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dimanche 30 juillet 2023

FIFO BLUES signé HBH


SUR LE MODE ORALITURE **

 

                    "FIFO BLUES, Chroniques Océaniennes" inventorie en partie, sur un déclic, une feue session du festival : écho mêlé entre rumeurs du Pacifique et humeurs de son fidèle cinéphile et auteur, Henri Brillant Heinere. Le titre l’annonce : rubriques entachées de nostalgie autour de l’événement cinématographique qui rassemble toute l’Océanie. Avec ce livre édité par ‘Api Tahiti, nous pénétrons dans l’univers d’une écriture à fleur d’émotion.

          Car l’ouvrage de HBH baigne dans l’atmosphère, à la fois personnelle et conviviale, propre à la collectivité polynésienne

 

             Question de personnalité, sans doute, mais aussi de détermination et de choix. L’auteur, trilingue -dont le reo tahiti-, connaisseur, praticien et enseignant, est rompu aux antipodes de la transmission verbale entre littératures océaniennes et occidentales - anglophones, francophones et autres racines antiques -. Délaissant le rationalisme exclusif de l’écrit, conforme à ce genre d’analyse, propre à la Métropole, il rejette tout académisme qui s’attache au seul contenu : et de ce fait, nous dévoile ses inclinations naturelles.  En fait, un auteur qui dialogue ouvertement avec lui-même et avec son lecteur potentiel.

      Privilégiant le tribun dans son écriture, il s’inscrit dans la mouvance propre au mode de transmission ancestrale insulaire : l’ORALITURE, et son bémol ici manifeste qui nous la livre, couchée sur le papier...

 

L’oraliture appliquée

             Évidemment le terme d’oraliture ne concernerait que les «créations non écrites et orales» à l’instar des « légendes, contes chantés, devinettes, prières, chansons sacrées, chants de travail, de carnaval, chansons politiques, audiences», autres rituels de bienvenue ou de présentation ou toute autre forme d’apologie et toute prise de parole concernant la vie familiale ou sociale en sphère océanienne... FIFO BLUES s’écrit tel qu’il se parle.

         Avec quelques particularismes du franitien (franco-tahitien) comme le sens du terme «chavirer» (p.22)

         Le livre de HBH, construit sur le mode d’un discours oral ininterrompu, organisé,  répondrait aux attentes d’une audience attentive. Ne se ménageant aucune faveur, ni faux prétexte alambiqué poli, il dresse d’emblée son autocritique (p.20) ; il présente des excuses, pour manque ou oubli (53...) à son public fictif. Il l’interpelle à propos de ses mobiles, le prend à témoin sur ses impressions personnelles, autant que de l’objet de son analyse.  

         Le style, la structure globale viennent puiser aux sources de l’expression en langue tahitienne pour se voir transposés, tels quels en français.

 

FIFO BLUES & Henri Brillant Heinere  

        Fifo Blues passe donc directement de l’oralité à "l’oracriture", une transcription  destinée à un interlocuteur au bagage intellectuel plutôt robuste, avec ses références étymologiques, ses allusions linguistiques, ses termes spécialisés et son lexique sophistiqué Différentes tonalités s’y succèdent et pourraient facilement se faire entendre à la lecture orale.

       Dans son ensemble, la forme peut s’associer à l’Essai dans son aspect primitif à la Montaigne, tant il prend les marques de la personnalité de son auteur, tant il s’appuie sur le narratif pour se donner une interprétation philosophique, et enfin, tant il introduit le doute.


Du complexe au simple

         Cet essai, analytique, ne traite pas de façon rigoureuse et exhaustive du fait cinématographique en Océanie, mais fluctue en fonction de l’actualité internationale la plus prégnante : de la même façon qu’un orateur ou orero ferait l’apologie de cet événement, digressions incluses …

     Avec le label FIFO une critique pourrait se faire attendre. Elle est bien présente, plus ou moins appuyée, scientifiquement fondée, mais emprunte la forme bien spécifique de "l’oraliture". Les paramètres textuels du genre critique -de type informatif, narratif et argumentatif-  sont scrupuleusement respectés. Ils sont agrémentés de la tonalité oratoire propre à toute prise de parole en Polynésie.

       Le livre baigne à plein dans le domaine de "l’oracriture".

 


L’un des déclencheurs de l’écriture...

