du pays, devient le
premier centre commercial du Maghreb, va jusqu’à cosigner des traités de
cohabitation confessionnelle avec la France entre autres (1270).
En conséquence,
objet de convoitise pour L’Espagne et la Turquie, soumise finalement par la
«Sublime Porte» que chevauchera le protectorat français à partir de 1881, elle
sera le théâtre de l’Occupation allemande (1942), puis de la libération
britannique (1943).
Statue équestre du retour triomphal de Bourguiba le 1er juin 1955 |
Le mouvement de libération nationale secoue la
capitale entre guérilla, répression, émeutes, grèves, sabotage et exécutions,
jusqu’au 20 mars 1956, jour de l’Indépendance (qui ne se résoudra vraiment
qu’une dizaine d’années plus tard).
C’est la grande avenue, avenue du
« Leader » ou « Combattant Suprême » et premier Président de la République, Habib Bourguiba,
qui semble tirer un trait entre passé et futur, entre vieille ville et modernité, entre ville
médiévale et ouverture vers le lac qui conduit au port.
Parmi les nombreuses personnalités artistiques ou
renommées depuis l’Antiquité, rares sont les Tunisois. Aux deux extrémités de
l’Avenue qui parcourt la ville moderne, deux figures se font face.
Tunis, des notoriétés
Le sociologue, philosophe, diplomate et historien de la fin du moyen-âge, Ibn Khaldoun, le dos tourné à la médina, est bien l’un des seuls nés (1332-1406) et représentés à Tunis. Comme pour signifier que les figures notoires sont issues d’horizons variés ou achèvent leur destin dans des contrées qui peuvent être lointaines : Hannibal meurt en Bithynie (Turquie), Ibn Khaldoun au Caire.
A l’autre bout, la statue équestre du retour
triomphal de Bourguiba (1903-2000), après son incarcération politique à l’île
de Groix, débarquant du port de La Goulette, se réapproprie sa Cité.
Un sociologue médiéval moderniste : Ibn Khaldoun |
Bourguiba semble avoir subi quatre
« escamotages » successifs. Le premier, dû à un l’emprisonnement pour
raison d’Etat, par la France. Le second, pure et simple destitution par son
successeur qui lui confisque le pouvoir. Le troisième, déboulonnage de la
majorité des statues souvent équestres qui le représentaient moins d’un an
après le coup d’Etat du 7 novembre 1987. Le summum aurait été la diffusion à la
télévision nationale « d’intermèdes animaliers et de couchers de
soleil », le jour du décès de Bourguiba.
Peut se constater en effet, quel que soient l’investissement
et l’importance de leur rôle national et international, que les deux derniers présidents
de la république tunisienne ont cultivé le culte de la personnalité. Pas une
échoppe qui ne fut placardée de l’effigie de chacun des chefs d’Etat. Par
contre, Ibn Khaldoun ne figure que sur les billets de 20 Dinars Tunisiens.
Tunis : une cité maritime contemporaine |
Si le
gouvernement provisoire a évoqué, au cours du printemps 2011, le retour de la statue à l’avenue Bourguiba,
il n’en est toujours rien. L’emplacement a été occupé par une horloge – unique
au monde - qui marquait le 7 à la place du 6, puis qui a été remplacée par une
horloge obélisque.
Tunis à l’heure de la révolution
Quel que soit l’arrondissement, sur les quinze
que compte la capitale, qu’il soit situé dans les plus anciens quartiers de
la Medina ou appartienne aux nouvelles cités, tous ont participé à la
révolution qui a abouti au départ du dictateur le 14 janvier.
Si une période de renouvellement des perspectives
politiques, d’analyse et de doléances a été menée par de simples citoyens
concernés par les différents secteurs de
la vie du pays, elle a occasionné une vague de création artistique et culturelle envahissant le pays, comme pour l'inciter à se reconstruire… Elle a tenu malgré et face aux véritables pressions et menaces
exercées à l’encontre de la liberté d’opinion, d’expression,
sanctionné par le verdict partiel
des urnes en vue de la Constituante.
Si, presque une année d’exercice de la
liberté s’est petit à petit installée dans le quotidien, il semble que la
population de la capitale, se retrouve dans une situation de surveillance
réciproque et de censures de tous genres au nom d’une morale rétrograde.
Une ruelle de la médina de Tunis |
Les droits fondamentaux semblent
menacés : celui de l’égalité des sexes dans tous les domaines de la vie quotidienne,
tout comme le bien-être des enfants qui deviendraient in-adoptables, des femmes
qui n’auraient plus le choix du célibat, pas plus que de la mode vestimentaire.
A Zine El Abidine Ben Ali qui avait tenté de saper le « code du statut
personnel » attribué aux femmes depuis l’indépendance, semble succéder une
mentalité qui voudrait rétablir des valeurs datant de la 1ère moitié
du moyen-âge.
Ce travail de l’ombre, tout en se référant à une loi archaïque, se substitue à une totale incompétence juridique des élus.
Ce travail de l’ombre, tout en se référant à une loi archaïque, se substitue à une totale incompétence juridique des élus.
Un article de MonaK
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