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dimanche 4 mars 2012

Le frère convers Gilbert Soulié

Bâtisseur de l’archipel des Gambier

Au-delà de toute polémique sur l’évangélisation et la colonisation, on ne peut que rendre hommage à l'œuvre architecturale du frère convers Gilbert Soulié dans l'archipel des Gambier.

Le livre de Jean-Paul Delbos
Si l’on connaît aussi bien aujourd’hui l’œuvre et la vie de cet obscur religieux de la Congrégation des Sacrés-Cœurs (les frères de Picpus), nous le devons à Jean-Paul Delbos et à son livre "La mission du bout du monde" (Les Editions de Tahiti).

Cet ouvrage n’est, en réalité, rien d’autre que la transcription des carnets du frère Soulié. Transcription qui demanda un énorme travail, l’auteur des carnets ne maîtrisant l’écriture que de manière très approximative.

Ceci étant dit, ces carnets sont une véritable mine d’or pour qui s’intéresse à l’archipel des Gambier et à son fabuleux patrimoine architectural.

 

Frère Soulié, le bâtisseur du bout du monde

Arrivé à Mangareva en 1836, le frère convers Gilbert Soulié se met immédiatement à l’ouvrage en reconstruisant, en dur cette fois, l’église Saint-Raphaël d’Aukena. Il ne cessera de bâtir jusqu’à sa mort en 1863 !

St Raphaël d'Aukena, première église en dur des Gambier
L’archipel des Gambier est profondément marqué du sceau de ce génial autodidacte. La liste des bâtiments construits par cet homme à la ténacité et à l’inventivité hors du commun serait trop longue à établir, de la petite église Saint-Raphaël d’Aukena à la cathédrale en passant par les tours de guet, le collège Re’e de Aukena et tant d’autres encore.

Si le frère convers Gilbert Soulié ne conçoit en général pas les plans de toutes ses constructions, c’est bel et bien lui qui cherche et trouve toutes les solutions techniques aux problèmes posés, et ils sont nombreux.

Un escalier à vis taillé dans le basalte
C’est lui qui recrute, forme et dirige les Mangaréviens afin qu’ils soient en mesure d’édifier tous ces monuments que nous admirons aujourd’hui.

Oublié de l’histoire au profit des pères Laval et Liausu, la mémoire et l’œuvre de cet homme hors du commun ont été heureusement réhabilitées par Jean-Paul Delbos.

 

Les défis techniques du frère Soulié

Le premier défi à relever par Gilbert Soulié est celui de l’outillage et des matériaux.

Au cœur du Pacifique Sud dans la première moitié du XIXe siècle, il ne faut pas compter sur les approvisionnements extérieurs. Ne peuvent donc être utilisés que des matériaux locaux.

Pour le bois, il suffit d’exploiter les essences locales et de s’adapter à leurs spécificités techniques. En revanche ici, pas de métal, pas de briques, pas de ciment, pas de chaux… Aucun des matériaux connus par le frère Soulié n’existe aux Gambier.

Qu’à cela ne tienne : le frère bâtisseur va chercher des solutions… et les trouver avant de les mettre en œuvre.

Le four permettant la cuisson du corail
Pour le gros œuvre, à l’instar des anciens Mangaréviens, on taille dans le basalte. On va même utiliser toutes les pierres des marae détruits sur ordre du père Laval. Le vrai problème se pose pour le ciment, la chaux et le plâtre.

C’est là que le frère Soulié va faire preuve de génie. Il va utiliser la soupe de corail pour remplacer les matériaux absents.

Pour arriver à ses fins, il construit un four dans lequel il fait cuire la soupe de corail. Cette opération permet d’obtenir un matériau qui remplace avantageusement la chaux. C’est un travail de titan, mais la main d’œuvre est gratuite et corvéable à merci.

Le problème des toitures est résolu par un compromis : il monte des charpentes en bois telles qu’il en a toujours vues, mais en réalisant les assemblages avec des liens végétaux, comme toutes les constructions locales traditionnelles. Puis il réalise les couvertures en suivant la méthode mangarévienne : en utilisant les feuilles de pandanus ou de niau (arbres très répandu dans toutes les îles polynésiennes).

Les œuvres du frère convers Gilbert Soulié
Contrairement à son supérieur Laval, il semble que le frère Soulié ait établi de véritables relations avec les Mangaréviens. C’est sans doute pour cela que ses carnets, tout en nous dévoilant tous ses secrets de construction, nous en apprennent bien plus sur la population de l’époque que les écrits du père Laval.

 

La cathédrale Saint-Michel de Rikitea

Afin d’éviter tout retour aux pratiques anciennes, elle est édifiée sur l'emplacement de l'ancien temple des idoles, are tapere, en utilisant les pierres de ce même marae.

Le porche de St Michel avant sa restauration…
Cet imposant édifice de 48 mètres sur 18 n’a été doté de ses deux clochers que tardivement afin de lui donner un air de ressemblance avec Notre-Dame-de-Paris.
Son remarquable autel de bois précieux incrusté de nacres est entièrement l’œuvre du frère Gilbert Soulié.

Dans un état de délabrement avancé, la cathédrale Saint-Michel de Rikitea a du être fermée au public il y a quelques années. Afin d’obtenir des aides financières pour la restaurer, le gouvernement de la Polynésie l’a classée monument historique.

… et aujourd’hui !
Grâce à l’Etat français, la restauration de la cathédrale a commencé dans les derniers mois de 2009. Elle est aujourd’hui achevée, mais c’est là une toute autre histoire que je vous conterai bientôt…

 

Le voyage aux Gambier

L’archipel des Gambier est une destination lointaine et onéreuse, c’est une évidence. Mais un séjour en Polynésie française se peut-il concevoir sans s’être plongé dans la mémoire, l’histoire et la beauté unique de "La mission du bout du monde" ?

Je ne le crois pas.


Un article de Julien Gué

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