           De même que HBH s’est fait tatouer la plume d’écrivain sur l’avant-bras, de même, aucune peine à nous persuader que ses graphèmes, "encrés" sur la page blanche « sont un écrit qui parle» : renouant ainsi avec la tradition. L’oraliture convie toute une symbolique tirée de la réalité vivante d’un acte de parole, porté, partagé, ou démultiplié par les porteurs : tel celui qui «parle au feu» (50). La parole n’est pas gratuite. Seule sa nécessité lui fait rompre le mutisme.

         Le tiki figurant sur la couverture, accorde au livre un sens sacré : celui que prend naturellement toute parole qui rompt le silence et «se partage une responsabilité culturelle» (105). L’ouvrage débute par un «rêve prémonitoire en forme de poème»(5) : sorte d’adresse lancée à la nature, par le biais de ses oiseaux chanteurs, pour que l’équilibre vital évite de se rompre. La musique est donc présente, en couverture aussi, pour rappeler ce qu’est le Blues.

 

Lecture publique de FIFO BLUES 

        Et directement, par le feuillet «HOMMAGE» (9) nous sont offertes quelques bribes de la généalogie de l’auteur, tout comme par le passé, le Haere no Po : rituel de présentation. Suit le sommaire, pour finir d'exposer l’ensemble des thèmes ainsi que les interlocuteurs, que conclut l’«AVANT-PROPOS»(17) où l’auteur affiche ses raisons d’écrire et le déclencheur de ce livre. Soit 23 pages / 195 de préalables avant d’entamer le propos central.

        À ce préambule répond en parallèle et au final un agencement similaire en une vingtaine de pages où figurent : une traduction en anglais dans une IVème PARTIE, soit 1 chapitre (171-177) -correspondant au 1er chapitre de la IIème partie - ; un poème en prose ou Vème PARTIE : «PATUTIKI» (179-18) ; un «ÉPILOGUE» (183- 192) ; un hommage à Mame Michèle de Chazeaux (193-194) ; et des remerciements paraphés (195).


Critique stricto sensu ?

         Les critiques structurées par une thématique-clé au titre évocateur regroupent plusieurs films par chapitre ou partie. La sélection établie sur des coups de cœur ou des convictions.

        Trois PARTIES inégales pour émettre une critique des films du FIFO : chacune des 2 plus courtes (1ère & 3ème), dotées d’un titre. La Partie centrale ou IIème PARTIE (41-169), comporte VI chapitres intitulés : «La question aborigène soluble... ; «Bizarre, vous avez dit... ; «Héritage des ancêtres (Tupua) ; «Un monde catastrophique dans un Paradis en danger ;  «Sexualité protéiforme en Océanie-Pacifique ; «Richesses naturelles contre pauvreté d’âme.»

      La 1ère (25-40), ou TERRORISME..., se conforme seule à une structure numérotée, encadrée par Préambule, Conclusion & Glossaire : 1. esthétique visuelle, 2.Figures du récit, 3. Terrorisme & idéologie, 4. une philosophie nouvelle.

        La 3ème (165-170), focalisée sur une sélection-FIFO 2018, aborde la musique aborigène sous le thème «Transmission Orale».

 

18ème session du FIFO, Tahiti 

           Nul souci de similitude entre masse textuelle, logique ou contenu de chacun des chapitres : parfois l’analyse colle au scénario, parfois elle prend du recul et s’octroie une dimension ethnographique, sociale ou philosophique. Le déséquilibre se justifie au gré de la réflexion de l’auteur ou suivant les références qu’il accumule dans des domaines voisins.

       Il ne se lasse pas de diversifier son approche et de multiplier les points de vue : du personnage central aux témoins potentiels de n’importe quel continent. Car l’enjeu est de taille, pour lui, comme pour tout "orateur de l’urgence" : convaincre, du moins mobiliser l’opinion publique. Parfois une fin ouverte par une question auto-centrée (65) ou ciblant son destinataire-lecteur (90) : «Le 3ème Millénaire étant en manque d’amour universel, «ne suffirait-il pas d’un Infime Miracle»  ?

      Ainsi se justifie ce mode d’écriture discursive, où chaque idée cruciale est mise en valeur par une majuscule initiale (comme ci-dessus).

 

Mission accomplie

      La présence du locuteur est constante, une forme d’engagement : soit par des marqueurs grammaticaux que sont les pronoms qui l’identifient, soit par des indices spatio-temporels qui le localisent (le «dîner» 18). De même interviennent les marqueurs sémantiques qui le précisent («mon premier livre...» 19), comme l’usage des verbes de perception («Tous les jours, le FIFO m’envoûtait», 21) et les nombreuses reformulations : «Le monde physique passe d’abord par l’œil, l’organe des sens visuel, mais ici, il a été énucléé par la folie intégriste ou "désintégriste", qui dénie le droit de voir.»(31).

      À remarquer en passant, et c’est une propension de l’auteur, la création de néologismes... entre autres jeux de mots qui confèrent au terme ciblé, un sens inattendu, et hautement incisif.

       Le ressenti de toutes sortes («J’ai été impressionné», 96), les termes personnalisés, le recours aux goûts (54) ou souvenir ancrent davantage le propos dans le vécu ; par exemple, l’allusion à Métropolis (de Fritz Lang), conduit à un jugement particulièrement lapidaire : «Dans notre monde technologique, le temps est malade de tous ses symptômes, malade de son accélération vertigineuse, provoquant du stress inutile et des cauchemars plus que des rêves» (58). Les termes affectifs émaillent le texte sous différents modes, dont l’émotion partagée avec les acteurs-témoins du documentaire par exemple : «Les Hawaïens sont si heureux de recevoir le présent divin, qu’ils en sont émus jusqu’aux larmes, ce qui nous touche également»(123). Les évaluatifs ne cessent de poser les opinions en les caractérisant par des adjectifs qualificatifs (voir ci-dessus) ; les modalisateurs apportent constamment des nuances péjoratives, atténuées ou mélioratives (croire, affirmer, doute, excuses...) : «Peut-être faudrait-il...» (134). L’auteur peut intervenir aussi à travers les leitmotivs qui passent d’un récit à l’autre (ex : «les faiseuses de pluie», 49, etc...).

       Le mode personnel identifiable repose sur le système énonciatif du discours : un rythme à tonalité oratoire par accumulation (énumération des nations, 66), la progression, l’alternance (dans le passage qui convie «l’hubris» dans Hamlet p.69). Les leitmotivs strictement identitaires, tournés vers le passé et mettant de la distance avec le modernisme. 

 

Entre spiritualité... 

         La Critique développée ici, correspond en tous points aux normes du Genre, avec une partie informative (synopsis des différents documentaires abordés, 51), de par la ponctuation explicative, les exemples (énumérations, 21), les citations ; une partie narrative pour décrire et illustrer le propos qui se montre didactique : exemple, la définition du mot «aroha» (148) ; les bribes de récit font référence entre autres, à son vécu d’enfant (115, pour l’apprentissage de la langue tahitienne) ou en associant «tapa» et élections de Miss Tahiti (102).

         Elle privilégie le culturel au commercial, de toute évidence ! Et dans une partie argumentative, elle pose une évaluation ou un jugement, en insistant par des modalisateurs, des oppositions sur l'impartialité de son appréciation : constamment vérifiés (les deux paragraphes sur la chanson tahitienne et l’apprentissage de la langue, 116). Dressant à plusieurs reprises, une dénonciation véhémente du nucléaire, hors-champ du documentaire (129), elle prouve le dynamisme de son mode opératoire.

 

... et ART

     Une écriture discursive qui ne cesse d’inventer ses propres critères : l’auteur parvient occasionnellement à établir une psychanalyse des courts-métrages pour en tirer  meilleur parti.

         Une écriture ardente, en soubresauts et en émotions. Tout comme pourrait s’identifier cette forme d’expression qui utilise raison et affect dans la mesure où la corporéité entière participe.

        En fait, cette chronique dépasse son propos affiché pour devenir le livre d’une vie, à travers images et références symboliques : «l’écriture du sang», tout comme le tatouage est "langue-racine", (113).

 

Un article de  Monak


** Un autre article précède sur la personnalité de HBH :

https://tahiti-ses-iles-et-autres-bouts-du-mo.blogspot.com/2023/07/hbh-un-auteur-polynesien.html 

 

Tous droits réservés à Monak. Demandez l’autorisation de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.

 

NB - FIFO : Festival International du Film documentaire Océanien de Tahiti :

https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_festival/331 

https://www.avantscenecinema.com/entretien-abderrahmane-sissako-timbuktu/

 

HBH un auteur polynésien


Par-dessus haies *

 

             Toute plume crée son lexique, par nécessité ou plaisir, à commencer par Thomas More, référence lointaine mais incontestée dans sa galerie de penseurs... Henri Brillant Heinere n’y échappe pas : sur «le bleu du ciel miroitant», entre autres couché au cœur (page 130) du 1er tome de FIFO BLUES. L’auteur, enfin décidé à commettre sa 1ère publication, n’est pas resté manchot. C’est qu’«il met à sac le patrimoine culturel de son époque», éclaté sur plusieurs continents, tout comme se commettait l’écrivain de Lépante.

 

           Étudiant à Paris, il avait créé la pièce chantée, dansée, dite en pa’umotu : «To’a Punga (Corail Mort)», sous forme de tribunal, accusant les «démons d’hégémonie» qui conduisaient à «la destruction massive (...) par les essais nucléaires»(129-130)... Maintenant à la retraite, il offre textes et poèmes pour des causes humanitaires à Tahiti...  son fenua, lieu de son bonheur, son eutopie, comme il se plaît à le philosopher...  

 

«Marche rose» à Paea... avec HBH

       Car là où il se trouve, HBH ne lâche rien : mentalité de challenger, qu’elle soit sportive ou culturelle... Ce 1er livre, panaché de tout ce qu’il trimbale de connaissances  approfondies et d’éléments vécus, de part et d’autre des océans traversés... nous fait sauter par-dessus les haies, à la suite de ce champion qu’il était «sur le Continent liquide» ...  Le 400m l’ayant désigné aux jeux du Pacifique Junior..

 

Du militantisme...

         Commencer sa jeunesse avec le coup de gong des essais nucléaires, c’est s’activer le cerveau contre les injustices d’une condition politique ancienne déjà peu reluisante, rehaussée  des dérives et corruptions internes surabondantes. HBH poursuit ses universités et se donne les moyens de la comparaison en s’exilant momentanément, tout en subvenant concrètement  à son quotidien.

           L’action peut s’avérer créatrice mais elle est avant tout collective... HBH s’en persuade et joue un rôle de transmetteur où se distribue la parole et circulent avis, contestation et argumentation : l’enseignement, à la manière socratique, avec l’appui de l’audio-visuel, comme support de réflexion. 

 

À la PRIDE 2023, Paofai, Papeete

            Le militantisme bénévole, il en est persuadé : prônant et promouvant la cause la plus épineuse qui soit au sein de la collectivité polynésienne : soit, la liberté de genre et de pratique sexuelle. Ce n’est pas anodin ; c’est sans conteste périlleux. Et socialement discriminatoire.

            Mais que voulez-vous, HBH ne serait pas HBH !


...à l’écrit

          L’écriture, longtemps laissée à l’état de projet : il accumule dans ses tiroirs roman, nouvelles, poésie, etc... Trop de signes convergents pour qu’HBH, ce graphomane compulsif en toutes circonstances, parachève enfin son objectif... Ce qui n’est qu’un commencement, espérons-le.

         Pour simplifier, le déclencheur immédiat de son écriture s’est brusquement précipité, avec, à l’ouverture du FIFO 2016, le visionnage de Timbuktu. Déjà bien ébranlé par ces 3 fléaux qui affectent le monde Afro-occidental et se propagent aux antipodes : choc du terrorisme, de la crémation de manuscrits anciens au Mali, de l’esclavage associé à l’idée du Blues.  Tout comme le réalisateur A. Sissako, exilé permanent, HBH met un point final à son nomadisme en terres à haut risque d’attentats (cf. l’année 2015) et s’ouvre une brèche tout autant dramatique, sur le «Continent liquide du Pacifique» qui n’en finit plus de se répandre en pleurs... 


Un  auteur  polynésien

            L’auteur bataille à plein contre les exactions qui débordent des caméras océaniennes et aspergent les écrans, tout au long de la session du FIFO (2017). Sans prendre de gants, car il a le courage de ses opinions. Scrupuleux dans ses analyses par respect pour les autres et pour pouvoir continuer à se regarder en face, prodigue en circonvolutions car intrinsèquement généreux, ceux qu’il approche se voient d’emblée comblés.

         Il expose librement les convictions qu’il dégage des films, les regroupant sous une thématique quelque peu engagée : acerbe sur la question aborigène... il aborde les dérives liées trop souvent aux mythes et aux croyances ; il s’interroge sur l’avenir des traditions et leurs appropriations diverses. Il s’insurge contre l’humiliation et les excès de la conquête, qu’elle soit ancienne, perdure ou fait l’actualité de l’Océanie.

            Avec bonheur, il secoue le silence feutré qui entoure une sexualité résolument protéiforme... et en butte aux représailles. Et ce n’est pas le seul coup de pied qu’il donne sur les herses dressées d’une économie de misère et de mentalités rétrogrades...  

 

LGBT Tahiti à Bora... 

              Aurait-il préféré se trouver épargné par une filmographie d’exception où les seuls attraits s’appliquent aux seuls bonheurs de l’âme et des sens ? En fait, il y aspire !

              Ses grands coups de cœur, ceux qui pourraient le satisfaire sans nuage se réduisant à deux films d’exception sur la création artistique et sa transcendance : la musique aborigène et sa transe créatrice... le tatouage marquisien et sa symbolique  tout autant métaphysique.

 

Un article de  Monak

 

* Un autre article suit sur le mode d’écriture de HBH

        Tous droits réservés à Monak. Demandez lui l’autorisation avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.

 

 

mercredi 5 juillet 2023

1 ère Nuit de la Lecture LGBT-Tahitienne

En pleines dérives de Genre

 

         Notre challenge, nous confie Tess Wise (néo-zélandaise), invitée surprise à la soirée, c’est de sortir de notre île. Ce qui équivaudrait au concept suivant : une communauté qui passerait son temps à se regarder le nombril serait en perdition. D’où cet intermède livresque pour se ressourcer et approfondir. Et via son périple des USA à sa Terre-Mère, voilà notre oiseau des îles à Tahiti, composant en quelques bouts d’heures, la chanson qu’elle dédie à tous les genres, pour la 1ère Nuit de la Lecture, au sein de l’Association LGBT... La cause est entendue : elle est universelle...

 

       Cousins-Cousines-Tahiti ouvre sa 1ère session Liseur-Liseuses sur le thème des victimes du Genre, plus nombreuses, en Polynésie comme ailleurs, que les concernés qui s’en sont sortis indemnes. Mouvement de reconnaissance identitaire inclut nécessairement culture. Et Henri Heinere Brillant, secrétaire  de l’Association,  ne lésine pas sur l’aspect culturel : affichant et soutenant toute initiative créatrice de texte, de musique, de déclamation, d’œuvre plastique, d’image et autres productions, issues de la communauté ou des «alliés». En effet, quelle que soit la culture d’origine, la nuance «minorité de genre» est inclue par principe.

 

Littérature à fleur de peau  
 

         Conscients ou non de leur apparence, les petits d’ici souffrent des discriminations qu’on leur colle à la peau, quand on ne les abuse pas, par perversion ou pour soi-disant leur faire entendre raison : à la maison comme dans les systèmes scolaires ou de loisirs sportifs. L’un des plus jeunes auteurs de la soirée, de CM 1, lu par  Teriihauroa Karel Luciani, président de l’Assoc., figure dans le recueil édité par les instances scolaires de Tahiti, en 2020 : MOTS CONTRE MAUX, facilement accessible et téléchargeable sur internet.

      «Sois comme tu es» (p. 26), décrit le processus ordinaire d’un gamin de 11 ans  en butte aux tracasseries familiales et aux harcèlements scolaires.

         On en meurt : quel que soit l’âge...

 

Si jeunes et l’écrit qui alerte 

      Qu’on se le dise, ce n’est que par la familiarisation avec les productions du fenua que les mentalités se feront à l’idée que tout le monde ne se ressemble pas, que chacun est libre d’affirmer son identité et d’être différent.  

 

Aroha

       Un panel de textes, toutes catégories vient honorer le programme concocté par l’Association LGBT Tahiti, sise au chevet de la cathédrale de Papeete. Sous le signe d’Aroha - altruisme, cordialité -, que je préfère au terme compassion, même si la souffrance participe de la majorité des publications sélectionnées.

       Les auteurs, à l’image de la population polynésienne, sont très mélangés. Normal : l’écriture comme la lecture nous convie au voyage, sans parvenir à nous lasser. Les lecteurs, prendront le relais des absents. Marita, enseignante à Gauguin, nous offrira lecture et analyse de la chronique poignante de Titaua Peu : Pina. 

 

Focale sur Tahiti 

       Au palmarès, Verlaine, poète maudit du 19ème siècle, sera porté par les participants : artistes, plasticiens ou théâtreux. De même, deux chapitres à teneur sociologique, l’un truculent, l’autre révoltant, tirés du livre de Julien Gué, De la Mer aux hommes : Manifeste pour Tahiti et ses îles, seront partagés par l’assistance. De l’agonie des mineurs prostitués en famille ou dans la rue, du suicide à l’acceptation tardive de l’orientation de genre...

 

Les zones d’ombre  

        Aroha ! Aroha !  Du documentaire océanien à la critique, Henri Heinere, instigateur et animateur de la soirée, nous entraîne avec Fifo Blues, dans les dédales de destins laminés, plus ou moins controversés, un tant soit peu aux frontières du supportable. Ne resterait-il aux Drag Queens, aux mi-femmes/mi-hommes, aux bi-sexuelles, que la nuit où se perdre et la clandestinité pour se dissimuler ?

      La question est nettement posée et l’auteur nous met face aux contradictions d’une société qui ne tolère qu’à la seule condition que ça lui rapporte... Le blues, le fiu de l’auteur, ce n’est pas seulement pour un festival cinématographique qui dure trop peu de temps pour toucher tout le monde, mais face à une société qui loin d’être pacifique comme son berceau originel, détruit ses ressortissants sous la mélasse de son hypocrisie.  

 


Quand  le personnage fictif est bien réel

         Nuit de la lecture signifie évidemment réactions des lecteurs d’habitude silencieux et contrepartie des auditeurs immédiats. Monak, plus qu’aux extraits de son roman Le Sang du Corail, consacre son intervention aux dits de l’héroïne. PERS’, celle que tout le monde traite de : «Ça, Pas grand-chose, Rien...», parce qu’elle est Raerae... celle que chacun bafoue, humilie, exclut. Et Elle prend enfin la parole, pleure, rit, existe...  

       Le local, Place Notre-Dame, lieu convivial ouvert aux genres en détresse ou à la rue... remplit à plein sa mission d’échange et de reconnaissance.

 

À portée d’écrit

         Pour clore cette quinzaine des "Fiertés" ou parade identitaire pour signifier que les minorités de Genre sont malmenées mais subsistent sous nos cieux tropicaux -n’en déplaise à cet échotier sous-marin hargneux qui conspue les individus, diffame les représentants locaux et diffuse infos erronées en toute impunité de phobie éhontée - cette Nuit de la Lecture a été ardemment partagée par créatifs reconnus et SDF... Comme quoi la culture ne se niche pas toujours à coups de nomenclature.

         Soirée-Lecture n’a aucun sens si les auditeurs présents ou les lecteurs de cet article n’effectuent pas la démarche d’investiguer à partir des liens qui sont ici fournis. L’interaction est une condition sine qua non à la création. L’auteur est si souvent solitaire, ligoté à ses pages tant qu’elles ne sont pas achevées... ou à la traîne de ses personnages qui lui imposent de leur courir après,  qu’il apprécie de se faire bousculer par des interlocuteurs inconnus.



"Le monde  rêvé "   de Tess Wise

      «À portée d’écrit» convient parfaitement à cette Première Cousins-Cousines Tahiti, pour rendre compte de la création musicale de Tess Wise. Le monde qu’on rêve est plus qu’une chanson, vite fait sur le gaz. Pénétrée de beaucoup d’humour, si vous daignez lire entre les lignes, elle ne manque pas d’allant !

       Petite offrande, soulignerait humblement sa compositrice-guitariste-interprète à la soirée de Tahiti, elle offre l’amplitude d’un manifeste LGBT et acquiert sans effort la dimension d’un très bel hymne à la multiplicité des Genres... 

À chanter, jouer, exprimer, hurler... sans modération.

 

Un article de  Monak

 

Tous droits réservés au concepteur & à l’auteure. Demandez leur l’autorisation avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.


Merci Vaivai, plasticienne, Mathieu Beurton, dramaturge...   

Voir aussi :  

https://tahiti-ses-iles-et-autres-bouts-du-mo.blogspot.com/2023/06/lgbtqia-tahiti-2023.html 

https://www.tahiti-infos.com/Premiere-nuit-de-la-lecture-sur-la-thematique-LGBTQIA_a217903.html 

Ne pas confondre :

Le Sang du Corail aux éditions Maïa avec une fiction corse au titre approchant, parue récemment.